« Certains ont utilisé le club »… Comment l’académie de Lyon est devenue un centre de formation « ordinaire »

Systématiquement sur le podium des meilleurs centres de formation français depuis le lancement d’une évaluation annuelle par la Direction Technique Nationale (DTN) de la FFF en 2020-2021, et même vainqueur en 2022, l’Olympique Lyonnais n’a apparemment rien perdu de sa superbe jeunesse. La « formidable académie » de l’OL chère à Jean-Michel Aulas, longtemps perçue comme la référence européenne aux côtés du Barça, cache pourtant une toute autre réalité, alors que l’équipe première se déplace ce mercredi (18 heures) à Bourgoin-Jallieu (Isère) en huitièmes de finale de Coupe de .

L’OL n’est que 7ème du championnat national U17, derrière son rival Saint-Etienne mais aussi trois clubs amateurs, Saint-Priest, Air Bel et le Cavigal Nice. Même constat inquiétant pour les U19 nationaux, qui végètent dans le ventre mou (8e) aux côtés d’Andrézieux-Bouthéon. Seule l’équipe réserve du club, reléguée en National 3 (5e division) en 2023, a fait un peu mieux avec une 5e place.

Seul Enzo Molebe figurait parmi les pros

Ajoutez à cela que l’OL n’a plus joué en Youth League depuis 2020 et que seuls deux joueurs du club (Enzo Molebe en U18 et Rémi Himbert en U17) faisaient partie des dernières sélections jeunes de l’équipe de France, des U16 aux U20. Encore une anomalie quand on pense aux nombreuses générations de joueurs lyonnais faisant confiance aux Bleuets.

De même, Enzo Molebe (17 ans) est le seul Lyonnais de moins de 21 ans à avoir rejoint le groupe professionnel cette saison, avec pour l’instant deux courtes apparitions. Est-ce la preuve que l’OL a tourné le dos à son ADN formateur ?

Enzo Molebe, l’un des rares espoirs actuels du centre de formation de l’OL ? Apparu à deux reprises cette saison avec le groupe professionnel, le prometteur attaquant de 17 ans compte en tout cas depuis longtemps devant lui huit joueurs confirmés dans l’effectif sur le plan offensif.– MI News/NurPhoto/AFP

« Les gens au pouvoir doivent tout reconstruire »

« L’OL a toujours été pionnier en matière de formation en France, que ce soit avec José Broissart, Georges Prost, Rémi Garde et Stéphane Roche », rappelle l’ancien gardien professionnel Gilles Rousset, entraîneur à l’OL pendant quinze ans. Il y avait une méthodologie avec beaucoup de gammes répétées, une exigence et une vraie âme lyonnaise. Tout était réuni pour ne pas faire bondir les jeunes, quand on voit que Karim Benzema avait bouclé ses deux saisons complètes en U17. Et puis certains ont rejoint le club pour structurer des entraînements et des pré-entraînements, et ils ont gagné du terrain… »

Un constat partagé par Armand Garrido, dernier entraîneur à avoir remporté un championnat national avec Lyon, en 2014 dans la catégorie U17 : « Cela m’attriste d’avoir assisté à ce désastre d’entraînement sans pouvoir l’empêcher. Les personnes au pouvoir aujourd’hui ont hérité d’une mauvaise situation, avec tout à reconstruire. On ne reconnaît plus l’académie de l’OL. »

Sur le banc des accusés, tous deux placent avant tout Jean-François Vulliez, directeur de l’académie de 2017 à 2023. Ils lui reprochent de ne plus avoir consulté les entraîneurs pour définir les jeunes retenus ou non par le club en fin de saison, pour pour avoir écarté l’équipe de Ligue U16, mais surtout pour avoir « instauré une ambiance très pesante ».

Jean-François Vulliez (à droite), ici en 2018 à Dakar (Sénégal) aux côtés de Bruno Rohart dans le cadre du partenariat entre l’AS Dakar Sacré-Cœur et l’OL, reste critiqué par les entraîneurs historiques lyonnais pour son passage à la tête du centre de formation de l’OL, de 2017 à 2023.– Seyllou/AFP

“On a quitté le foot”

« Nous avons longtemps été une famille avec tous les entraîneurs, se souvient Gilles Rousset. Nous étions tous des serviteurs du club, puis certains, Jean-François Vulliez en tête, avec un discours universitaire et scientifique, ont utilisé le club. Ils parlaient le même langage que les dirigeants, ils avaient le savoir et nous le savoir-faire. Nous avons mis des obstacles sur le chemin de tous les entraîneurs historiques. » Désormais coordinateur sportif à Bourgoin-Jallieu, et donc opposé à l’OL ce mercredi, précise Armand Garrido.

