Kaizen, ou les valeurs (et les contradictions) d’Inoxtag

Le YouTubeur Inoxtag a escaladé l’Everest et a réalisé un documentaire à ce sujet, Kaizenqui est devenu un véritable succès sur YouTube. Coup marketing génial (tant pour ces expéditions « tout compris » que pour les réseaux sociaux du personnage), le film met également en avant le tourisme de masse vers l’Everest et l’omniprésence du téléphone dans nos vies. Sept points pour comprendre le phénomène.

20 millions

Kaizen a été visionnée plus de 20 millions de fois depuis sa mise en ligne sur YouTube samedi. Kaizenest un film de 2h30 qui documente le défi que s’est lancé en février 2023 le YouTubeur français Inoxtag, de son vrai nom Inès Bennazouz : gravir l’Everest un an plus tard. Le récit du film est classique : la prise de conscience de son mode de vie délétère, la progression semée d’embûches, puis la délivrance (et les grandes leçons de vie) au bout de l’ascension.

La morale de l’histoire ? Arrêtons de rester passifs devant nos téléphones (« une prison, une drogue ») et commençons à agir. Le « Kaizen », soit dit en passant, est une philosophie japonaise qui signifie l’amélioration continue, petit à petit.

De Minecraft à l’Everest

Inoxtag a 22 ans, et il avait 13 ans lorsqu’il a lancé son compte sur YouTube, en 2015. Au début, l’adolescent – déjà charismatique et volubile – réalisait des vidéos sur les jeux vidéo Minecraft. Son contenu s’est diversifié au fil des années, et Inoxtag est devenu un influenceur typique de sa génération, avec des vidéos dedéballagestyle de vie, voyages, mode et défis.

C’est dans cette veine que s’inscrit l’expédition de l’alpiniste de l’Everest, annoncée en grande pompe sur YouTube à ses huit millions d’abonnés. L’expédition – entourée d’une aura de mystère – a eu lieu au printemps 2024.

Authenticité et marketing

Le lancement de Kaizen est l’un des meilleurs films de l’histoire de YouTube en France. Projeté en salle le week-end dernier, le film a attiré quelque 340 000 fans dans le monde francophone. Au Québec, le film a été projeté dans 15 salles, souvent à guichets fermés. D’où vient cet engouement ? La communauté Inoxtag le suit depuis plusieurs années, explique Jay Grandmont, consultant en marketing d’influence et professeur au collège.

« Il y a le charisme, l’authenticité, et puis il y a le marketing », dit-il. En annonçant son projet à l’avance puis en disparaissant des réseaux sociaux dans les mois qui ont suivi son ascension, Inoxtag a réussi son pari. cascade« Les créateurs de contenu ont cette capacité d’attirer l’attention dans une économie de l’attention », explique Grandmont.

Un sommet à la mode

La démarche d’Inoxtag n’a rien d’inhabituel : elle s’inscrit dans le phénomène de commercialisation de l’Everest, qui n’est pas nouveau, mais qui s’accélère, souligne le guide professionnel François-Xavier Bleau, en charge de la conception des voyages chez Karavaniers. Notamment depuis 2019, année où le Népalais Nirmal Purja a pulvérisé le record du monde en atteignant les 14 plus hauts sommets de l’Himalaya en six mois. Netflix en a fait un documentaire.

Les Sherpas et les Népalais contrôlent désormais leur territoire touristique. Et c’est tant mieux. « Ce sont eux qui contrôlent le spectacle, et ce qu’ils sont capables de faire est incroyable, explique Bleau. Mais ils ne se fixent pas encore de réelles limites, car c’est un mégabusiness et parce que le Népal est un pays très pauvre. » Ce trafic a un coût écologique et humain. Le jour de l’ascension, Inoxtag a entendu les cris de deux touristes qui ont chuté d’une corniche bondée de grimpeurs amateurs.

Tout inclus

« Derrière tout cela se cache une question fondamentale : qu’est devenu l’Everest ? », s’interroge François-Xavier Bleau. L’alpinisme est une quête progressiste et solidaire, affirme-t-il. Aujourd’hui, les plus hauts sommets himalayens font partie de l’univers du grand public. « Il n’est pas nécessaire d’avoir toute la profondeur des connaissances, car tout est organisé, structuré », souligne M. Bleau, qui pense aux repas servis, aux générateurs, aux hélicoptères…

Les « challenges » médiatisés comme celui d’Inoxtag risquent d’exacerber encore davantage ce tourisme de masse, craint le guide professionnel, qui s’interroge également sur les motivations du YouTubeur. Son message est très pertinent, il le délivre bien, mais est-ce aussi une question d’ego ?

Valeurs

Inoxtag fait toutefois preuve de sensibilité dans le film, notamment lorsqu’il rencontre un ouvrier local qui s’apprête à retourner au sommet de l’Everest pour gagner sa vie, même si ses précédentes expéditions lui ont coûté des doigts. Au sommet de la montagne, Inoxtag se permet aussi un plaidoyer courageux contre la technologie qui lui permet de gagner sa vie. « Il faut arrêter d’être derrière des écrans, de scroller, et de vivre à travers les autres », dit-il en larmes. « Sortez, si vous avez un projet, faites-le. »

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Les influenceurs ont une réelle influence sur les jeunes qui les suivent, souligne Jay Grandmont. « Inoxtag prône le courage, la persévérance, le travail… et ce sont de belles valeurs à avoir quand on est jeune. »

Influence au sens large

Inoxtag est l’un des influenceurs français préférés des adolescents québécois, à l’instar de Mastu et ByIlhan. Les jeunes les suivent, les aiment et ont même tendance à s’approprier leur accent et leurs expressions françaises. Jay Grandmont conseille aux parents d’être ouverts à ce que leurs enfants écoutent et de s’y intéresser.

« Il est important de faire comprendre aux jeunes que l’influence est vaste, mais avoir une bonne influence est précieux, dit-il. Les médias sociaux sont une voix, mais les bonnes actions commencent de l’intérieur. » Dernier conseil : « Au Québec, on a aussi plein de bons créateurs, et ce serait amusant de les mettre en valeur ! »

Découvrez la chaîne YouTube d’Inoxtag