La chaleur tropicale et l’air marin entrent par les fenêtres d’une maison de style colonial, entourée de palmiers : au premier étage de ce laboratoire d’arts visuels, un groupe d’artistes a choisi de s’installer dans la ville côtière de Grand-Bassam, en Ivoire. Costa, loin des tumultes d’Abidjan.
Ibrahim Ketouré dans son laboratoire à Grand-Bassam, Côte d’Ivoire, 22 novembre 2024 / Issouf SANOGO / AFP
Chaque jour, depuis deux ans, Ibrahim Kétouré, trentenaire, accueille comme lui des artistes lassés de rester à Abidjan, dans son atelier-galerie Akan Mandingo, aujourd’hui basé à 30 kilomètres à l’est de l’immense capitale économique et ses 6 millions d’habitants. d’habitants.
Abidjan, « c’est la zone urbaine, la circulation un peu partout, alors qu’à Bassam il fait bon vivre, il y a la plage, le lagon, c’est assez reposant d’avoir un esprit artistique »explique-t-il à l’AFP.
De passage au laboratoire, son ami Serge Nean travaille en s’inspirant de la mer, située à une centaine de mètres. Il récupère les coquillages déposés par les vagues sur le sable pour créer des bijoux.
Un sculpteur dans son atelier à Grand-Bassam, Côte d’Ivoire, le 22 novembre 2024 / Issouf SANOGO / AFP
Sur la terrasse, Jean-Philippe Gonçalves dessine un croquis. Originaire du Cap-Vert et employé depuis quelques années dans le secteur du nettoyage industriel, il a choisi de le faire « rester plus longtemps que prévu » à Bassam pour devenir paysagiste, « entouré d’artistes »dés.
A quelques maisons plus loin, le sculpteur Paul Akossi taille un morceau de bois à la hache. Dans sa petite galerie ouverte sur la rue, Paul’Art crée des masques et des statues colorées, entourées d’instruments.
« Nous sommes aux côtés des artistes »dés.
“Quand je ne suis pas dans mon atelier, j’essaie de rendre visite à un ami qui fait aussi de l’art pour essayer de trouver l’inspiration à travers son travail”explique.
Selon l’historien et guide touristique Akueson Nandouhard, « Des centaines d’artistes ont quitté Abidjan et sont venus ici ».
Première ville artistique
Grand-Bassam, Côte d’Ivoire, 22 novembre 2024 / Issouf SANOGO / AFP
Grand-Bassam est inspirant, apprécié par la communauté, unanime et son attrait culturel n’est pas récent.
-Le quartier historique de la ville, où la verdure orne les maisons coloniales en ruine et se fraye un chemin à travers les anciennes fenêtres, est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2012.
Première capitale de la Côte d’Ivoire lors de la colonisation française, elle fut aussi Grand-Bassam « la première ville culturelle et artistique » du pays, de “préparation” des peuples qu’elle a accueillis, indique l’historien.
Au début du XXème siècle, les Burkinabè et les Maliens y arrivèrent via le fleuve Comoé, apportant des tissus : bazin, batik et indigo, quand les forgerons et bronziers arrivèrent d’autres pays de la région. Ils créent tous un village artisanal, toujours situé à l’entrée de la ville.
Après l’indépendance du pays en 1960, Bassam se transforme en station balnéaire avant de devenir l’une des premières destinations touristiques du pays, « tant au niveau international que national »avec des opportunités de ventes, souligne M. Nandouhard.
Dans un bâtiment ouvert sur les jeux de soleil, il abrite la Maison des Artistes Plasticiens « plusieurs centaines de visiteurs » par mois, selon son fondateur George Yao.
Un vendeur ambulant devant la Maison des Artistes, à Grand Bassam, Côte d’Ivoire, le 22 novembre 2024 / Issouf SANOGO / AFP
Bassam abrite également des résidences de création. Le rappeur français Ichon s’y est arrêté en novembre, lorsque la maison N’Zima, créée par le designer ivoirien Jean-Servais Somian, lui a apporté “des artistes du monde entier”. Ce dernier estime qu’Abidjan est « invivable ».
Autofinancement
A Bassam, la majorité des artistes se financent, parfois par choix, préférant l’indépendance à la recherche de cotes toujours plus élevées.
Mais après les différentes crises qui ont troublé le pays dans les années 2000 et un attentat jihadiste qui a fait 19 morts en 2016 sur une plage de cette station balnéaire, les ventes d’œuvres sont en baisse.
“Il n’y a plus assez d’acheteurs”» déplore le fondateur du Centre Céramique, Yao Simplice Yao. Il assure que son chiffre d’affaires a diminué de 25 % depuis l’ouverture du restaurant il y a 42 ans.
Et ici, « pas de grandes galeries comme à Abidjan » pour la notoriété, selon Loriko Taki, peintre.
Un musée d’art contemporain y ouvrira toutefois ses portes l’année prochaine, a annoncé mi-novembre la ministre de la Culture Françoise Remarck.