un diamant théâtral en forme de feu

un diamant théâtral en forme de feu
un diamant théâtral en forme de feu

A la Comédie des Champs Elysées, Arnaud Denis adapte et met en scène le chef-d’œuvre de Choderlos de Laclos, souvent adapté au cinéma, en costumes et maquillages du XVIIIe siècle. Un trio d’excellents comédiens, Delphine Depardieu, Valentin de Carbonnières et Salomé Villiers, mènent ce jeu où la monstruosité se double de la séduction perverse. Un spectacle fascinant, porté par un langage sublime, et qui reste profondément actuel.

Un parfum de scandale

C’est l’ouvrage scandaleux qui défraya la chronique à la fin du XVIIIe siècle, et qui sera ensuite censuré par le moralisme du XIXe siècle. Dès sa parution en 1782, ce roman épistolaire, directement inspiré de La nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau, dépasse les frontières de la France puisque le roman est traduit l’année suivante en allemand, puis en italien, japonais, hongrois, polonais, portugais, russe, etc. pour ensuite conquérir l’édition dans le monde entier. Au cinéma, Roger Vadim s’attaque au roman de Choderlos de Laclos en 1959, choisissant Jeanne Moreau et Gérard Philippe pour incarner Merteuil et Valmont, tandis que Stephen Frears frappe la critique américaine avec l’adaptation britannique de Christopher Hampton portée par le trio John Malkovich, Glenn Glose et Michelle Pfeiffer en 1988. La raison de ce succès planétaire et intemporel ? C’est que ces lettres, écrites dans un français soigné, contiennent tout ce qui donne du sel aux rapports de domination et de pouvoir : la prédation sexuelle, la dissociation entre le corps et l’esprit, entre le sentiment et la raison, la vengeance des femmes sur les hommes, le désir de liberté de agir sur le monde et sur la société, séduction poussée à l’état de monstruosité.

Une langue sublime

La marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont, dignes représentants de l’aristocratie, entreprendront, chacun de leur côté, la séduction d’une jeune fille naïve, tout juste sortie du couvent, Cécile de Volanges, et d’une femme vertueuse, Madame de Tourvel. Nos deux héros fomentent un véritable projet de carrière, qui s’appuie sur l’arme guerrière de la séduction. Elle constitue pour eux un moyen d’action et de vengeance, ainsi qu’un stimulant du désir érotique. Merteuil souhaite se venger d’un ancien amant infidèle, qui va épouser la jeune Cécile de Volanges. Quant à Valmont, il souhaite faire de la conquête de Madame de Tourvel un chef-d’œuvre de parfait libertinage en s’attaquant à tout ce qui en elle le menace : la religion, la vertu, la fidélité conjugale. Adapter une telle correspondance, qui implique tant de personnages et d’actions savamment tricotées, est un véritable défi, que le réalisateur Arnaud Denis relève avec brio. Se méfiant d’une modernité abrutissante, il choisit de conserver des extraits entiers des lettres, auxquels il ajouta quelques passages pour relier les scènes.

Un casting précieux

© Cédric Vasnier

Pour incarner avec un orgueil excessif le duo de deux prédateurs, il a fait appel à deux comédiens époustouflants qui s’accordent parfaitement. Delphine Depardieu parvient à incarner la marquise de Merteuil avec une dureté non sans défauts, tenant les rênes de ses intrigues secrètes avec la grâce d’une panthère lâchée dans la jungle des désirs. Valentin de Carbonnières est plus que parfait dans le rôle de Valmont, visage poudré et yeux de loup brûlants, prêt à bondir et à saisir tout ce qui frémit sous ses yeux. Dans le rôle de Madame de Tourvel, qui sera la première victime de ce plan de guerre machiavélique, Salomé Villiers est avant tout humaine. Excellente également, la toute jeune Marjorie Dubus incarne Cécile de Volanges, une jeune vierge sacrifiée sur l’autel du libertinage, Michèle André nous régale de sa présence rassurante et chaleureuse, pas dupe dans le rôle de la tante de Valmont, tandis que Pierre Devaux et Guillaume de Saint Sernin interprète avec talent les rôles du chevalier et du serviteur. Les costumes élégants de David Belougou, les lumières de Denis Koransky, les projections lumineuses de Jean-Michel Adam, avec la judicieuse anthologie musicale de Bernard Vallery, contribuent à la réussite de ce spectacle qui ne cède jamais à la facilité vulgaire. Les mots et les acteurs sont rois, dans une mise en scène finement stylisée, destinée à tous les publics.

Hélène Kuttner

 
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