Le meilleur de Lou Reed, le plus hargneux des chanteurs romantiques

Le meilleur de Lou Reed, le plus hargneux des chanteurs romantiques
Le meilleur de Lou Reed, le plus hargneux des chanteurs romantiques

Avec la sortie de « Why Don’t You Smile Now : Lou Reed at Pickwick Records 1964-65 », compilation d’œuvres antérieures au Velvet Underground, voici notre sélection des meilleurs morceaux solos des rockers les plus new-yorkais.

Lou Reed sort son premier album solo, éponyme, en 1972. Photo Archives de Michael Ochs/Getty Images

Par le service musique

Publié le 29 septembre 2024 à 9h00

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“Journée parfaite” (1972)

Deux mesures ternaires au piano rythmées par une batterie discrète : avant même les violons élégiaques surgissent mille images liées à Journée parfaite, utilisé à maintes reprises par le cinéma. Certains ont cru déceler une métaphore de l’addiction à l’héroïne – démentie depuis par l’auteur. Reste un morceau sur lequel on revient sans cesse, pour les arrangements magistraux de David Bowie et Mick Ronson. Mais surtout pour la mélancolie que dégage la voix cassée de Lou Reed : « Grâce à toi je me suis oublié / Je pensais que j’étais quelqu’un d’autre / Quelqu’un de bien. » — Léa Bucci

“Marchez du côté sauvage” (1972)

Quand j’étais plus jeune, je m’arrêtais au refrain : comme beaucoup, j’entendais l’appel romantique à enfreindre les règles plus que l’invitation itinérante, fredonnais le « faire faire faire » sans mesurer la portée subversive de la chanson. Le nouveau Lou glam des années soixante-dix, hanté à l’époque par la faune ombragée de la Factory d’Andy Warhol, fredonne la complainte des prostituées, des drogués et des transsexuels. Le ton, soutenu par le sax jazzy de Ronnie Ross, est ludique, l’histoire, mortifère. En un seul tube, le Corbeau impose sa parole désinvolte, sa poésie sombre et sa délicatesse perverse. —Anne Berthod

“Berlin” (1973)

Dans un piano blues pâle émergeant d’un brouhaha de voix horriblement déformées, le producteur Bob Ezrin fait exploser le vernis glam du rocker et révèle le nihiliste du cabaret. Parce que Berlinun requiem d’un couple de drogués qui ouvre un album du même nom conçu comme un opéra décadent, n’est que le prélude d’une farce tragique, avec laquelle Reed catharsis ses propres démons. Malgré le dérapage du juke-box, il se recroqueville, mélancolique, dans les abysses de ses paradis perdus (artificiels, conjugaux), conscient que le plus sombre est à venir. -AB

« Les hommes de bonne fortune » (1973)

Le troisième morceau de Berlinun album vilipendé dès sa sortie pour son caractère lugubre, ne l’est pas moins. Les légers reflets du piano sont suivis d’accords de basse lourds et d’une batterie écrasante, avec une emphase écrasante. Lou Reed oppose les hommes bien nés et ceux qui n’ont rien, utilisant plus de clichés que l’analyse bourdieusienne. D’autant qu’il conclut avec un cynisme désillusionné : « En ce qui me concerne, je m’en fiche. » Toute ressemblance avec certaines politiques actuelles serait purement fortuite… – KG

“Vicieux” (1973)

Sur l’influence d’Andy Warhol dans son art, Lou Reed racontait cette anecdote en 1989 : “Pourquoi n’écris-tu pas une chanson intitulée Vicieux ? », je lui aurais demandé un jour le pape du pop art. Ce à quoi Reed a répondu : “Eh bien, Andy, quel genre de vicieux?” — Oh, tu sais, vicieux comme si je te frappais avec une fleur. » Canular ou vérité ? Avec Lou Reed, c’est difficile de savoir. Mais la poésie sarcastique de Vicieux n’en reste pas moins réel, à l’image du riff venimeux de Mick Ronson. Un éternel hit qui a contribué au succès colossal de Transformateur (1973). – Jean-Baptiste Roch

“Sally ne sait pas danser” (1974)

Si l’on en croit Lou Reed, la chanson titre de son premier album solo enregistré aux États-Unis serait tirée d’un fait divers survenu dans le Lower East Side. La Sally en question ne peut plus danser dans les clubs new-yorkais car son corps, inerte et violé, a été retrouvé dans le coffre d’une voiture. Une autre version y voit une référence à Edie Sedgwick, la muse d’Andy Warhol décédée d’une overdose. En tout cas, Lou Reed réussit le tour de force de combiner une musique cuivrée funky-soul groovy et des thèmes sordides qui sentent la souffrance, voire le dégoût, l’artiste ayant par la suite qualifié ce disque de « paquet de merde ». Grave. —Frédéric Péguillan

“Bébé de Coney Island” (1976)

Sweet Reed… À son apogée la plus délicate et la plus sincère depuis Journée parfaite ou même Yeux bleu pâle. Après la vengeance, post-Berlin, dur et fédérateur (réussi) Animal Rock’n’Roll et la torture infligée par Musique de machines métalliques, Lou, amoureux de Rachel, sa compagne trans, livre son album le plus tendre et le plus émouvant. Avec, en apothéose, cette chanson clé de confession sur son envie d’adolescent, pas vraiment sportive, de rejoindre l’équipe de football pour faire plaisir au sélectionneur… La gloire de l’amour entonne un refrain sur une instrumentation et des arrangements d’une grande finesse, et la chanson se termine par une dédicace murmurée à Lou et Rachel. Tout était dit à qui voulait, en se laissant bercer et écouter. —Hugo Cassavetti

