Au Maroc, une loi divise l’industrie cinématographique

Au Maroc, une loi divise l’industrie cinématographique
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L’entrée du cinéma ABC à Casablanca (Maroc), en janvier 2022. FADEL SENNA/AFP

Les exploitants de cinéma au Maroc pourront-ils encore distribuer des films en 2025 ? Rien n’est moins sûr après l’approbation définitive, lundi 2 décembre, au Parlement, d’un projet de loi sur l’industrie cinématographique. Soutenu par le ministre de la Culture, Mohamed Mehdi Bensaid, le texte instaure un nouveau cadre juridique pour la profession. Mais parmi sa centaine de dispositions, une inquiète particulièrement les distributeurs, poids lourds du septième art marocain.

Le projet de loi prévoit de diviser les deux professions, en interdisant à l’une d’exercer l’autre. Quelques acteurs sont à l’honneur, qui se partagent plus de la moitié des films distribués, mais tout le dans le secteur ne parle que du premier : Megarama, cinquième opérateur en et leader des multiplexes au Maroc. « L’objectif non déclaré est de briser son hégémonie »laisse échapper un producteur de Rabat.

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Présent dans les principales villes du royaume, le groupe français y dispose de 48 écrans – soit près des deux tiers du parc marocain – et de plus de 11 000 sièges, captant la majorité des recettes du box-office : 7 millions d’euros en 2023, soit 82 %. le marché. Sa part dans la distribution est plus fluctuante, mais avec 77 films en 2023 elle s’élève à 35 %. De quoi amener l’entreprise familiale sur la plus haute marche du podium.

Contacté par Le mondedit son fondateur et président, Jean-Pierre Lemoine “sotto choc” et n’exclut pas la possibilité d’une vente totale ou partielle de ses chambres au Maroc. “Je me sens comme un parial’homme d’affaires de 94 ans s’énerve. Nous sommes arrivés au Maroc il y a plus de vingt ans, nous avons construit le premier multiplex africain à Casablanca, j’ai investi des millions d’euros ici, donc si je dois travailler dans un climat de méfiance je préfère vendre. »

“Risque d’échec”

Le patron emblématique, qui a ouvert son premier restaurant en France en 1947, espère encore “trouver une solution”. Son bras droit, Olivier Labarthe, se rendra mercredi au Maroc, où il rencontrera le ministre de la culture.

Joint au téléphone, le directeur général adjoint de Megarama évoque une possible réorganisation du groupe, mais veut se donner du - : « On verra en fonction des adaptations de la loi. » Celle-ci entrera en vigueur neuf mois seulement après sa publication – dont la date n’a pas été fixée –. Bulletin officielet pour l’appliquer, une vingtaine de textes réglementaires seront encore nécessaires. “Ils sont actuellement en développement”précise l’entourage de M. Bensaid.

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Quel serait le déficit de Megarama, qui emploie 250 personnes au Maroc ? L’entreprise refuse de divulguer le montant de ses revenus issus de la distribution, mais un concurrent estime que ses revenus représentent 30 % de son chiffre d’affaires. “Dites-le simplement une fois la loi promulguéesouligne, Risque d’échec. »

Officiellement, l’interdiction vise à promouvoir le cinéma marocain, jugé dégradé. « Certains grands opérateurs de multiplexes, ainsi que des distributeurs de films, imposent des conditions tarifaires restrictives aux producteurs nationaux. » » déclare Abdelaziz El Bouzdaini, directeur par intérim du Centre Cinématographique Marocain (CCM). « Ces derniers rencontrent des difficultés pour diffuser leurs films, il ajoutece qui désavantage la production du royaume. »

« La situation des inégalités »

Mais le sujet suscite des incompréhensions parmi les distributeurs propriétaires de salles mais aussi parmi les fédérations professionnelles, dont beaucoup ont préconisé, en vain, lors de la discussion de l’avant-projet, le retrait de la mesure. Evidemment les chiffres se contredisent « la situation d’inéquité » dont souffriraient, selon le CCM, les films marocains. Non seulement ces longs métrages représentent en moyenne 40 % des recettes annuelles, soit la part des films français en France, mais leurs recettes sont les plus élevées après celles des blockbusters américains.

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Articulation

Concernant les sommes versées par Megarama aux productions marocaines dont il distribue les films, le groupe déclare respecter une politique tarifaire “dans la norme” : 50 % des recettes au box-office dans un premier -, pourcentage décroissant au fur et à mesure que l’audience diminue. “Je n’ai jamais refusé de diffuser un film marocain”assicura Jean-Pierre Lemoine.

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La fin des distributeurs semble d’autant moins judicieuse, constatent les observateurs, que les puissantes industries cinématographiques aux Etats-Unis et en Europe reposent sur l’association des deux professions, où ils sont souvent aussi producteurs..

«C’est un modèle vertueux, car il implique des investissements. Il est clair que la séparation de ces activités ne profitera pas à l’industrie cinématographique.”déplore un spécialiste franco-marocain. Sur les 81 écrans existants au Maroc, 70 % appartiennent à des entreprises concernées par l’interdiction.

L’arrivée de Pathé

Sans inquiétude pour l’instant, un autre groupe français observe avec attention l’avenir du droit. Co-présidé par Jérôme Seydoux, Pathé, premier cinéma de France, exploite depuis décembre 2023 un multiplexe à Casablanca. Un succès : 180 000 euros de recettes en seulement dix jours d’activité. Le géant français est également actif dans la distribution. A travers deux sociétés marocaines indépendantes, trente films ont été distribués en 2023.

Mais les choses pourraient changer avec Pathé “en tête l’idée d’ouvrir une succursale au Maroc”dans le sillage de ceux récemment réalisés au Sénégal et en Tunisie, explique Benjamin Reyntjes, responsable de la distribution des films de la société en Afrique francophone. “Mais nous préférons tergiverser, le - d’y voir plus clair”, spécification.

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Le divorce entre le ministre de la Culture et les distributeurs n’est pas encore prononcé. Mais dans la petite famille du septième art marocain, qui se réunit au Festival international du film de Marrakech jusqu’au 7 décembre, beaucoup voient dans le projet de loi le début d’une reconfiguration de l’industrie cinématographique, dont chacun connaît la principale victime, mais dont les conséquences ne on mesure. « Megarama va souffriranticiper un professionnel, mais, comme à chaque fois qu’un empire s’effondre, il y aura des dommages collatéraux. »

Alessandro Aublanc (Casablanca, correspondance)

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