Depuis quelques années, les marchés de Noël extérieurs sont devenus très populaires auprès des Québécois. Chaque mois de décembre, nous sommes nombreux à y aller pour compléter nos cadeaux, découvrir les créations des artisans locaux, se procurer de nombreux produits du terroir, ou encore se sucrer le bec en compagnie de nos proches. cher!
Ces marchés d’inspiration européenne n’ont lieu au Québec que depuis la fin des années 1990, voire le milieu des années 2000. Les marchés d’autrefois n’avaient donc que très peu à voir avec ce que l’on entend aujourd’hui par « marché de Noël ». Pour préparer le - des Fêtes, revisitons l’histoire des marchés publics au Québec et observons comment ils ont pris vie pendant le - des Fêtes.
Les marchés d’antan…
Du 17ème sièclee siècle, c’est dans les trois principales villes de la colonie – Québec, Montréal et Trois-Rivières – que sont organisés les premiers marchés publics. Véritables institutions, ces marchés alimentent les populations urbaines et offrent aux ruraux la possibilité d’écouler leurs surplus agricoles. Plus encore, ce sont des lieux de rencontres et d’échanges. Les marchés publics deviennent des lieux de sociabilité où se nouent des liens commerciaux et sociaux entre habitants, commerçants, aubergistes, artisans, ouvriers, voyageurs, soldats, marins et membres de l’élite coloniale.
Des places de marché voient le jour, sous la supervision des autorités coloniales, à proximité du fleuve Saint-Laurent, principale voie de communication de la colonie. La grève elle-même sert d’espace de commerce : tandis que certains vendent leurs produits directement depuis leurs bateaux, les grèves fluviales constituent le lieu idéal pour les commerçants et les habitants qui se rendent au marché en pirogue et en bateau. À partir de 1734, il est possible que certains aient pu emprunter le chemin du Roy, reliant Québec à Montréal, même si l’usage des bateaux fluviaux était sans doute privilégié durant l’été pour transporter les produits jusqu’au marché.
Francis Back, « Un jour de marché à Montréal, en 1749 », reconstitution.
À Québec, c’est à la Place Royale, dans la basse-ville, que fut établie la première place du marché en 1640. À Montréal, c’est en 1657 que les habitants assistèrent à la formation d’une place du marché, située sur la Place d’Armes, aujourd’hui connue comme Place Royale. Finalement, à Trois-Rivières, il faut attendre le début du XVIIIe sièclee siècle pour qu’un premier marché voit le jour au bout de la rue Saint-Louis, tout près du fleuve.
Lieu de rendez-vous commercial, les places de marché font également office de places publiques : le crieur public informe la population des décrets, édits et arrêtés des autorités coloniales ; les criminels condamnés reçoivent leur punition ; les messieurs s’affrontent en duel. Et bien sûr, il y a des ragots et des rumeurs et des nouvelles qui se propagent.
Le 19e siècle constitue l’âge d’or des marchés publics tant ils pullulent partout dans la province, tant en milieu rural qu’urbain. Uniquement dans la ville de Québec, à la fin du 19ee siècle, il n’existe pas moins de huit marchés publics ! Parallèlement, on assiste à l’émergence des halles de marché, qui témoignent d’une volonté d’améliorer les conditions de vie urbaine et le confort des clients. À partir de 1850, les marchés urbains se spécialisent : marchés alimentaires, marchés au bois, marchés au foin, marchés aux poissons et marchés aux animaux cohabitent désormais. Les citadins et les ruraux fréquentent ces espaces selon leurs besoins.
Notre-Dame-des-Victoires, gravure, 1882, Archives de la Ville de Québec, N009865.
…au moment de Noël !
À l’époque de la Nouvelle-France, Noël était avant tout une fête religieuse. Ce n’est que vers la fin du 19èmee siècle, sous l’influence des coutumes britanniques, que Noël prend l’aspect que nous connaissons aujourd’hui, centré sur les traditions familiales et communautaires. La mode de la grande fête de Noël se répand alors peu à peu, d’abord dans les familles bourgeoises, puis parmi les familles ouvrières et paysannes. Pour l’occasion, les citadins fréquentent les marchés publics à la recherche des meilleures volailles pour égayer leur table.
Conrad Poirier, « Photographie d’intérieur. Dîner de Noël chez Glady’s », 27 décembre 1936, BAnQ, P48,S1,P2164.
Jusqu’au milieu du 19ème sièclee siècle, l’oie est la volaille festive préférée pour l’organisation des repas de Noël. Cependant, en 1843, lorsque Charles Dickens publia son ouvrage Hymne de Noëlla dinde gagne en popularité : mettre une dinde sur la table lors du repas de Noël est présenté comme une marque de prestige. Cette coutume venue de l’Angleterre victorienne influence les traditions des familles bourgeoises qui cherchent à s’en procurer au marché.
« Les marchés pendant les fêtes, marché Saint-Laurent, Montréal », Opinion publique, vol. 11, n°2 (janvier 1880), p. 15, BAnQ, 0002743282.