“Sweet Jane” (en direct) (1978)

Lou Reed, silencieux et distant, en a déçu plus d’un en concert ? Nous recommandons donc, parmi les nombreuses itérations de Douce Jeannecelui du Bottom Line à New York en 1978, quatre ans après sa réinvention en pompier lourd. Un jeu de massacre vrillé, d’une durée de dix minutes, sur les accords légendaires du classique velouté. Debout comme un coucou, Lou tire à vue. Tout le monde y passe, de celui qui a installé son micro trop haut à Barbra Streisand ou Patti Smith, en passant par les artistes engagés. (« donne-moi un problème, je te donnerai un mouchoir et tu pourras m’essuyer le cul avec »). Sans oublier le public lui-même, qui n’obtient que ce qu’il mérite (attendre, se faire insulter, etc.). Cinglant, hilarant. -HC

“Saleté” (1978)

Pour aller (très) vite, le rock’n’roll a d’abord chanté le sexe, la rébellion, puis la drogue, l’amour pour tous, enfin la haine. Voilà Lou qui arrive. Au ras du sol, il ramasse ce qui traîne, seringues, préservatifs, détritus, et bricole sa poésie au vitriol. Brut, méchant, mauvais. Lorsqu’il veut mordre la jugulaire de son ancien manager, Dennis Katz, il le traite d’abord de cochon puis le compare au capitaliste typique, “Qui mangerait de la merde et dirait que c’est bon / S’il y avait de l’argent à gagner”. Les punks anglais n’inventeront rien. Logiquement, la chanson s’intitule Saleté (” saleté “). —Louis-Julien Nicolaou

« Tracas de rue » (1978)

Sur Coney Island bébé, Lou Reed a chanté son amour pour Rachel Humphreys. Trois ans plus tard, il l’a enterrée – avec style. Onze minutes, trois mouvements, des violoncelles et un improbable monologue parlé de Bruce Springsteen (qui a enregistré L’obscurité aux abords de la ville un étage plus bas) : le chanteur semble y avoir mis toute son ambition littéraire et musicale. « Des clochards comme nous, nous sommes nés pour payer »» fait-il dire au patron, dans un des plus beaux hymnes à la défaite. —Thomas Richet

« Sale boulevard. » (1989)

Il aura fallu plus de vingt ans de carrière au plus new-yorkais des chanteurs pour enfin donner le nom de sa ville à un album. C’est donc chez lui que Lou Reed trouve l’inspiration, après quelques années d’errance – comme la plupart des artistes de sa génération, les années 80 n’ayant pas été tendres avec lui. Sur une série d’accords dignes de Douce Jeanne, il chante ici la cruauté de la Grosse Pomme, le contraste de la vie de Pedro – où « personne ne rêve d’être médecin, avocat ou quoi que ce soit » – avec les limousines qui s’arrêtent devant le Lincoln Center. « Donnez-moi vos affamés, vos fatigués, vos pauvres, je vais pisser dessus » : l’amour chez Lou est toujours stupide, même lorsqu’il parle de la métropole de son cœur. -TR

Satellite d’amour »(1995)

On connaît la version douce de Transformateuravec ce piano au premier plan et les chœurs aigus de David Bowie, architecte en chef. On a beaucoup moins entendu parler de celui révélé en 1995 sur une compilation de démos, initialement destinée à paraître sur Chargé, quatrième album du Velvet Underground, avant d’être rejeté. Beaucoup plus brut et électrique, sans chœurs ni piano, il révèle un charme différent, squelettique et décharné, plus rock et proche du son de Velvet, où Reed expie magnifiquement la jalousie qui le ronge. – J.-BR

“Sexe avec tes parents (enfoiré) Partie II” (1996)

Il est difficile de survivre à sa propre légende, surtout lorsqu’elle est basée sur l’autodestruction. A 54 ans, Lou Reed aurait du mal à nous dire ce qu’il met dans ses veines ou dans son cul. Alors il enfonce le clou ailleurs, regarde un peu sous les jupes des néoconservateurs et ne trouve rien de joli. Le résultat est un texte outrancier – une insulte par vers en moyenne – qui vitrifie les pères moraux qui s’empressent d’interdire de fumer dans les lieux publics ou de dévoiler un téton à la télé, mais pratiquent avec une obstination d’abrutis. l’inceste, la classe ou la famille. La punchline résume la race en un mot : « enfoiré ». — LJ.N.

«Extase» (2000)

De Douce Jeanne a Sale Boulevard. en passant par VicieuxLou Reed a créé plus d’un riff tueur. A l’aube du nouveau millénaire, alors que seule sa guitare semblait digne d’intérêt à ses yeux (et à ses oreilles), il en inventa une nouvelle, moins agressive certes, mais non moins savoureuse. Deux accords posés sur un discret rythme basse-percussion qui agrémentent, à espaces réguliers, des nappes de clavier. Et au-dessus de ce refrain, la voix grave, inimitable du New-Yorkais qui tremble presque pour exprimer ses obsessions. Inquiétant. — F. Pé.

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