EXCLUSIF – Quelques jours après le procès du réalisateur Christophe Ruggia pour “violences sexuelles sur mineure” contre Adèle Haenel, Le Figaro révèle les coulisses d’une enquête qui montre la face sombre d’un certain cinéma d’auteur.
Au dernier étage d’un immeuble de la rue Jean-Pierre Timbaud, dans le 11e arrondissement de Paris, un samedi de septembre 2001. Une jeune fille de 12 ans monte les escaliers deux à deux. Un homme aux cheveux noirs et à l’air débraillé ouvre la porte. Il dégage une forte odeur de tabac roulé. Il s’agit du réalisateur Christophe Ruggia, alors âgé de 36 ans. La porte se ferme. Le reste, affirme Adèle Haenel en novembre 2019 dans un entretien à charge accordé à Mediapart, refusant dans un premier - de porter plainte car «la justice nous ignore, ignore la justice». Après quatre ans d’enquête, la justice ne l’a pas ignorée. Le réalisateur a été licencié « Violences sexuelles sur mineur par personne habilitée ». Il sera jugé les 9 et 10 décembre devant la chambre criminelle spécialisée dans les affaires relatives aux mineurs du tribunal correctionnel de Paris, 23 ans après les faits. Il risque dix ans de prison. Le Figaro révèle les contours d’une enquête judiciaire complexe, où se dessinent clairement les dérives d’un certain cinéma d’art et d’essai qui a banalisé l’ultrasexualisation d’un enfant à l’écran.
Des tests « absolument abusifs ».
La première rencontre remonte à décembre 2000. Christophe Ruggia, auteur d’un premier film La disparition de Chaâba, cherche une actrice pour son prochain long métrage je les diables. Le thème : une histoire d’amour incestueuse entre deux jeunes orphelins, Joseph et sa sœur autiste, Chloé. Adèle Haenel suit des cours de théâtre depuis l’âge de cinq ans et est déjà apparue dans un clip, mais n’a jamais joué dans le monde réel. Accompagnée de sa mère lors du casting, elle est sélectionnée par le réalisateur qui la perçoit « un tout petit garçon, qui a une folle envie de jouer, une énergie, et aussi une capacité d’écoute »explique-t-il lors de l’interrogatoire avec le juge d’instruction. Christophe Ruggia est fasciné par ce garçon de 12 ans. “C’est difficile à décrire, rencontrer un acteur ou une actrice amateur, on sent le potentiel et Adèle avait un potentiel très fort.”
L’équipe annonce que de la nudité et des rapports sexuels auront lieu entre les acteurs, mais cela ne décourage pas les parents d’Adèle. Elle est une enseignante très occupée dans la vie de Montreuil, banlieue rouge en pleine gentrification, lui est traducteur. Dans la famille, les enfants ont des places pour les adultes et “Les parents ne sont pas très protecteurs.” « Nous avons été élevés pour prendre soin de nous »» confie l’actrice lors de l’audition. Avec son coéquipier Vincent Rottiers, 15 ans, ils ont entamé des ateliers avec la sœur du réalisateur, Véronique Ruggia. Un ou deux jours par semaine, ils apprennent à mimer la colère, la révolte, mais aussi des scènes de sexe qui jusque-là étaient…
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