la dystopie politique et féministe palpitante de la rentrée scolaire
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la dystopie politique et féministe palpitante de la rentrée scolaire

Typhaine vit dans une société française dirigée par un gouvernement autoritaire, La Tutelle, qui tente de faire face à une crise de fertilité. La jeune femme est sélectionnée par un programme élitiste pour porter un embryon génétiquement modifié. Portrait féministe touchant, dystopie et thriller psychologique captivant, le roman de Nicolas Martin nous tient en haleine jusqu'à la dernière ligne.

Paris Match. Avant « Fragile/s », vous étiez l’animateur de « La Méthode Scientifique » sur Culture française, mais aussi scénariste pour le cinéma. Comment vous est venue l’idée d’écrire ce premier roman ?

Nicolas Martin. L’écriture a toujours fait partie de ma vie. J’ai fait mes premiers essais quand j’avais 11 ou 12 ans. Puis, alors que je travaillais encore pour France Culture, on m’a proposé d’écrire des nouvelles pour le festival de science-fiction Les Utopiales. Petit à petit, j’en ai eu envie. Il me fallait encore trouver l’idée… Alors que je voyageais aux îles Féroé, je me suis réveillée une nuit dans un état quasi hypnotique, après avoir fait un rêve complètement fou. J’ai ouvert mon ordinateur, et j’ai écrit le synopsis de « Fragile/s ». L’idée de départ a évolué au fur et à mesure de l’écriture, et ce sont mes personnages, je pense, qui ont fait basculer le roman vers quelque chose de plus politique.

Paris Match. « Fragile/s » est un roman d’anticipation politique qui suit l’évolution d’un régime autoritaire appelé La Tutelle, fondé sur un système de surveillance et de contrôle de la population. Peut-il devenir un livre prémonitoire ?

Nicolas Martin. Isaac Asimov a dit à juste titre qu’écrire de la science-fiction d’anticipation, c’est se projeter dans le futur en jouant avec les règles du présent. On manipule les paramètres politiques, sociaux ou économiques de notre époque pour créer des histoires. C’est presque une expérience scientifique. Certains auteurs de science-fiction semblent avoir la capacité de prédire l’avenir. La vérité, c’est que 99 % du temps, ils se trompent. Néanmoins, chaque roman est un produit de son époque. Au moment où j’écris le livre, la politique se polarise, les extrêmes sont de plus en plus populaires et cela me préoccupe bien sûr… La baisse de la fertilité et l’appauvrissement des spermatozoïdes sont aussi des problèmes actuels relevés par les scientifiques. Que se passe-t-il alors si j’amplifie un peu ces paramètres ? Prenons une société française dans laquelle l’extrême droite arrive au pouvoir par les urnes, mais se maintient de manière autoritaire, alors que, tout d’un coup, la natalité s’effondre. On secoue tout ça, et on obtient « Fragile/s ».

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Paris Match. Le personnage principal de « Fragile/s » est une femme, Typhaine, qui vit plusieurs expériences propres à son corps et à son genre. Comment vous êtes-vous mis à la place de ce personnage pour retranscrire avec justesse un regard féminin ?

Nicolas Martin. Cette question m’a aussi été posée par une amie très chère, également écrivaine, Élise Thiébaut. Elle est féministe, a beaucoup écrit sur les règles et plus récemment sur la ménopause. Elle m’a dit qu’elle n’avait jamais lu une transcription aussi précise de l’expérience de la grossesse ou de l’accouchement écrite par un homme. Je ne m’attendais pas à un accueil aussi positif sur cet aspect en particulier. Pour y répondre, je me suis beaucoup inspirée des grossesses de mes deux sœurs aînées, que je suivais de très près à l’époque. Typhaine, mon héroïne, s’inspire de toutes les femmes qui m’entourent, mes amies, les membres de ma famille… Je ne suis qu’un réceptacle, en réalité.

Paris Match. Dans La Servante écarlate, Margaret Atwood écrit : « La santé mentale est un bien précieux. Je l’économise comme les gens économisent de l’argent, pour qu’au moment venu, ils en aient assez. » Avec Fragile/s, vous délivrez un message similaire sur la place des femmes et de la santé mentale dans une société fasciste. Qu’est-ce qui vous a inspiré ?

Nicolas Martin. L’histoire, mais malheureusement aussi l’actualité, nous prouvent que les systèmes autoritaires et fascistes sont ennemis de la liberté des femmes. C’est aussi le point de départ du livre de Margaret Atwood, l’une de mes plus importantes inspirations. Nos livres racontent comment lorsque la fécondité s’effondre, la société, pour survivre, prend le contrôle des femmes pour les transformer en « usines à bébés ». Leurs droits sont restreints, elles travaillent de moins en moins et sont confinées à la maison. Lorsqu’elles tentent de prendre à nouveau la parole pour dénoncer le système, le réflexe systématique est la psychiatrisation. Ce n’est, encore une fois, qu’une aggravation de ce que j’observe dans notre société actuelle, qui dévalorise souvent la parole des femmes en les traitant d’hystériques lorsqu’elles s’énervent. Avec le parcours de Typhaine, j’essaie de raconter l’héroïsme individuel, la force de caractère nécessaire pour pouvoir se rebeller quand tout le monde autour de vous, y compris les personnes que vous aimez, finit par dire : « vous dites des bêtises, allez vous faire soigner ».

Paris Match. À la fin du livre, vous citez Tolkien, Lovecraft, Asimov, Herbert et d’autres… Quelles sont vos références les plus importantes ?

Nicolas Martin. Outre « La Servante écarlate », mes inspirations majeures sont « La Maison des feuilles » de Mark Z. Danielewski, « We Need to Talk About Kevin » de Lionel Shriver, mais aussi « La Vie tranquille » de Marguerite Duras, pour sa façon d'écrire sur la solitude et la mélancolie qui me touche particulièrement.

Paris Match. Vous êtes réalisateur, scénariste et également présentateur du podcast cinéma « Réalisé sans trucage »… « Fragile/s » pourrait-il devenir un film ?

Nicolas Martin. J’ai commencé à écrire des scénarios parce qu’un scénariste m’a dit un jour que mes nouvelles ressemblaient à des plans de films. Mon imaginaire est celui de l’image, alors bien sûr si j’en ai l’occasion un jour, je réaliserai « Fragile/s ».

Paris Match. La fin semble appeler à une suite. Y aura-t-il un deuxième tome ?

Nicolas Martin. Si le livre a du succès, oui, je sais déjà quelle sera la suite, et elle sera radicalement différente.

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Nicolas Martin, “Fragile/s”, ed. Diable Vauvert, 432 p.

© DR

 
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