A l’Ecole Supérieure des Arts du Rire ou à l’Académie de l’Humour, on ne rit pas avec l’humour

A l’Ecole Supérieure des Arts du Rire ou à l’Académie de l’Humour, on ne rit pas avec l’humour
A l’Ecole Supérieure des Arts du Rire ou à l’Académie de l’Humour, on ne rit pas avec l’humour

Être drôle, ça s’apprend. A Paris avec l’ouverture d’Esar, mis en scène par Jérémy Ferrari, mais aussi à Avignon, Strasbourg et Lyon, écoles et théâtres forment les comédiens de demain.

Etudiants de la première promotion d’Esar, au Théâtre de la Scala, à Paris. Photo Thomas O’Brien/www.thomasobrien.fr

Par Rossana Di Vincenzo

Publié le 1 octobre 2024 à 17h11

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«P.comme une école de plus, mais une école diplômante agréée pour former des artistes comédiens. » Ainsi, l’entrepreneur Frédéric Biessy a présenté, il y a quelques mois, le nouveau projet qu’il porte avec sa compagne Mélanie Biessy – le couple a notamment fondé, à Paris puis à Avignon, le Théâtre de la Scala, auquel appartient l’école. A leurs côtés, l’humoriste Jérémy Ferrari, récemment nommé directeur artistique de l’Ecole supérieure des arts du rire (Esar).

Co-dirigé par la chercheuse Geneviève Meley-Othoniel, l’Esar a ouvert ses portes lundi 30 septembre, entièrement conçu par la star de l’humour noir pour en faire « l’école dont [il] j’aurais rêvé quand [il avait] 16 ans ». « C’est une formation théâtrale complète, axée sur l’humour, avec des cours d’improvisation, de sport, d’écriture, de théâtre, de rhétorique, d’actualité… L’idée n’est pas de créer une énième usine à stand-up, mais des comédiens qui, à leur sortie, auront un spectacle d’une heure prêt à être joué », ajoute-t-il. Le tout pour 9 200 euros par an, à raison de vingt-six étudiants par classe, pour une formation de deux ans – dont la première année à Scala Provence.

L’importance de la formation

Esar revendique avant tout de faire de l’humour un « l’art à part entière », selon Frédéric Biessy, en professionnalisant une discipline jusque-là restée autodidacte. Car si les formations théâtrales privées et publiques sont nombreuses (Cours Florent, Cours Simon, conservatoires nationaux, école du Théâtre National de Strasbourg ou du Théâtre du Nord à Lille…), l’humour est resté en marge, les artistes se forment sur les leurs en « testant » leurs blagues dans des clubs de comédie ou des open mics à travers le pays (scènes accessibles aux amateurs et professionnels dans les cafés, pubs, etc.).

Pouvons-nous apprendre à être drôle ? Pour certains professionnels de la robinetterie, comme Guillaume Meurice, formé au cours Florent, la réponse est évidente : « Je conseille toujours aux gens de plutôt suivre des cours de théâtre, de travailler sur Shakespeare ou Racine. Travailler avec la tragédie enseigne une certaine rigueur, une nuance. Cela nous permet de comprendre qu’on peut faire rire autrement, sans forcément chercher la plaisanterie. »

L'équipe dirigeante de l'Esar, de gauche à droite et de haut en bas : Geneviève Meley-Othoniel, Frédéric Biessy, Jérémy Ferrari et Mélanie Biessy.

L'équipe dirigeante de l'Esar, de gauche à droite et de haut en bas : Geneviève Meley-Othoniel, Frédéric Biessy, Jérémy Ferrari et Mélanie Biessy.

L’équipe dirigeante de l’Esar, de gauche à droite et de haut en bas : Geneviève Meley-Othoniel, Frédéric Biessy, Jérémy Ferrari et Mélanie Biessy. Photo Thomas O’Brien

Mais compte tenu du succès du stand-up et des one-man shows en France (l’humour représentait 27 % des quelque 65 000 spectacles payants de musique et de variétés en 2023, selon le Centre national de la musique) et du nombre croissant d’artistes émergents (chaque année, au moins deux cents nouveaux humoristes rejoignent la SACD, selon les chiffres recueillis par cet organisme), le besoin de formation au rire n’a jamais été aussi présent. C’est ce qu’observent Perrine Blondel et Mélissa Rojo, codirectrices du Théâtre La Petite Loge (Paris 9ᵉ), et Aude Galliou, co-auteure et réalisatrice de nombreux comédiens. En 2021, ils créent ensemble l’Humour Academy. ” Le visage comiquece pouvoir de faire rire, soit on l’a, soit on ne l’a pas. Le potentiel, en revanche, doit être travaillé, façonné, renforcé, rendu plus conscient. réagit Perrine Blondel.

Depuis trois ans, ces trois-là forment des artistes en herbe à « comprendre comment fonctionne leur futur métier » plus que d’être “juste” drôle. Avec quatre modules – écriture, jeu, mise en scène, gestion de carrière – dispensés par des artistes et professionnels du milieu (le metteur en scène Nicolas Vital, le clown Hervé Langlois, l’auteur et comédien David Azencot, productrice Marion Gendron-Durand), leur objectif est que « tous les talents [douze étudiants par promo, ndlr] pour qu’au bout d’un an, avec sa propre identité artistique, il soit à l’aise dans tous les contextes”, explique Aude Galliou. « En partant, ils comprennent mieux l’environnement dans lequel ils vont évoluer, comment et quand on contacte une production, un attaché de presse, un journaliste, etc. C’est peut-être prétentieux, mais on se dit qu’on leur fait gagner presque cinq ans. .» avance Mélissa Rojo.

Un sentiment partagé par Lou Trotignon, humoriste passé par l’Académie de l’Humour en 2021 et dont le premier spectacle, Méroufonctionne bien. « Avant, j’étais très timide, j’avais l’impression d’être drôle presque par hasard. À l’Académie, j’ai appris à faire ressortir ce potentiel comique. Cela m’a donné un cadre, et une légitimité : j’ai compris que j’avais le droit de vouloir monter sur scène. »

Preuve de cet engouement pour l’art de faire rire ? L’humour, autrefois boudé par les formations classiques et les conservatoires, est désormais présent dans certains cursus institutionnels. Au Théâtre National de Strasbourg, où la metteure en scène et metteur en scène Caroline Guiela Nguyen (qui n’a pas souhaité répondre à nos questions) a intégré cette année un module autour de « l’écriture stand-up ». Ou à l’Ensatt à Lyon, sous la houlette de Mireille Losco-Lena. L’enseignant-chercheur en études théâtrales travaille sur le sujet depuis plus de vingt ans, et a mis en place en 2022 un atelier de recherche et de création autour de textes comiques contemporains. « Au début, j’allais chercher les étudiants. Mais après la première leçon, il y a eu un tel engouement que, maintenant, je refuse ! »

 
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