Après Perpignan et Montpellier, où elle alterne école de sciences, conservatoire et café-théâtre, Julie de Bona part s’essayer à l’aventure, sur scène et sur scène, à Paris. Aujourd’hui, après son rôle remarqué dans Le Comte de Monte-Cristo, elle est l’égérie de la nouvelle série de TF1.
Une seule scène peut-elle changer le cours d’une carrière, ou la façon dont nous la voyons ?
On n’a pas encore la réponse pour Julie de Bona, juste cette certitude : la séquence en question est tellement choquante, qu’elle est au cœur de toutes les conversations des près de 9,5 millions de personnes qui ont vu Les comtes de Monte-Cristo en 2024. Un passage précis de l’adaptation du classique de Dumas, applaudi à Cannes par les 2 300 spectateurs du grand théâtre Lumière du Palais des Festivals de Cannes lors de la projection officielle du film en mai.
Une scène qui change tout
La scène ? Quand son personnage, Victoria Danglars, apprend, lors d’un repas, auprès du comte, que son enfant, qu’elle croyait mort-né, a survécu. Et sans qu’elle puisse exprimer le moindre mot, avec seulement son regard pour transmettre le tourbillon d’émotions qui la frappe. Un moment plein de tension, où chaque invité réagit à sa manière, mais où l’empathie du public se concentre sur elle.
« C’est la plus belle scène du film. Quand les réalisateurs m’ont contacté, ils m’ont tout de suite parlé d’un tout petit rôle mais significatif, et de cette scène… » Julie de Bona nous le confiait il y a quelques jours : « On l’a tourné pendant trois jours, pendant lesquels il a fallu maintenir cette intensité, tout le monde, Pierre (Niney, NDLR), Patrick Mille, Laurent Lafitte qui craque, moi… »
“Elle a un vrai pouvoir avec ses yeux !”
« Les réalisateurs ont choisi cette scène là où il le fallait : à ses yeux. Parce qu’elle a un vrai pouvoir avec ses yeux ! adds Marion Motte, Julie de Bona’s press secretary.
Pour ce dernier, “le Comte” marque un moment fort doublé d’un tournant dans une carrière qui en a connu d’autres. Mais pour lequel rien n’a été donné à celle, d’origine vietnamienne du côté de sa mère, italienne du côté de son père, qui a grandi enfant à Perpignan, puis adolescente à Montpellier, “où je suis arrivé à 13-14 ans.” Et où elle alternait entre fac de sciences, biochimie, café-théâtre “at Grand Mélo, at Crès”et conservatoire.
Montpellier au coeur
« Montpellier c’est le soleil dans ma vie, la plage après l’école, les balades au Pic Saint-Loup, la nature aux portes de la ville, cette ville magnifique, la Place de la Canourgue, l’Esplanade, la liberté d’un centre ville piétonnier et sécurisé, qui a été une révélation absolue pour un adolescent comme moi.
Ainsi se souvient la Montpelliéraine Julie de Bona, qui appréciait aussi « l’accès à la culture qui était permis ici, avec beaucoup de choses : les opéras, le festival de danse, et des petits concerts partout ! ».
Et puis la jeune femme qu’elle est, folle de théâtre mais dévorée par le trac, décide de tout abandonner, étudie (« Je n’ai pas fini mon Deug »), les joies du café-théâtre et ses moments de grâce (« Quand on allait jusqu’à jouer au milieu des vignes du Crès »), et les horreurs du conservatoire.
Où elle a vécu l’expérience qui restera peut-être, à la fois, la plus traumatisante et la plus décisive de sa carrière. Elle dit, sa voix toujours vibrante d’émotion vingt ans plus tard : « Pour une représentation de Time and the Room, un professeur m’a confié le rôle de la femme endormie, c’est-à-dire un personnage qui… dort pendant toute la pièce ! Je me suis rebellé, je lui ai dit que je voulais jouer à autre chose !
Humiliée devant sa classe de conservatoire
Et la réponse est cinglante, blessante, humiliante : « Devant toute la classe, il m’a dit qu’il m’avait donné cette place justement parce que je n’avais jamais rien fait, et que de toute façon, je ne serais jamais comédienne. Cela m’a réveillé. Parce que oui, j’étais terriblement timide quand venait le temps de jouer devant les autres. Mais ce jour-là, j’ai crié, j’ai pleuré, ça a créé un tsunami en moi.
Alors voilà, c’est elle qui décide « Partir à l’aventure, avec ma passion pour le théâtre, et l’envie de plaire, de prouver que ce professeur avait tort. Sinon, je n’avais rien, je suis arrivé à Paris sans contact, c’était n’importe quoi.” elle en rit aujourd’hui.
