Les critiques discutent de séries avec La Mesias, une série bouleversante de Javier Ambrossi et Javier Calvo et Ça, c’est Paris !, 6 épisodes sur la renaissance d’un cabaret de Marc Fitoussi, Edgard Grima et Jérôme Bruno.
« Le Messie » de Javier Ambrossi et Javier Calvo
À la faveur d’une chanson kitsch qui cartonne sur le Web, un frère et une sœur se retrouvent plongés dans leur enfance traumatique. Enric et Irene ont grandi plus vite que leur mère, trop fêtarde, trop déglinguée, qui vendait son corps pour les nourrir avant de devenir la cheffe de file d’une secte dédiée à la Vierge et aux extraterrestres. Affranchis de son emprise, ils vont découvrir que la liberté n’est pas toujours aussi évidente qu’on le croit…
Dans un mélange des genres inattendu, les Espagnols Los Javis tracent à travers le temps le destin d’une lignée dysfonctionnelle et de sa mutation en secte et groupe pop improbable. La série, en sept épisodes, à été récompensé par le prix de la meilleure réalisation à Séries Mania 2024.
Les avis des critiques
- Olivier Joyard : “Pour moi, c’est une des plus belles œuvres de l’année. J’ai été bouleversé par l’ambition formelle, ce récit très universel et assez retors dans sa manière de faire de la mère un personnage assez émouvant. Pour moi, La Mesias est très typique de ce que l’on appelle des films séries ou des séries films, qui sont au croisement de l’un et de l’autre. Et puis, l’art des séries étant aussi l’art du déploiement dans le temps, celle-ci fonctionne plutôt bien dans ce sens. La Mesias est une série qui “donne à voir” tout le temps avec une manière très créative qu’ont les scénaristes d’évoquer leurs références. J’ai la sensation d’avoir eu face à moi une page blanche sur laquelle Javier Ambrossi et Javier Calvo écrivent en permanence pour présenter leurs enjeux d’une manière contemporaine, mais aussi intemporelle. La série réussit vraiment à filmer l’état de choc de ses personnages et la nature des corps.”
- Romain de Becdelièvre : *”*La Mesias est d’une grande qualité esthétique et émotionnelle. En tant que spectateur, on le regarde à chaque fois en se disant “qu’est-ce qui s’est passé, qu’est-ce que je viens de voir ?”. Les allers-retours entre le passé et le présent construisent la narration, ils sont filmés de manière assez différente, avec un casting différent. C’est là aussi la grande force de ces réalisateurs qui savent utiliser avec brio plusieurs acteurs pour un même personnage. Ce que construit la série à travers ces deux temporalités, c’est vraiment la brisure du trauma. Les acteurs ont d’ailleurs une très grande qualité de représentation de la souffrance. La Mesias est une histoire d’enfant brisés, un hymne aux enfants violentés et l’effet mélodramatique de la série est extrêmement bien réussi. Il y a une matière de l’image, une inventivité formelle que j’ai trouvée très intéressante parce que c’est une série qui nous dit aussi “c’est n’est pas parce qu’il n’y a pas de monstres qu’il n’y a pas d’horreur.”
La série est disponible sur Arte.tv.
“Ça, c’est Paris !” de Marc Fitoussi, Edgard Grima et Jérôme Bruno
De nos jours, au cœur de la capitale. Gaspard Berthille est le gérant du Tout-Paris, un cabaret emblématique qui perpétue la légende des “folles nuits parisiennes”. Mais contrairement à son père Dary, ancien directeur et mythique meneur de revue, Gaspard a échoué à maintenir le succès de l’établissement. Est-ce à cause d’un spectacle vieillissant, d’une gestion défaillante ou d’une concurrence plus innovante ? C’est en tout cas pour Gaspard le moment fatidique de vendre. À moins qu’il fasse le pari fou de créer une nouvelle revue et de redonner au cabaret son lustre d’antan…
À la manière Dix pour cent, la série Ça, c’est Paris ! se distingue comme une série atypique avec un casting aussi éclectique que prestigieux, partagé avec des noms comme Christian Louboutin, Aurore Clément, Line Renaud ou encore Monica Bellucci.
Les avis des critiques
- Olivier Joyard : “C’est une série plus complexe qu’une série de prime time France 2 pour dire “c’était mieux avant”. Moi, j’y trouve une sorte de charme collectif. On peut la juger un peu ennuyeuse et naphtalinée, mais je pense que c’est aussi une manière de se placer à la hauteur de son personnage central. Alex Lutz efface la nostalgie facile qu’on aurait pu lui allouer. Mais Ça, c’est Paris ! est aussi une série qui pose la question de ce qui est ringard et ce qui ne l’est pas. Mais elle passe aussi complètement à côté du renouveau queer du cabaret. Ce qu’il manque aussi à cette série, c’est de prendre un peu au sérieux des sujets plus politiques, la question du corps des femmes dans le cabaret, par exemple. Je retiens quand même une toute petite forme d’élégance de cette série qui ne se complaît pas dans une forme facile du “c’était mieux avant”.
- Romain de Becdelièvre : “J’ai eu beaucoup de mal avec cette série. Elle appartient au genre – s’il en est un – de ces séries qui parlent d’entreprises en berne que l’on doit redresser. Mais tout son propos sur le cabaret est raté. Le cabaret n’y est jamais défini, alors que c’est pourtant ce qu’on attendrait comme axe scénaristique. Ici, on le voit seulement à travers les paillettes et le champagne. Je trouve que le scénario patine, avec les apparitions de grands noms du casting qui disparaissent aussitôt. Pour 6 épisodes, il y a beaucoup trop de personnages et trop peu de temps passé à les développer. Ii y a aussi des gros problèmes de dialogue et d’humour dans la série. Mais je pense que c’est un problème de rythmique générale qui fait ressembler la série à un sitcom, ce qui n’est pas péjoratif, mais ne colle pas avec l’objectif annoncé.”
La série est diffusée sur France 2 depuis le 27 novembre 2024 et est disponible en replay sur france.tv.
Extraits sonores
- Bande d’annonce de La Mesias de Javier Ambrossi et Javier Calvo, 2024.
- Bande d’annonce de Ça, c’est Paris ! de Marc Fitoussi, Edgard Grima et Jérôme Bruno, 2024.