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Clément paie
Publié le
26 novembre 2024 18h57
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Certains le connaissent sous le nom de Jacques Thipthiphakone, d’autres sous le nom de Tieck. « J’aime ça, ça brouille les frontières », sourit le co-fondateur et manager du groupe Envie. C’est lui qui, avec sa famille, est à l’origine de nombreux restaurants rennais appréciés pour leurs concepts originaux, comme le Café WhiteField, l’Avec ou, plus récemment, la Librairie. Jacques Thipthiphakone, qui se décrit comme « modeste mais décomplexé », ils n’aiment pas parler de lui. Mais pour L’actualité rennaiseil met de côté cette pudeur pour raconter son histoire.
Et cela commence en 1985, dans le ventre de sa mère. Ses parents, originaires du Laos et de Thaïlande, ayant quitté l’Asie avec leurs trois filles, décident de s’installer à Rennes. C’est donc dans la capitale bretonne que Tieck est né.
« J’ai vécu à Blosne, place du Banat, jusqu’à mes 18 ans », raconte l’entrepreneur qui a vu le quartier évoluer au fil des années. «Nous étions dans le premiers bâtiments HLM, avec fenêtres en bois. Je me souviens des premières rénovations : le bâtiment est passé du marron au jaune et nous avions des fenêtres en PVC. »
« Un accident de la vie »
Dès l’âge de 16 ans, Tieck commence à travailler chaque été dans un restaurant géré par sa sœur Julie et son beau-frère, aux États-Unis. Une première expérience qui lui apprend la rigueur.
Puis à 19 heures, « suite à un désaccord familial », son père le « met à la porte ». En chemin, il a dormi un moment dans sa voiture. Une situation qui l’a amené à quitter Rennes pour commencer une nouvelle vie.
« Ma sœur m’a dit ‘pas question que mon petit frère dorme dans la voiture’ et je suis parti la rejoindre définitivement aux Etats-Unis », raconte Jacques Thipthiphakone.
C’est un accident de la vie. Mais aujourd’hui je vous dis merci car grâce à cela je suis devenu restaurateur.
Son beau-frère l’a formé au métier « selon la méthode américaine, donc C’est marcher ou mourir. Mais il a tenu bon et de là est née sa vocation. Tieck créera des restaurants.
Un premier restaurant et un premier succès
Après une année passée au pays de l’Oncle Sam, Tieck décide de s’y installer : « J’ai fait les démarches pour obtenir la Carte Verte » Mais Jacques Thipthiphakone rencontre celle qui deviendra sa femme. Il arrête donc son projet et est revenu en France en 2005.
De retour dans la capitale bretonne, Tieck s’interroge sur son avenir… « La restauration était ma seule expérience, alors je me suis dit qu’il fallait que j’ouvre un restaurant. » Au départ, il travaille comme employé, notamment chez Fuji, pour se perfectionner en cuisine japonaise.
Parallèlement, il tente de démarrer une entreprise avec sa femme et son beau-frère. ET en 2007 que les trois partenaires ouvrent Nel Wok Avenue de Janvier. L’aventure du groupe Envie commence. Et IL succès Aussi.
Dès l’ouverture, “les clients étaient surpris, comme si les gens attendaient vraiment ça (…) Le mobilier était neuf avec Bouddha, des lustres à pampilles, un chemin japonais et une télé dans le bar”, se souvient le restaurateur.
Le Wok bouscule les codes : les clients mangent en vitrine, sont visibles de la rue et peuvent manger directement au comptoir. Et ça marche.
« Un parcours du combattant »
« En 2006, l’offre de restauration à Rennes n’était pas si large. Il y avait de nombreuses crêperies, pizzerias et brasseries. »
On vient avec une cuisine asiatique, mais à l’américaine. Les banques nous considéraient comme des extraterrestres.
Il faut donc se battre pour gagner la confiance des financiers. « En 2006, le mot « wok » était peu connu, les gens ne le comprenaient pas. C’est pareil pour les sushis : manger du poisson cru n’est pas devenu populaire », rappelle Jacques Thipthiphakone.
Il faut donc être capable de convaincre. «Nous avions beaucoup de déchets banques, c’était un parcours du combattant», se souvient le dirigeant.
Finalement « le Wok fut la locomotive de tous les wagons » qui suivirent.
Deux restaurants en un an
Grâce aux premiers succès, le groupe Envie s’agrandit avec l’ouverture de Lune, en 2007 et l’épicerie Piment Rouge en 2009.
En 2011 Jacques Thipthiphakone a ouvert un deuxième Wok, rue de Fougères. « Au départ, l’idée était de franchiser le Wok, puis, compte tenu des difficultés d’approvisionnement et de recrutement, nous nous sommes dit que cela mettait trop de contraintes au développement. »
C’est en 2014 que le groupe prend un tournant important. « Nous avons ouvert deux restaurants la même année avec identités fortes » : M. Yak (rue de la Chalotais) e il BDS (Quai Lamennais).
