Détournement de la Joconde : deux poids, deux mesures

Détournement de la Joconde : deux poids, deux mesures
Détournement de la Joconde : deux poids, deux mesures

Je remonte un peu le temps, nous sommes le 29 janvier, nous sommes au Louvre, devant la Joconde et shplof ! Deux militants de Food Response jeter de la soupe de citrouille sur la vitrine du tableau le plus célèbre du monde, pour exiger la sécurité alimentaire sociale, pour contester une cause de justice sociale et climatique.

Scandale, les militants sont placés en garde à vue, tandis qu’une grande partie des commentateurs s’offusquent, dont la ministre de la Culture, Rachida Dati, qui écrit sur « aucune cause ne peut justifier que l’art soit pris pour cible »… Le musée du Louvre a porté plainte pour « dégradations volontaires lors d’une réunion » (même s’il a confirmé que l’œuvre n’avait pas été endommagée) et sa présidente, Laurence des Cars, a écrit que « s’attaquer à ces œuvres, c’est dégrader, voire profaner une partie de ce qui fonde notre humanité ». Bref, ne touchez pas à la Joconde.

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Mais – revenons au présent – ​​nous voilà mercredi, et ce même Louvre poste une vidéo d’1mn 20 sur tous ses réseaux sociaux, les comptes de Lady Gaga. Elle est Harley Quinn, amante et complice du Joker, et se promène seule la nuit dans le musée, jusqu’à se retrouver face à face avec la même Joconde, à qui elle dit bonjour, avant de sortir son rouge à lèvres et de dessiner le sourire du Joker. celui de la Joconde. Et voilà, tellement contente de son cliché… Pendant qu’elle s’en va, le nom du film Joker Folie à deuxqui sortira ce mercredi au cinéma, apparaît, puis le nom d’une prochaine exposition au Louvre, Les figures du fouqui commence dans deux semaines.

Activistes ou promotion

Belle vidéo, joli cliché, et triple promo, car il y a, en plus, le disque de Lady Gaga. Mais une question se pose, soulevée par mes collègues de Téléramaque je salue : « Ne serait-il pas un peu hypocrite de la part du Louvre de mettre en scène un geste symbolique qu’il a plusieurs fois condamné par le passé ? ». “On condamne quand il s’agit de militants, mais pour la promotion, c’est une autre histoire”ils résument…

“Malheureusement, ce n’est pas surprenant”. Sasha, l’une des deux militantes de la soupe, ne se fait aucune illusion sur le double standard, comme sa complice Marie-Juliette, un peu plus blasée tout de même : “Eh bien vraiment… D’un côté il y a les écoterroristes et de l’autre, ils vont défendre l’art.”

Mais le Louvre dit que cela n’a rien à voir, “on ne peut pas établir de parallèle ou de comparaison entre une œuvre de fiction pour laquelle toutes les mesures de sécurité ont été prises (le sourire est dessiné sur un dispositif de verre spécial) et des actes réels qui pourraient causer des dommages aux œuvres”…Le musée dit “être surpris de la confusion”

Il m’a également répondu par écrit. « Il s’agit d’une œuvre vidéo fictionnelle, d’une création artistique, pensée et travaillée comme telle avec l’artiste, elle-même et son équipe. Il ne s’agit en aucun cas d’une dégradation symbolique, le geste de Lady Gaga – qui est une artiste reconnue – n’est jamais violent. »

Le Louvre parle d’un « hommage artistique à la Joconde »et affirme qu’à travers ce type de collaboration, il « ancré dans la création contemporaine et la pop culture ».

Qu’est-ce qui est légal et qu’est-ce qui est légitime

Question : les valeurs du Louvre favorisent-elles donc plus l’industrie du cinéma (Warner a tout financé) que le combat Food Response ?

Là encore, aucune opposition, « On peut partager un constat sur l’urgence climatique et ses conséquences, et ne pas être d’accord avec les moyens choisis par certains pour exprimer leurs revendications. Le détournement d’une œuvre n’est pas en soi innocent, c’est la violence de leur mode d’action qui l’est, car quoi qu’ils disent, les œuvres pourraient être endommagées.. Ce qui n’a pas été le cas en janvier, je le répète, mais le Louvre m’a écrit qu’il aurait la même réaction si cela se reproduisait, parce que c’est illégal, tout simplement.

Mais ce qui ressort de toute cette histoire est une lutte à une échelle bien plus grande : une lutte entre ce qui est légal et ce qui est légitime. Les deux ne sont pas forcément d’accord et le système dominant a tendance à faire ce qu’il veut. Le Louvre, qui affiche partout le sourire « jokerisé » de Mona Lisa, est devenu un symbole provocateur, avec un super mauvais timing, puisqu’on apprend au même moment que deux militants de Just Stop Oil ont été les premiers à jeter de la soupe dessus. Tournesols à Londres, ont été condamnés à deux ans de prison pour l’un et à vingt mois pour l’autre. De prison. Et ce n’est pas une fiction, mais la réalité. Pas de joker ou de poker face qui tient.

 
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