« Des joueurs sont venus me chercher sur le terrain pour les emmener faire du yoga ou faire du NeuroTracker [outil d’entraînement cognitif]. Nous avons quitté le football et laissé complètement de côté la compétition. »

Parti de Lyon l’été dernier, Jean-François Vulliez répond aux critiques des deux ex-entraîneurs de l’OL : « C’est un mauvais procès d’intention. Nous avons fait évoluer la formation comme Rémi Garde l’avait demandé à mon arrivée à Lyon, et les évolutions entraînent toujours des tensions et des résistances au changement de la part de certains.

Directeur du centre de formation avant de prendre la tête de l’équipe professionnelle (de 2011 à 2014), Rémi Garde souhaitait développer la méthodologie lyonnaise, lorsque Jean-François Vulliez arrive au club en 2011 avec Jean-Yves Ogier, manager de longue date de préformation. Puis un audit demandé par Jean-Michel Aulas, et mené par Gérard Houllier en 2016, a définitivement établi les méthodes utilisées par Jean-François Vulliez.

L’ère du soutien mental, du yoga et des données

« L’idée était d’avoir toujours une longueur d’avance pour accompagner les jeunes », résume celui qui a entraîné l’OL en Ligue 1 contre Le Havre (0-0) la saison dernière, entre les époques Laurent Blanc et Fabio Grosso. A partir de 2014, soutien mental des joueurs, initiation au yoga, travail du direction et la dimension cognitive, mais aussi des séances d’analyse vidéo et la mise en place de capteurs GPS pour analyser les données des joueurs.

« Nous avons libéré beaucoup de joueurs de niveau européen au fil des générations de 2000 à 2003. [Caqueret, Gouiri, Kalulu, Bard, Lukeba, Barcola, Gusto et Cherki]se souvient Jean-François Vulliez. Ensuite Mamadou Sarr (19 ans) aurait pu selon moi jouer en Ligue 1 avec l’OL mais il a été transféré à Strasbourg. Une ère s’est ouverte avec un nouveau propriétaire, et il faut voir sa stratégie vis-à-vis des jeunes. »

A ce titre, John Textor est en mesure d’assister de l’intérieur, avec passion, à l’intégralité du tournoi U15 de Neuville-sur-Saône en mai 2024, quatre mois avant d’annoncer que son modèle économique porterait davantage sur le recrutement de joueurs confirmés que sur la promotion. l’émergence des espoirs du club en Ligue 1.

En 2023, John Textor n’a pas apprécié l’envie de Bradley Barcola, comme celle de Malo Gusto et Castello Lukeba, de quitter rapidement leur club formateur.– F. Fife / AFP

Le déménagement à Meyzieu, « LA pause »

“Contrairement à Barcola qui voulait partir et jouer au PSG, je veux voir les jeunes de notre académie rêver de devenir les prochains Juninho, Fekir et Benzema”, a déclaré lundi le propriétaire américain sur RMC. Il a en tout cas compris que le déménagement de l’académie à Meyzieu en 2016 était clairement pointé du doigt comme l’une des raisons des difficultés de formation. A l’époque, Jean-Michel Aulas avait privilégié son projet OL Vallée (restaurants, bowling, surf vague intérieur…) autour du Parc OL et du Groupama OL Training Center (GOLTC).

« C’est LA pause. Nous avons rapidement alerté la direction car, hormis le fait d’être en préfabriqués, avec un seul terrain en herbe et quatre synthétiques, il n’y a eu aucun contact entre Décines et Meyzieu. L’unité de lieu et de pensée de Tola Vologe s’est complètement désintégrée. Nous avons perdu un véritable centre de vie, où les enfants pouvaient assister aux séances de frappe de Juninho et Karim Benzema. Il y a eu de l’interaction et tout le club s’est alors intéressé à la formation des jeunes. »

Jean-François Vulliez le confirme : “C’était une gêne, il faut une cohésion pour être efficace, et on s’est rendu compte avec le temps que les gens ne faisaient pas ces 3 km entre Décines et Meyzieu”. Suite à un article de L’équipe sur le sujet, Pierre Sage a confirmé lundi que “nous travaillons depuis plus d’un an sur le fait que les équipes de jeunes se rapprochent du GOLTC, voire l’intègrent”.

