« Marie à tout prix me fait rire autant que La fêtebien que Blake Edwards soit le cinéaste qui m’a le plus inspiréexplique-t-il dans nos bureaux, un sourire éternellement plaqué sur les lèvres. C’était un génie : l’action se déroulait devant l’écran, mais les détails hilarants étaient en arrière-plan. Il savait filmer à distance, ce que je ne sais pas faire. Dans mes Films, ça va trop vite pour ça : on ne voit pas ce qu’il y a en arrière-plan (rires). Mais pour moi, le plus gros problème n’est pas de filmer, mais de convaincre les producteurs (rires).
Révélations financières : voici la raison pour laquelle Valérie Lemercier a refusé de jouer dans la 2e partie de « The Visitors »
Malgré votre succès au box office, beaucoup de vos films ont été refusés…
« Très souvent, oui. En fait, aucun de mes derniers projets n’a été réalisé. La raison est que mes films sont très différents les uns des autres. Les producteurs sont frileux, ils veulent rééditer le succès de l’année dernière. Aujourd’hui, ce sont des comités qui décident, et ils ont peur d’être virés s’ils font de mauvais choix. Avant, les producteurs étaient tyranniques, mais quand ils disaient oui, on y allait. Parfois même sans financement. Je me souviens que mon père, qui était l’un des plus grands producteurs français, avec plus de 300 films à son actif, avait dit oui à un projet dont personne ne voulait dans les années 60. Il avait dit aux chaînes de télévision : “Ce n’est pas grave, je le ferai. Souvenez-vous du prix, parce que vous le paierez beaucoup plus cher plus tard.” Et c’est ce qui s’est passé. Il était très dur dans ses contrats. Encore plus dur que ça, franchement un salaud. Chaque fois qu’il me faisait quelque chose de mal, il m’appelait “Mon vieux” : “Mon vieux, ça t’apprendra à lire tes contrats !” Claude Berri, si on le faisait rire, pouvait aussi dire oui à un projet qu’il avait l’intention de refuser. C’était génial. Il suffisait de séduire une seule personne. Alors qu’aujourd’hui, tous ces comités me prennent pour un fou (rires) !
C’était déjà le cas au début des années 90, lorsque vous êtes venu présenter Les visiteurs…
« C’est vrai (rires). On m’a dit que les films sur le Moyen Âge n’étaient que des flops, que personne ne s’y intéressait. Or c’est justement ça le but : inventer quelque chose de nouveau, un sujet que plus personne ne traite. Ensuite, les producteurs m’ont dit de couper la partie sur le Moyen Âge, au début : ils trouvaient ça trop long, ennuyeux. Mais si on commence par les chevaliers qui sont sur la route, on pense que ce sont deux acteurs qui n’ont pas eu le temps de changer de costume. Il faut du sérieux pour rendre crédible la magie, le saut dans le temps. Et ça a marché. C’est devenu culte. Dans les salles, les gens hurlaient « Okaay » avant que Clavier ait pu le dire. Et on allumait des briquets. Ce n’était plus un film, mais un concert de rock. »
Ce triomphe laisse cependant des regrets…
« Je voulais tourner les deux premiers films en même temps, puisqu’on me demandait de dépenser dix millions de moins. Et Valérie Lemercier aurait tourné les deux. On m’a refusé et c’est dommage. J’ai tout de suite senti qu’il y avait un problème avec Valérie. Je l’avais vue jouer une snob dans La Renardière, pendant son spectacle. Le public riait aux larmes. Son utilisation de la conjonction « et » était absolument magnifique : « Ce sont des cousines qu’on n’a pas vues depuis longtemps et qui ont des bites énormes ». Mais elle m’a tout de suite dit que ce n’était pas son sketch préféré. Et au début, elle l’a joué à plat. Je lui ai demandé de mettre des accents circonflexes sur « Polâââ », mais on a dû se battre pour l’obtenir. Elle a un talent incroyable, mais je pense qu’elle aurait eu une plus grande carrière en allant aussi à la rencontre du public. »
Pourquoi « Jacquouille » se gargarise-t-il et crache-t-il en public dans un restaurant ? La réalité commerciale derrière la scène la plus « classe » du cinéma
Seriez-vous prêt à tourner une quatrième partie de la Visiteurs ?
