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« Aimer un garçon, c’est potentiellement mourir de lui »

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Quentin Zuttion, chez lui à Paris, le 12 août 2024. ALASSAN DIAWARA POUR « LE MONDE »

Début août, l’auteur de bande dessinée Quentin Zuttion a décidé de publier un post par jour sur son compte Instagram. On le voit compter les jours avant la sortie de son nouveau roman graphique, Salon de beauté (Dupuis, 184 pages, 24,50 euros). Avec une dizaine d’exemplaires de son album, il construit tantôt une petite cabane, tantôt une table de nuit, tantôt une vitrine d’exposition… Une manière de désacraliser l’objet livre qui fait sourire.

Le 28 août, au Café Olympique, dans le 18eet arrondissement de Paris, c’est à la drag queen Sciatique qu’il a confié l’animation de la soirée de lancement de son livre. Après une série de questions-réponses aussi drôles que touchantes (dont une ” Est-ce que tu m’aimes ? “ (exprimé sur un ton facétieux), l’interprète flamboyant a enchanté la soixantaine d’invités en interprétant Le monde est lapidéde Fabienne Thibeault, extrait de la comédie musicale Starmaniaet Salut…Lolitapar Alizée. Des tubes pop iconiques de deux époques très différentes, les années 1970-1980 et les années 2000. Deux chansons qui occupent, avec le côté accrocheur Un amour entachépar Soft Cell, une place de choix dans l’imaginaire de Quentin Zuttion comme dans son Salon de beauté.

Cette apparente légèreté contraste radicalement avec le ton tragique de cette adaptation du roman du même nom du Mexicain Mario Bellatin (Stock, 2000). Jeshua, Isai et Alex sont trois homosexuels qui aiment autant shampouiner les cheveux de leurs clients le jour que faire la fête et gambader la nuit en travesti. Un étrange syndrome met soudain un terme à leur quotidien insouciant. Ce mal qui les ronge se manifeste entre autres par l’apparition d’écailles de poisson sur leur peau… Un choix graphique d’une certaine poésie, métaphore limpide du sida et des sarcomes de Kaposi, ces tumeurs cutanées provoquées par la maladie.

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Extrait de « Salon de beauté » de Quentin Zuttion. DUPUIS

La découverte du roman, que Camille Grenier, son éditeur chez Dupuis, a confié à Quentin Zuttion, a été un choc pour ce dernier. « Je n’avais jamais rien lu de fiction sur le sida. Et même s’il s’agit d’une œuvre de fiction, le film 120 battements par minute [de Robin Campillo, 2017] reste très inspiré par des faits réels”explique le dessinateur de 34 ans, que nous avons rencontré chez lui, une ancienne conciergerie dans l’arrière-cour d’un immeuble du XVIIIe siècle.et Quartier parisien, dans la torpeur d’un soir de début août.

Représentations du corps masculin

Le court texte de Mario Bellatin, qui ne contient aucun dialogue et ne nomme pas les personnages, semblait à première vue être un cadre idéal : « En le lisant, beaucoup d’images me sont venues à l’esprit et je pensais que le travail ne serait pas compliqué. En réalité, il était beaucoup plus difficile. » Il a fallu deux ans à Quentin Zuttion pour s’approprier l’œuvre originale, qui a publié sa première bande dessinée, Sous le lit (Editions Lapin), en 2016. Ce processus créatif laborieux s’est accompagné d’une psychothérapie douloureuse mais salutaire – un sujet qui revient régulièrement dans son discours, sous forme de boutade ou sur un ton plus solennel.

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