L'équipe de l'OL U14 dispute tous ses matchs à domicile sur l'un des terrains synthétiques de la Groupama OL Academy de Meyzieu.
L’équipe de l’OL U14 dispute tous ses matchs à domicile sur l’un des terrains synthétiques de la Groupama OL Academy de Meyzieu.– J.Laugier / 20 Minutes

« Les supporters sentent qu’ils peuvent s’accrocher à l’OL »

Pour Jean-François Vulliez, « le facteur clé, c’est avant tout l’instabilité récente au sein de l’académie ». « J’ai été directeur pendant six ans, et ici l’OL vient d’avoir trois managers en 18 mois [Pierre Sage, le duo Fabien Caballero-Johan Louvel et désormais Johann Louvel-Mathieu Seckinger]continue-t-il. Il y a également eu trois et quatre entraîneurs différents en sélection nationale U17 et U19 depuis l’été 2023. »

La stabilité manque indéniablement à Meyzieu, où seuls Cyrille Dolce (U15) et Amaury Barlet (U17) sont en poste depuis plus de dix ans, alors que plusieurs entraîneurs historiques ont été évincés durant cette période. Parmi eux, Gilles Rousset a quitté le club en 2019, quelques mois après avoir été « agressé et menacé de mort » par Christian Bassila, alors entraîneur de l’équipe réserve en N2.

« L’OL a subi une dégradation de son niveau. C’est inconcevable de voir la réserve en N3 alors qu’à une époque, on terminait 4ème en N2 en alignant quasiment que des U19. Beaucoup d’éducateurs arrivés ne sont pas à la hauteur, c’est devenu un centre de formation ordinaire et même un champ de ruines. Où sont les joueurs aujourd’hui ? Je le cherche, le prochain jeune qui pourrait un jour être vendu pour 30 millions d’euros. »

Un entraîneur d’un autre club de la région valide le profond déclassement de Lyon chez les jeunes joueurs : « J’ai connu un OL qui nous en donnait dix rien qu’avec des joueurs de première année. Nous étions sûrs de décrocher, quelle que soit la catégorie. Aujourd’hui, il leur manque quelques grands éducateurs lyonnais et les clubs amateurs sentent qu’ils peuvent les accrocher. Mais en termes d’attractivité, l’OL reste l’OL et parvient toujours à attirer les meilleurs jeunes de la région.

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“L’ADN de Lyon a toujours été le football instinctif”

Cependant, l’académie lyonnaise, bien que couronnée d’un titre en Coupe Gambardella en 2022 avec Eric Hély, tarde à retrouver son efficacité d’antan. « L’ADN du football lyonnais a toujours été un alliage de technique, de vitesse et de force, un football d’instinct et de spontanéité très lié à ses quartiers, un football de rue », note Kelly Youga, ancienne défenseure professionnelle formée à l’OL et aujourd’hui à l’OL. directeur d’une académie de joueurs à Lyon. Le club est encore en plein choc culturel avec cette transition difficile entre son école traditionnelle et celle plus moderne, qui s’appuie sur des méthodologies et des capteurs de données différents. »

Aujourd’hui entraîneur adjoint à l’AC Horsens (D2 danoise), Jean-François Vulliez ne se montre pas alarmiste sur la situation actuelle : « Il faut prendre du recul par rapport aux résultats, qui ne sont pas des éléments fiables pour évaluer le niveau d’un centre de formation. L’OL compte des joueurs très jeunes dans la plupart des catégories et certaines générations connaissent une maturité tardive. La priorité reste de former les joueurs professionnels et de les accompagner.

Notre dossier sur l’OL

En ces temps économiquement incertains avec John Textor à la tête du projet, un ancien entraîneur du club conclut : « L’OL s’est toujours appuyé sur son centre de formation, de l’ère Giuly-Bardon à Lacazette-Fekir-Tolisso. Grâce à tous ces jeunes jetés dans le grand bain, vous n’avez jamais été en danger chez les pros. Si vous abandonnez le centre de formation, c’est la fin… ». Contacté par 20 minutesL’OL n’a pas souhaité commenter les dernières nouvelles de son centre de formation.

 
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