« Michel Bouquet, le maître des maîtres »
Et alors qu’on s’attend, à partir de là, à la voir dérouler l’écheveau d’une histoire d’années de lutte mangeuse de vaches folles, tout sourire, elle rétorque : « Et j’ai tout de suite travaillé ! Rôles au théâtre, tournage. Pourtant, toujours, avec ce sentiment d’illégitimité qui me faisait dire que quelqu’un allait finir par se rendre compte que je ne savais pas comment agir.»
Un syndrome de l’imposteur que la référence absolue des acteurs de théâtre se chargera de chasser. Pour toujours. En quelques mots. « J’ai rencontré Michel Bouquet, le maître des maîtres. Dans tous les conservatoires, vous ne trouverez jamais quelqu’un qui dise du mal de lui. J’étais paralysée pendant les répétitions, mais je suis allée le voir pour lui demander conseil, pour parler de mon rôle que j’ai joué Angélique, dans Le Patient Imaginaire, où je m’oppose à lui. Un jour, à la fin de la pièce, il est venu vers moi. , il m’a pris les mains. et il m’a dit : « Ça y est, tu es une grande actrice ». Cette phrase a définitivement résolu ma blessure de conservatoire, Michel Bouquet m’a guéri.
Aider la planète
Si Julie de Bona reste discrète sur ses projets, il y en a un sur lequel elle se confie : « J’ai eu une belle rencontre avec la naturaliste Perrine Crosmary, qui a écrit une émission sur les combattantes de l’écologie, les femmes qui se battent pour sauver la planète. Pour France 5, cet été, nous avons tourné un documentaire, sur l’Amazonie, artère principale du cœur de la Terre. Je codirige.
Une pensée forte pour son fils de six ans, à qui elle souhaite également transmettre son amour de la nature.
Dès lors, plus rien ne peut arrêter Julie de Bona. Avec d’autant plus de force qu’elle n’interdit rien, « de grands textes comme la comédie populaire ».
« Elle prend des décisions artistiques avec son cœur, elle se concentre avant tout sur la qualité du projet » explique Marion Motte à ce sujet.
Au tour du « Charity Bazaar »
Sa carrière a pris un autre tournant important en 2019 avec Le bazar caritatifune luxueuse série historique coproduite par TF1 et Netflix, dans laquelle elle tient l’un des principaux rôles aux côtés d’Audrey Fleurot, et dont les audiences (7,8 millions de spectateurs en moyenne incluant le rediffusion) propulsent sa notoriété dans une autre dimension.
Avec la même équipe, suivra Les combattantspuis d’autres rôles forts. Comme celui d’Isabelle Demongeot dans le téléfilm Prestation voléequi traite des violences sexuelles dans le sport à travers l’histoire de l’ex-champion de tennis. “Une belle rencontre, nous sommes devenus amis et je la soutiens dans son combat” slip Julie de Bona.
Le triomphe du « Comte de Monte-Cristo »
Alors Les comtes de Monte-Cristo fait exploser tous les compteurs du box-office (sauf celui deUn petit quelque chose en plusd’Artus, un autre Montpelliérain, eh bien). “On ne pense jamais à un tel succès, surtout pour un drame costumé de trois heures !” l’actrice est toujours surprise.
Dont on parlera beaucoup dès les premiers jours de 2025, avec la série Éricasur TF1. Elle tient le rôle titre dans cette adaptation de la série de romans policiers de Camilla Läckberg, dont chaque nouveau tome est un best-seller instantané.
« Erica », le 6 janvier sur TF1
En 2003, la Suédoise Camilla Läckberg publie le premier volume des enquêtes de la romancière Erika Falck.
Traduit en France en 2008, dix autres volumes ont suivi depuis, faisant de cette série l’une des plus populaires de la littérature policière. Désormais adapté en France par TF1, avec Julie de Bona (aujourd’hui Érica) dans le rôle principal, six épisodes seront proposés à la Une à partir du 6 janvier, à raison de deux épisodes de 52 minutes par soirée.
Une soirée correspondant à une enquête terminée, ou à un roman adapté. En attendant la suite ?
“On a tourné un peu plus de trois mois dans les Landes, je joue sa petite soeur” nous raconte l’actrice Maud Baecker. «Et je l’ai vue chaque jour impliquée à 3 000% de manière très intense, comme elle l’est toujours. Julie, elle tire tout vers le haut” ajoute son partenaire de jeu, admiratif.
Reste à sonder Julie de Bona sur ses projets. Font-ils partie du cercle vertueux du succès ? « Il y a des projets, oui. Plus de propositions pour le cinéma aussi. Mais je n’en parle pas ! Le trac est terminé, la superstition, pas tout à fait.