critique de « Bastion des Larmes », d’Abdellah Taïa

critique de « Bastion des Larmes », d’Abdellah Taïa
critique de « Bastion des Larmes », d’Abdellah Taïa

Nous sommes à Salé, une ville située au bord de l’océan Atlantique, tout près de Rabat, la capitale du Maroc. Youssef, parti étudier en , a choisi d’y rester et de vivre son homosexualité en toute liberté. De retour dans le quartier historique de Hay Salam pour vendre la part héritée d’un immeuble ayant appartenu à sa mère, “dictatrice avouée”, il dialogue sous nos yeux avec ses souvenirs et avec ses ombres.

Neuvième et dernier enfant d’une modeste famille marocaine, comptant six sœurs et deux frères, Youssef n’a jamais été comme les autres. Les membres de sa famille, la rue, le quartier et la société dans son ensemble n’ont cessé de le lui rappeler.

« Nous vivions au rez-de-chaussée. Samedi. Étendu. Endormi. Affamé. Furieux. Enchanté. Possédé par des djinns. Malade. Sous le poids de mektoub », explique le narrateur de Bastion des Larmesle 10e roman du Marocain Abdellah Taïa et prix décembre 2024.

« Elles étaient jeunes, sauvages et belles », nous dit-elle en parlant de ses sœurs. De « vraies actrices », fascinantes et magnétiques, « comme dans un film égyptien ». A la fois héroïnes, danseuses du ventre, étudiantes et prostituées. Celles qui n’ont jamais rien fait pour le protéger, la vie les a toutes rattrapées, les transformant en mères, épouses, servantes de leur famille et de l’ordre immuable des choses.

Mais Youssef se souvient surtout de Najib, un garçon plus âgé du quartier, également homosexuel. Et lui aussi a été violé, insulté, vendu « dans les souks, dans les moussedans les mariages. » Alors que tout le monde connaissait « le feuilleton tragique » qu’était sa vie, les spectateurs se régalaient, se divertissaient, complices.

Najib, son premier amour, part un jour sans dire un mot pour aller vivre avec un colonel de l’armée corrompu et trafiquant de drogue, l’un des principaux représentants d’une caste privilégiée qui prend tout pour lui et ses amis, « ceux qui nous tuent tous, chaque jour ». jour”. et tous les soirs.

Il est parti sans regarder par-dessus son épaule, mais il sait que Youssef a pris sa place en partant. Dans une sorte de dialogue onirique, les deux hommes vont tenter de s’expliquer, comparant les paroles d’aujourd’hui aux actes et aux sentiments d’hier. « Je ne sais pas d’où vient cette prétendue cruauté », a déclaré Najib. Je ne sais pas ce que j’ai fait à Allah pour qu’il m’abandonne et me maltraite à ce point. Allah n’est jamais venu pour me sauver. »

Né en 1973 à Salé, protagoniste déraciné de Bastion des LarmesAbdellah Taïa met en avant la cruauté banale des dynamiques familiales, miroir de celles qui structurent la société. L’auteur de Fête du Roi e di Vie lente (Seuil, 2010 et 2019) dénonce avec force l’hypocrisie de la société marocaine, montrant le prix élevé que les femmes et les minorités sexuelles doivent payer dans ce pays du Maghreb, où « les enfants appartiennent à tous. »

Comme dans cette insupportable scène de violence ordinaire dans un hammam de quartier, où un vieil homme s’en prend à un garçon sous le regard indifférent des autres – mais pas de Youssef, qui se reconnaît en lui. « Nous sommes remarqués dès la petite enfance. Des garçons efféminés. Les petits. Des petites filles avec des prénoms de garçons. Les homosexuels. Les pédés. Ceux qui ne méritent pas d’exister parmi nous. Nous commençons très bientôt notre destruction prévue. »

Le Bastion des Larmes

★★★ 1/2

Abdellah Taïa, Julliard, Parigi, 2024, 224 pagine

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