Le difficile mea culpa de la Cinémathèque dans le scandale du « Dernier Tango à Paris »

Le difficile mea culpa de la Cinémathèque dans le scandale du « Dernier Tango à Paris »
Le difficile mea culpa de la Cinémathèque dans le scandale du « Dernier Tango à Paris »

Les dirigeants de la Cinémathèque française ont tenté de mettre fin aux critiques qui les soupçonnent de ne pas avoir pris la mesure de la vague #MeToo, en esquissant un mea culpa devant l’Assemblée nationale jeudi qui n’a pas convaincu les parlementaires.

Scène de viol

L’institution de la cinéphilie, au rayonnement international, est en ébullition depuis décembre et la programmation de Dernier Tango à Paris sans le remettre dans son contexte. Ce film de Bernardo Bertolucci de 1972 comprend une scène représentant un viol commis par le personnage de Marlon Brando sans le consentement de l’actrice Maria Schneider.

Face aux protestations des féministes, la projection a été annulée 24 heures auparavant, officiellement pour des raisons de sécurité. Jeudi, la commission de l’Assemblée nationale sur les violences commises dans les secteurs artistiques et médiatiques a convoqué quatre de ses dirigeants pour s’en expliquer.

La programmation de ce film hors contexte “a suscité un nombre considérable de réactions”, a reconnu la cinéaste et présidente de la Cinémathèque Costa-Gavras, devant la présidente de la commission, l’écologiste Sandrine Rousseau, et son rapporteur MoDem, Erwan Balanant. .

“Notre volonté était loin d’être une provocation”

“Notre volonté était loin d’être une provocation, c’était de présenter une œuvre importante avec un acteur légendaire”, à savoir Marlon Brando, a-t-il ajouté. “Le film aurait dû faire l’objet d’une séance de présentation très détaillée et approfondie car (il a eu) des conséquences graves, incontestablement, sur la vie de Maria Schneider”, décédée en 2011, a-t-il poursuivi.

“Je prends ma responsabilité dans ce refus” de contextualiser, a-t-il ajouté. « Je regrette profondément que nous n’ayons pas prévu d’accompagner la présentation du film avec un spécialiste. […]. C’est une leçon pour l’avenir.

« Un morceau du passé »

Également interviewés, le directeur général de la Cinémathèque, Frédéric Bonnaud, et son programmateur, Jean-François Rauger, ont partagé ce mea culpa. Frédéric Bonnaud a annoncé que le conseil d’administration de la Cinémathèque venait de décider de « tenir davantage compte, lors de la présentation de certains films, de l’éclairage rétrospectif que le passage du temps et l’évolution de la société jettent sur ces œuvres et du respect dû aux victimes.

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Mais les deux hommes ont aussi longuement défendu la volonté de la Cinémathèque, très critiquée par les féministes, de projeter des films qui appartiennent à « l’histoire du cinéma », malgré leurs conditions de tournage ou l’action de leurs réalisateurs.

Bertolucci, sur Le Dernier Tango à Paris« Par souci de faux réalisme et en filmant par manipulation la surprise inédite de Maria Schneider, elle lui a fait subir une situation d’extrême violence contre son gré », a déclaré Frédéric Bonnaud. “Néanmoins, le film appartient à l’histoire du cinéma car il a su capter un morceau du passé, l’air du temps et l’évolution de la société.”

“Faire de bons films sans violer les actrices”

Plus largement, concernant les réalisateurs accusés de violences, « nous sommes sur un chemin étroit, une crête difficile », a-t-il argumenté. “D’un côté, il y a (leur) importance artistique et le devoir de les montrer, et de l’autre il y a les faits et l’évolution de la société.”

Frédéric Bonnaud et Jean-François Rauger ont également été mis en difficulté suite à des propos passés. Le premier, qui avait qualifié, en 2018 sur Mediapart, les féministes qui s’opposaient à la programmation d’une rétrospective du cinéaste Jean-Claude Brisseau de « à moitié folles », affirmait qu’il débattait alors « un peu passionnément » et que ses propos avaient « dépassait de loin ses pensées ».

Le second, qui s’était demandé si on « pouvait faire de bons films sans violer les actrices », a expliqué qu’il fallait prendre le verbe violer au sens « symbolique ». La commission, qui mène depuis des mois des auditions publiques avec des dizaines de responsables ou d’acteurs du secteur, et donne la parole à de nombreuses victimes, n’a pas semblé convaincue.

” Résistance “

Sa présidente s’est dite “très circonspecte”. « Il faut comprendre que le cinéma change, parce que la société change. […] La résistance dont vous êtes l’un des piliers ne durera évidemment pas très longtemps car la société est bien en avance sur vous », a-t-elle déclaré. Les auditions devraient s’achever fin janvier ou début février et son rapport est attendu début avril.

 
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