Le procès Rozon en quelques questions

Lundi dernier, le procès civil opposant neuf femmes qui réclament près de 14 millions à Gilbert Rozon s’est ouvert à Montréal. Voici quelques réponses à des questions parfois épineuses dans cette problématique assez singulière.

Est-ce une action collective ?

Bien que nous ayons entendu une personne différente témoigner chaque jour depuis le début du procès et qu’il y ait neuf plaignants, le procès civil actuel n’est pas un recours collectif. Le groupe de victimes présumées Les Courageuses a tenté d’en lancer un en 2018, mais celui-ci n’a jamais vu le jour. En effet, la Cour suprême a refusé en 2020 d’autoriser l’action d’une vingtaine de femmes qui demandaient 10 millions à l’ancien magnat de l’humour.

Pourquoi les neuf affaires civiles sont-elles réunies en un seul procès ?

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PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Patricia Tulasne, l’une des neuf plaignantes, avec son avocat Bruce Johnston

Au lieu d’un recours collectif, neuf poursuites distinctes ont été déposées et les procès ultérieurs devaient avoir lieu à partir du 9 décembre. Ils devaient s’étaler sur près de deux ans. Mais à la demande des avocats de M. Rozon, les procès ont été regroupés en un seul procès. Les avocats des requérants ont accédé à cette demande, ce que la Cour a accepté, entre autres, pour des raisons d’efficacité, puisque 43 jours d’audience étaient prévus – au lieu de 100. Il pourrait donc y avoir neuf décisions différentes, ainsi que des dommages-intérêts punitifs variables pour chaque cause. .

Quelle est la différence par rapport à une procédure pénale ?

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PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

M.e Sophie Gagnon, de Juripop

En matière pénale on parle de charge de la preuve “au-delà de tout doute raisonnable”, tandis qu’en matière civile on parle de “prépondérance de la preuve”, explique M.e Sophie Gagnon, de Juripop, en marge du procès. « Les avocats des neuf femmes doivent convaincre la Cour que leur version est la plus probable. » La juge Chantal Tremblay devra se prononcer sur la crédibilité et la fiabilité des témoignages des neuf femmes. M. Rozon ne risque pas une peine de prison. Il a été poursuivi pour des dommages et intérêts punitifs de près de 14 millions.

Quel est ce problème de contamination évoqué par la défense ?

Les avocats de M. Rozon vont tenter de démontrer que les neuf femmes qui poursuivent leur client ont “entaché” leurs récits depuis leur rencontre au sein du groupe Les Courageuses en 2017. Selon Me Rozone Sophie Gagnon est une manière de miner la crédibilité des plaignants. «C’est une manière de montrer que la mémoire des témoins a été influencée par les discussions qu’ils ont eues avec d’autres victimes présumées», explique-t-il. Dans un contexte de tentative de prouver des « faits similaires », cela peut évidemment leur être préjudiciable.

Quelle est la stratégie des appelants ?

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PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Annick Charette, Lyne Charlebois et Patricia Tulasne, victimes présumées de Gilbert Rozon

La stratégie des neuf avocats des plaignants, comme nous avons commencé à le constater cette semaine, est de démontrer un modus operandi, preuve de faits similaires. Par exemple, toutes les femmes qui ont témoigné cette semaine disent avoir été emmenées au domicile de M. Rozon ou ailleurs sous divers prétextes avant d’être agressées. Dans sa déclaration liminaire, leur avocat Bruce Johnston a donné un aperçu de son argument : « Est-il plausible que les neuf plaignants, en plus des autres victimes qui témoigneront, aient tous inventé cela ? » Une nouvelle fois, le juge devra se prononcer sur la crédibilité des neuf femmes.

Et du côté de l’accusé ?

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PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

L’actrice et directrice artistique Danie Frenette est l’une des neuf plaignantes dans la poursuite civile contre Gilbert Rozon.

Avocat de Gilbert Rozon, Me Mélanie Morin a indiqué que son client avait nié les allégations d’agression sexuelle et de viol. «Nous recherchions notre Weinstein québécois», a-t-il déclaré dans son discours d’ouverture, en parlant du producteur américain reconnu coupable de nombreux crimes sexuels, sous-entendant qu’il n’était qu’un symbole et une victime. M. Rozon témoignera après le discours des neuf femmes, mais lors de ses interrogatoires préliminaires, il a déjà indiqué que les femmes qui ont porté plainte avaient “fantasmé” ou “inventé” ces histoires dans certains cas, et que dans d’autres, le sexe les relations étaient « tout à fait consensuelles ». Il a également poursuivi quatre personnes pour diffamation : Patricia Tulasne, Lyne Charlebois, Danie Frenette et Martine Roy.

Que font les avocats du Bureau du Procureur général du Québec dans la salle d’audience?

Les avocats du procureur général du Québec sont présents car les avocats de M. Rozon contestent la constitutionnalité de l’article 2926.1 du Code civil – qui abolit la prescription en matière d’agression sexuelle dans les affaires civiles. Le projet de loi supprimant ce délai a été adopté par l’Assemblée nationale en 2020. 30 ans s’étaient écoulés. Le débat juridique aura lieu à la fin du procès, lorsque les preuves seront archivées. Une décision en faveur du clan Rozon sur cet aspect du dossier pourrait influencer la décision du juge à l’égard de certains plaignants.

Pourquoi les avocats de M. Rozon ont-ils tenté de reporter le procès ?

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PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Gilbert Rozon entouré de deux de ses avocats, Me Alexandre-Pascal Pelletier et Me Laurent Debrun

Les avocats de M. Rozon estiment que les nouvelles dispositions introduites dans le Code civil par le projet de loi 73, adopté le 4 décembre, nuisent à la défense de leur client. On parle de l’article 2858.1 qui prévoit une « présomption de non-pertinence des preuves fondées sur des mythes et des stéréotypes » en matière de violences sexuelles. M.e Laurent Debrun est allé jusqu’à dire qu’il avait « violé les droits substantiels » de Gilbert Rozon. D’où l’intervention de Me Johnston, qui a demandé à ses collègues si leur défense reposait sur des mythes et des stéréotypes concernant les plaignants.

Quand on parle de mythes et de stéréotypes, de quoi parle-t-on ?

Six éléments sont évoqués dans l’article.

1. La réputation du plaignant, par exemple s’il a beaucoup de relations sexuelles.
2. Son comportement sexuel, par exemple si elle est intéressée par le BDSM.
3. Le fait qu’il n’a pas demandé à mettre fin à son comportement. L’absence de non n’équivaut pas à un consentement.
4. Le fait que la personne n’a pas déposé de rapport au moment de l’accident. On ne peut pas présumer qu’il n’y a pas eu d’agression puisqu’aucune déclaration n’a été faite à la police.
5. Le délai avant de signaler une attaque.
6. Le fait que le plaignant est resté en contact avec l’auteur présumé de l’attaque. En passant du - avec lui socialement, par exemple.

 
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