dix ans après “Charlie Hebdo”, Luz parle d’art “dégénéré” en bande dessinée

dix ans après “Charlie Hebdo”, Luz parle d’art “dégénéré” en bande dessinée
dix ans après “Charlie Hebdo”, Luz parle d’art “dégénéré” en bande dessinée

Luz retrace l’histoire d’un tableau jugé « dégénéré » par les nazis dans un livre qui évoque en filigrane l’attentat contre Charlie Hebdo et la violence que peut provoquer la méconnaissance de l’art.

Après le succès de son adaptation de Vernon Subutex de Virginie Despentes et sa farce sur la masculinité TestostéroneLuz revient avec Deux filles nues. L’histoire d’un tableau, Deux filles nues de l’artiste Otto Mueller, art considéré comme « dégénéré » puis pillé par les nazis avant de disparaître dans les limbes de l’histoire.

Une histoire racontée de manière originale, du point de vue du tableau, dans un album qui dénonce la renaissance de l’extrême droite. Et cela nous le rappelle aussi, près de dix ans après l’attentat contre l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdoles dangers de la censure et la violence que peut provoquer la méconnaissance de l’art et du design.

“Ce n’est pas si inconscient que ça”, affirme Luz dans un entretien à BFMTV. Avec Deux filles nuesentend répondre à une question « à laquelle (il) n’a toujours pas la réponse » après l’attentat du 7 janvier : « Qu’est-ce qu’être un survivant ? Un mot qu’il a lui-même toujours refusé d’utiliser.

« Apporter ce qu’un survivant peut vivre »

« Hormis une réponse très tautologique – je suis un survivant parce que j’ai survécu –, je n’ai pas beaucoup d’autres réponses », analyse-t-il. « D’autant que c’est une étiquette qui nous a été attachée (après le 7 janvier) et que ce n’est pas une étiquette que nous nous apposons. Je n’ai jamais su comment en parler.”

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Couverture de la BD « Deux filles nues » de Luz © Albin Michel

«Dès qu’on me pose des questions sur le 7 janvier, je réponds un peu, mais je me cache aussi. C’est difficile”, poursuit l’ancien dessinateur, devenu une figure du 9e art. « A l’approche (du 10e anniversaire des attentats), je ne pourrai pas échapper à cette question. Plutôt que qu’on me pose la question, je veux être celui qui la pose. »

Escroquer Deux filles nues«Je voulais faire une bande dessinée qui justifie que les gens me posent des questions sur le sujet», explique-t-il encore. “Peut-être que la seule façon pour moi de répondre à ces questions était de faire vivre (aux lecteurs) ce que j’ai vécu, ce qu’un survivant peut vivre.”

Jeu d’évasion graphique

Sauf que Luz, après plusieurs bandes dessinées autobiographiques (Catharsis, Indélébile), il n’a plus envie de se dessiner ni de parler de lui aussi directement. « Ma vie actuelle n’a aucun sens imaginaire. Je ne veux pas le dessiner. (Je me sens plus à l’aise) en traversant quelque chose qui n’est pas une personne.

Deux filles nues il place donc le lecteur à la place du dessin détesté, menacé de destruction. L’album permet de comprendre “ce que signifie être stigmatisé sans pouvoir réagir”. Mais aussi «qu’est-ce que cela signifie d’être ballotté par l’histoire, de faire partie de l’histoire sans l’avoir demandée, de voir le monde de loin sans pouvoir réagir».

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Une page de la BD de Luz « Deux filles nues » © Albin Michel

Luz a déjà représenté ce sentiment en couverture de Catharsis. Il se tenait là, les yeux exorbités, incapable de détourner le regard du meurtre du 7 janvier. Dans Deux filles nuesle lecteur se met à sa place. Mais à la fin de l’album, il échappe aux horreurs. “Cette BD est presque un escape game graphique !” Luz rit.

Une expérience assez rare

Deux filles nues elle offre “une expérience assez rare”, souligne Luz : se plonger “dans une époque sans réseaux sociaux” où “le jugement d’une œuvre se fait uniquement au contact d’elle”. Le tableau n’est révélé qu’à la fin. Tout au long de l’histoire, le lecteur est « obligé de l’imaginer à travers le jugement des autres ».

Deux filles nues marque pour lui un nouveau départ. Le designer, qui a toujours eu tendance à surcharger ses tableaux de textes et de dessins, fait ici le contraire. Les tables sont aérées. Le blanc du papier domine. « C’est un de mes rares livres que j’ouvre encore après l’avoir lu. Cela me calme », dit-il.

Après cet album, il se repose. “C’est un livre qui implique beaucoup de choses et qui m’a demandé beaucoup d’efforts.” Il n’a pas de projet précis, mais il a repris les pinceaux. « La première chose que j’ai faite après cette bande dessinée a été de dessiner en noir et blanc. Et créez un personnage en colère. C’est tout ce que nous pouvons dire.”

 
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