Sur les marchés publics, la popularité croissante de la dinde se reflète dans l’augmentation de l’offre de ce produit dans les rayons. 26 décembre 1887, dans le journal La presseun éditeur écrit : « Quant aux dindes, le marché en est plein, il en est plein. Les voitures en sont pleines, les vices en sont pleins, les marches du péristyle en sont pleines, elles traînent sous vos pieds ; d’autres pendent au-dessus de vos têtes.
Si, en 1887, on constatait l’abondance des dindes au marché de Noël, en 1900, on se plaignait plutôt de leur absence. Le 27 décembre 1900, dans le Courrier de Saint-Hyacinthenous racontons : « La volaille en général était nombreuse, mais où étaient les ordinaires chargements de dinde ! Chaque étal de boucher avait généralement quelques spécimens de dindes, ils avaient des oies cette année. D’autres fois encore, c’est le prix de la volaille qui retient l’attention des rédacteurs de la presse, lorsqu’on évoque leur prix bas ou leur prix élevé.
Cela signifie que c’est la dinde plus que tout autre sujet qui est au centre des discussions sur le marché à Noël !
Francis Williams Edmonds, «Préparer Noël (Plucking Turkeys)», huile sur toile, 1851, Wikimedia Commons.
Des marchés publics à l’ambiance festive
Au 19ème sièclee siècle, les marchés sont toujours des lieux de rassemblements, d’échanges et de rencontres très fréquentés par tous les membres de la communauté, pauvres ou aisés, vivant en ville ou à la campagne. Selon un observateur de l’époque, il règne, chaque jour de marché, une « animation extraordinaire » (L’électeurjuillet 1894).
Durant les fêtes de fin d’année, les commerçants décorent leur kiosque, comme le rapporte un journaliste le 22 décembre 1903 dans le journal La presse: « Le marché de Noël, comme celui de Pâques, est toujours une fête au marché Bonsecours. A cette occasion, les commerçants ne ménagent pas leurs efforts pour donner une belle apparence à leurs étals qu’ils décorent de fleurs et de verdure. Les fleurs ne sont pas aussi abondantes qu’à Pâques, aujourd’hui, jour du marché de Noël ; mais il y a beaucoup de verdure.
À Noël, au début des années 1850, les commerçants ont commencé à proposer à leurs clients un nouveau type de « verdure » : les arbres de Noël. Tout comme la dinde, le sapin de Noël entre progressivement dans les foyers des Canadiens, anglophones et francophones, résultat d’une plus grande publicité de cette tradition à partir de la fin des années 1840 en Angleterre.
« Le marché Bonsecours la veille de Noël », Opinion publique, vol. 1, n°2 (janvier 1870), p. 12-13, BAnQ, 0002744153.
Des jours difficiles pour les marchés publics
Au XXe siècle, notamment à partir des années 1930, les marchés publics traversent des - difficiles. Le 27 décembre 1935, un rédacteur en chef d’un journal La Tribune informe la population que « le marché de Noël a tué le marché du Nouvel An ! Avant d’évoquer, quelques lignes plus loin, le prix des dindes, il écrit : « Depuis de nombreuses années, le marché de Noël a évidemment pris le pas sur celui du Nouvel An et les ménagères ont pris l’habitude de s’approvisionner avant Noël pour toute la durée des fêtes. période.” Reste également que les conditions climatiques n’étaient pas avantageuses, selon l’observateur. En effet, toujours au début du 20ème sièclee siècle, l’approvisionnement des marchés urbains repose en partie sur les agriculteurs résidant dans les campagnes environnantes. Ils se rendent parfois au marché avec beaucoup de difficulté lors de conditions hivernales difficiles. Cependant, pour ceux qui risquent d’entreprendre ces voyages périlleux lors des tempêtes de neige, le marché s’avère souvent lucratif : les citadins vivant dans une relative dépendance à l’égard de la disponibilité des produits du marché, on assiste à une flambée des prix. quand une tempête a duré plusieurs jours.
Franck H. Schell, « Scène hivernale au Canada – Traversée périlleuse d’un cours d’eau à Saint-Tite, 1890 », gravure, BAnQ, P600,S5,PIMN010-2.
Dans la seconde moitié du XXe sièclee siècle, de nombreux facteurs contribuent à la disparition progressive des marchés publics dans les campagnes et dans de nombreuses villes de la province. Parmi eux, il y a certainement la montée en puissance des grands magasins, épiceries et supermarchés ainsi que la disparition des petites entreprises agricoles familiales et artisanales. Plus encore, le changement de fonction des marchés publics, devenus non essentiels à l’approvisionnement des villes, contribue à modifier le rapport des citadins et des ruraux à ces espaces et joue au détriment de leur financement par les autorités municipales à partir des années 1960.
« Le réveillon de Noël à la campagne », Universal Album, vol. 20, n°87 (décembre 1903), p. 718D-E, BAnQ, 0002745408.
Malgré tout, certains marchés ont su s’adapter aux nouveaux impératifs de la vie actuelle et continuent de jouer un rôle dans l’approvisionnement des populations urbaines en produits alimentaires de qualité. Début décembre, pourquoi ne pas prévoir d’aller au marché pour faire quelques courses pour vos repas de fêtes et soutenir les producteurs locaux ?
Un texte d’Emmy Bois, historienne et vice-présidente de la Société historique de Québec.
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