Avec BDS le groupe propose une cuisine différente de d’habitude, avec de la bière et des burgers, et en lance une nouvelle concept venu des États-Unis.
Rennes est une ville très club-friendly, mais il n’y avait que des bars pour regarder les matchs et aucun endroit pour boire et manger en même temps pendant 90 minutes.
Romain Danzé, Camille Combal, Mika…
Lancer ce bar-restaurant qui diffuser des sports toute l’année, Tieck peut compter sur une personnalité locale : Romain Danze, puis capitaine du Stade Rennais. « C’était un client de Wok, nous lui avons parlé du projet et il nous a proposé de le faire ensemble. »
Seconde aide et hasard du sort : le groupe Envie est contacté par Virgin radio pour installer la régie Camille Combal pour une émission spéciale avec Mika.
« Nous avons eu l’audace d’accepter. Il a fallu démonter tout le mobilier pour accueillir 300 personnes et installer des chaises The Voice. »
Quand Mika et Camille Combal sont arrivés, il y a eu un raz-de-marée dehors, la police municipale est arrivée. Il nous a fait un superbe coup de pub.
Le restaurant est rapidement devenu le quartier général de nombreux hommes et femmes de Renna.
Les ouvertures se succèdent
Le groupe Envie ne s’arrête pas là. « En 2016, nous avons ouvert notre premier commerce en dehors du centre ville escroquer Maman tuk tuk, rue de Châteaugiron. Un choix stratégique : « On a tourné le dos au centre-ville, c’était clair ça commençait à être tendu avec les manifestations et les premières tensions ont éclaté», constate Jacques Thipthiphakone tandis que les Français expriment leur colère contre la loi travail de Myriam El Khomri.
Les ouvertures ont ensuite suivi d’abord en 2017, avec le Café WhiteField, a Cesson-Sévigné. «Un OVNI» au restaurant avec quatre cuisines différentes et des cartes prépayées pour la consommation.
En 2018, il s’ensuit ESCROQUER, rue du Breil, un concept hybride avec bar-restaurant, garage et studio de tatouage.
En 2020, Jacques Thipthiphakone et son épouse se séparent. Le manager se retrouve donc à la tête du groupe aux côtés de deux de ses sœurs – Laure Thipthiphakone et Caroline Dhellin-Thipthiphakone – qui entre-temps ont rejoint l’aventure. Après la pandémie, Envie s’est séparé de Moon, BDS et Wok avenue Janvier.
Les banquiers, «on leur a donné mal à la tête»
En 2023, une nouvelle aventure commence avec: un restaurant, bar et café, tourné vers l’univers du cinéma, sous le nom de Saint-Jacques Café dans le quartier de la Courrouze.
Jacques Thipthiphakone continue d’investir dans le quartier en 2024, avec Bibliothèque, un bar-restaurant aux allures de bibliothèque.
Au départ on le fait par passion, en ouvrant de nouveaux restaurants, puis on est heureux de voir le quartier s’approprier les lieux.
Une victoire pour Tieck qui a parfois dû batailler avec les banques. « Les banquiers n’aiment pas les nouvelles idées parce qu’il n’y a aucune garantie qu’elles fonctionneront. Ils ne voulaient prendre aucun risque. Et avec nos projets, nous lui avons donné mal à la tête », s’amuse le manager.
” ORA, les banques nous demandent d’innover et ne dupliquez pas. La franchise a perdu de sa ferveur», constate les Rennais.
« Travailler en famille, c’est fantastique »
Pour trouver de nouvelles idées, Tieck a beaucoup voyagé avec sa femme et ses enfants. “ Nous nous nourrissons d’autres cultures et nous partageons nos voyages en les recréant dans nos installations. »
Pour suivre près d’une ouverture par an, Jacques Thipthiphakone peut s’appuyer sur ses proches. « Travailler en famille, c’est fantastique », affirme le manager.
Il y a une solidarité entre nous et nous pouvons construire nos restaurants en ayant des enfants. C’est un luxe d’avoir un plan de maternité tout en investissant. Cela permet de suivre le rythme.
«Nous nous connaissons bien, de la meilleure à la pire des manières», souligne également Tieck.
Passer le groupe au plus jeune
Travailler en famille, c’est aussi transmettre. Éric, neveu de Jacques Thipthiphakone, rejoint l’aventure. À 23 ans, il était assistant de direction. Son fils doit également rejoindre l’équipe.
«Nous verrons si d’autres enfants de la famille veulent travailler avec nous. C’est aussi important ramener quelque chose de nouveau, leur expertise technologique et de développer autre chose que le commerce. »
Pendant ce temps Tieck continue son voyage et imagine son avenir à l’étranger,en Thaïlande.
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