« Non, parce qu’il faut avoir l’âge des personnages. Un chevalier en fauteuil roulant, ça ne va pas. »
Un autre hit que tu n’as presque jamais tourné : Grand-père résiste…
« J’ai dû me retourner L’aventurier avec Coluche. C’était un type très talentueux qui a eu le mérite de faire les Restos du Cœur – je ne l’ai pas fait – mais en ce moment avec l’abbé Pierre, on se demande si c’est toujours bien de faire la charité. Mais comme personne, dans la vie, il était très désagréable. Je ne veux pas non plus m’embêter avec des stars ennuyeuses. Au revoir PantinJ’ai vu comment il a parlé à Claude Berri. Il était odieux. Je serais parti si quelqu’un m’avait parlé comme ça. On peut vite se prendre un coup de boule parce qu’il y a un ton où ça ne va pas du tout. Je ne l’ai jamais supporté. Claude m’a dit que ce n’était pas son genre, mais je ne travaille pas avec des cons et des rustres.
Vous avez dirigé Depardieu, qui a désormais quelques squelettes célèbres dans son placard…
« Comme je ne le connaissais pas, j’ai fait quelques recherches sur lui avant Anges gardiens. On dit qu’il y a une Omerta dans le cinéma français, que tout le monde le savait, mais personne ne m’a parlé des accusations de harcèlement. On m’a dit qu’il était grossier, qu’il disait des obscénités tout le temps, qu’il ne pouvait s’empêcher de dire bite, couilles, cul, qu’il buvait, qu’il ne finissait pas les prises, qu’il pouvait partir en plein milieu du tournage s’il en avait marre ou qu’il volait des accessoires dans les films. J’avais toute une liste donc je me suis mis au travail tout de suite. J’étais gentil parce que j’étais sincère quand je lui ai dit qu’il était l’un des plus grands acteurs de tous les temps. Je lui ai dit que je le trouvais génial dans Uranus mais aussi parfois pas bon dans les comédies. Dans les films de Giraud, je ne le trouvais pas drôle. « Je n’en ai fait qu’un », rétorquait-il. J’ai vérifié, il en a fait trois, donc c’est un menteur. J’ai ajouté qu’il était trop gros : « Je vous préviens quand les gens boivent je me barre. » « Mais je ne bois jamais sur le tournage », me répondait-il et il tenait parole. Il n’a pas bu. Avec moi, il était charmant, merveilleux. »
Tout comme Jean-Marie Poiré, véritable encyclopédie du rire à lui tout seul.
« Ma rencontre avec de Funès s’est mal passée »
L’équipe de Splendid a également failli le virer du tournage de Santa Claus is a Bastard.
Jean-Marie Poiré a rencontré les plus grandes stars du cinéma français. Et a toujours une anecdote à raconter à leur sujet.
Christian Clavier. « Sur le plateau de tournage de la Le Père Noël est un salaud“C’était un combat par moments. J’ai des amis travestis et je voulais que le personnage de Katia soit plus vulnérable. Christian Clavier m’a soutenu, mais les autres n’étaient pas d’accord. Ils étaient à deux doigts de me mettre dehors. Ils pensaient que ça gâcherait l’affaire. Une énorme erreur de leur part. La scène où Clavier pleure est un gain incroyable car la réplique suivante de Marie-Anne Chazel (“elle a mis ses cheveux dans les huîtres”) est un rire gigantesque. Parce que le rire vient après l’émotion. Il compense.”
Louis de Funès. « Ma rencontre avec lui s’est très mal passée. J’étais stagiaire, et quand nous sommes arrivés dans sa loge, il m’a dit que c’était abominable et il m’a insulté. Je lui ai dit : « Tout d’abord, je veux te dire que je t’admire profondément. Deuxièmement, je suis d’accord avec toi, cette loge est immonde. Et elle pue. Troisièmement, ne me parle plus jamais sur ce ton car je ne suis pas responsable de cette loge. » Il m’a dit : « Tu as raison, excuse-moi et on est devenus amis comme des cochons. Il a été charmant avec moi tout au long du film alors qu’il était odieux avec les techniciens qui ne l’aimaient pas : c’était un retour de mépris. »
Jean-Paul Belmondo. « J’aurais adoré travailler avec lui. Jean-Paul était très intelligent, très malin et très chaleureux, donc il arrivait à faire croire qu’il ne se prenait pas trop au sérieux, mais ce n’était pas du tout vrai. Je ne suis pas loin de penser qu’il avait un plus grand sens du statut qu’Alain Delon lui-même. Je pense que j’aurais probablement eu plus de facilité à aller voir Delon et à faire un film avec Clavier ou Balasko. Jean-Paul, un jour, je l’ai entendu hurler dans les couloirs de son agent à propos des places au générique. Il ne plaisantait pas. »