Au Centre Pompidou, une plongée en spirale dans le surréalisme

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« Les valeurs personnelles » (1957), de René Magritte. MUSÉE D’ART MODERNE DE SAN FRANCISCO/KATHERINE DU TIEL/ADAGP, PARIS, 2024

Il y a des centenaires qui viennent à point nommé. André Breton ayant écrit le premier en 1924 Manifeste du surréalismele Centre Pompidou à Paris a pris la commémoration de l’événement comme prétexte pour consacrer une très grande exposition au mouvement.

Prétexte car des raisons plus sérieuses expliquent la décision : il n’y a pas eu d’événement majeur sur le sujet à Beaubourg depuis 2002 – l’exposition s’appelait alors « La Révolution surréaliste » ; depuis cette date, les approches historiques ont été très largement renouvelées ; et la multiplication des expositions en Europe et ailleurs depuis dix ans ainsi que la hausse constante des prix des œuvres surréalistes sur le marché de l’art ont rendu évident qu’aucune avant-garde du passé n’est plus présente et admirée aujourd’hui que ce mouvement. Le Centre Pompidou étant voué à des années de fermeture pour rénovation, il aurait été regrettable que l’institution parisienne soit la dernière à reconnaître cette évolution, dans cinq ou six ans. Avec « Le surréalisme », c’est désormais chose faite.

Les gueules monstrueuses de Bomarzo

Et fait à grande échelle : le long d’un parcours en spirale, treize chapitres se succèdent, chacun défini par un thème (les forêts, la nuit, etc.), un nom (Alice, Mélusine, etc.) – ou une notion (le rêve, l’érotisme, le cosmos, etc.). Dans chacun, deux types d’objets sont principalement réunis : les œuvres visuelles et les écrits. Les premières sont de toutes natures matérielles : peinture, film, dessin, photo, collage, gravure, sculpture, etc. Les secondes sont à l’état de manuscrits (brouillons, lettres) ou d’imprimés (affiches, revues et livres). Elles sont soit dans des vitrines, soit accrochées au mur pour celles d’entre elles qui ont été jugées les plus importantes. C’est dire qu’une visite exhaustive dépasse probablement la capacité d’attention et d’endurance des visiteurs, aussi passionnés soient-ils, et que le « surréalisme » est donc à voir en deux ou trois temps.

Telle est sa structure générale. Avant d’en détailler les qualités, il faut cependant dire que l’exposition commence mal. Pour évoquer, semble-t-il, le goût des surréalistes pour les foires et les parcs d’attractions, il a semblé ingénieux d’y entrer par une porte inspirée, sans le moindre génie, des gueules monstrueuses du parc maniériste de Bomarzo et suivie d’un couloir sombre où sont placés les portraits photographiques des premiers membres du groupe, dont les noms sont à peine lisibles dans l’obscurité.

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Ce couloir s’ouvre sur une salle ronde, centre de la spirale, où sont exposées pages et éditions du manifeste de 1924. Mais on ne peut les regarder sans être soumis, en guise de bande sonore, à une voix lisant des passages du manifeste. Laquelle voix est donnée comme celle de Breton, reconstituée par une intelligence artificielle. Breton avait horreur des machines et le surréalisme n’a cessé de dénoncer la mécanisation et l’industrialisation effrénées de la nature et des hommes par la technologie. La présence de ce gadget numérique trahit donc une méconnaissance complète de la pensée surréaliste.

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