L’actrice et réalisatrice italienne Daria Deflorian présente son adaptation du roman de Han Kang, prix Nobel de littérature 2024, « La Vegetariana ». Bien connue du public du Festival d’Automne, auquel elle est régulièrement invitée depuis 2015, pour le duo formé avec Antonio Tagliarini, Daria Deflorian poursuit aujourd’hui seule sa réflexion théâtrale sur les ruptures existentielles. Dans une mise en scène épurée – selon certains « pauvres » – Daria Deflorian contracte la lente et étrange disparition de Yŏnghye le temps de la représentation. Suite à un rêve, Yŏnghye a décidé de ne plus manger de viande. Un acte minimal de résistance, qui comporte son lot de colère, de violence et de renoncement. Sur scène ce sont ses proches, son mari, son beau-frère et sa sœur, qui racontent son histoire.
Comprendre l’étrangeté
Publié en 2007 en Corée, il aura fallu dix ans avant que La Végétarienne soit traduite et connaisse le succès international qu’on lui connaît. Daria Deflorian l’a lu pour la première fois alors qu’elle travaillait sur un spectacle en tournée Désert rouge d’Antonioni, une œuvre elle-même habitée par un personnage de femme étrangère au monde. ” Le Végétarien est un livre magique. La première fois que je l’ai lu, j’ai eu des impressions très fortes, notamment dès la première et la deuxième parties. J’étais attiré par la transformation de cette femme et par le fait que l’art voulait essayer de l’enlever. Le troisième m’a fait pleurer. C’est plus difficile, cela a quelque chose à voir avec la détresse mentale. En le relisant, j’ai compris que ce choix très radical de la part de Han Kang était fondamental pour comprendre la difficulté de cette transformation. »
En adaptant ce roman, Daria Deflorian interrogeait la figure de Yŏnghye et la fascination que ce personnage suscitait, tant pour son entourage dans la fiction que pour le public dans la réalité. ” Il ne fait rien d’extraordinaire, il se réfugie simplement d’une autre vie. Nous avons tous cette autre vie, mais nous la gardons silencieuse. Elle ne comprend pas ce qui lui arrive, ce n’est pas un passage par lequel elle se laisse guider. Elle est motivée. »
Donner vie à votre imagination intérieure
Pour doubler l’étrangeté du récit et du personnage, Daria Deflorian a choisi une scénographie simple, sorte de huis clos qui matérialise à sa manière tous les thèmes qui sous-tendent le roman : l’onirique, l’arrachement à la terre, le devenir végétal et confinement . « Il était très important de trouver l’espace pour l’appartement. Je l’ai imaginé au 18ème étage d’un immeuble récent. De cet appartement nous ne pouvions pas voir un arbre, nous étions loin du terrain. Au début du roman, un an s’est écoulé depuis leur déménagement. C’était l’idée de transplanter, de changer une plante en pot. Cette maison ne permet pas la communication, c’est une maison où seuls les fantômes peuvent se déplacer confortablement. »
Cet espace répond à sa manière au travail de Han Kang et à sa manière d’écrire l’intériorité. ” De la réalité, Han Kang nous transporte dans une dimension onirique. C’est une imagination d’intériorité. Cela m’a beaucoup touché car dans mon travail j’ai toujours essayé de relier les personnages sur scène à leurs pensées, à ce qui se passe en eux et pas seulement aux actes et aux actions. »
Nouvelles
- Le végétarien – d’après le roman de Han Kang, mise en scène par Daria Deflorian du 8 au 16 novembre 2024 à l’Odéon-Théâtre de l’Europe – Ateliers Berthier. La pièce tournera ensuite en France et en Italie ; du 20 au 22 novembre au Théâtre Olympia, centre dramatique national de Tours, du 27 au 29 novembre à la Triennale de Milan (Italie), du 21 au 24 janvier au Théâtre Garonne, scène européenne à Toulouse, du 28 janvier au 2 février au Teatro Astra, TPE de Turin (Italie) les 5 et 6 février au Théâtre Charles Dullin de Chambéry et du 10 au Le 12 février au Théâtre la Vignetta de Montpellier.
Extrait audio
- Tiphaine Raffier in De vive(s) voix su RFI nell’aprile 2023
- Han Kang interviewé par Christian Lund en mai 2019 au Louisiana Museum of Modern Art à Humlebæk, Danemark.
- Extrait du spectacle de théâtre « La Vegetariana », mise en scène par Daria Deflorian
- La chanson finale : « Lointaine » de Mansfield TYA de l’album Seulement après 23 secondes