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les pérégrinations d’un grand-oncle évanescent

« L’Homme en mouvement », de Patrick Straumann, Chandeigne, 144 p., 18 €, numérique 14 €.

Écrire la biographie d’un personnage dont la caractéristique était de disparaître et d’émerger d’un bout à l’autre du monde dans le chaos du XXe siècleet siècle, c’est le pari pris par le journaliste et écrivain suisse installé à Paris, Patrick Straumann. L’homme en mouvementil dresse le portrait d’un grand-oncle, Paul (1905-1995 ; né Reichstein, il se donne le patronyme de Ritchie), aussi évanescent dans sa propre existence que fascinant aux yeux de son petit-neveu.

Auteur d’une description de la capitale portugaise pendant la Seconde Guerre mondiale, un refuge ambigu pour les réfugiés (Lisbonne ville ouverteChandeigne, 2018), Straumann allie un talent littéraire tout en finesse – corrigeant, à l’aide d’un humour discret, son empathie pour une ville ou, ici, pour un personnage – au travail d’un historien qui ne cherche jamais à combler les lacunes ou les mystères par l’imagination. L’exercice est d’autant plus ardu que, dit-il, son protagoniste n’avait aucune ambition de laisser la moindre trace.

Hormis quelques recherches d’archives, le biographe n’avait guère d’autre guide que la correspondance entretenue par Paul avec son frère aîné et soutien indéfectible, le natif de Bâle. « Tadzik »Tadeusz Reichstein (1897-1996), prix Nobel de physiologie 1950 pour ses travaux sur la cortisone et la vitamine C, aussi sédentaire que son cadet l’était en perpétuel mouvement. Tous deux issus d’une famille juive polonaise installée en Suisse, ils ont fréquenté la célèbre École polytechnique fédérale de Zurich, vivier de scientifiques mais aussi de destins hors du commun.

Un parcours hors du commun

Même si l’on regrette que cet échange de lettres ne soit pas plus souvent cité, il semble bien tracer un itinéraire inhabituel. On retrouve ainsi Paul à Moscou comme en Alaska, au Japon comme à San Francisco et surtout dans les camps et les armées adverses dans une période troublée. Installé en URSS au début des années 1930, il se familiarise avec le « socialisme réel » peu avant l’éclatement de la terreur stalinienne. Fuyant le « brillant avenir » soviétique tout en y abandonnant femme et fils, Paul finira la guerre dans la marine américaine avant de travailler, entre autres, comme ingénieur dans la marine marchande. Cette carrière mouvementée, dont il sort pourtant indemne, n’est pas sans rappeler le récit de la vie d’un espion de haut vol. Mais à lire Straumann, ce n’est pas là la clé de cette biographie.

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