Il faut imaginer quatre sculptures monumentales, sorties tout droit des profondeurs de la mer, comme autant de vestiges imaginaires. Ici, on voit des voiles déchirées, harponnées par des lances de fer rouillées. Là, des débris nautiques amalgamés, des cordages déchiquetés, du bois flotté, des filets réduits en lambeaux, qui évoquent des ancres, la coque d’un navire, des squelettes. Dans l’air flotte une odeur d’eau de mer.
Cette œuvre de l’artiste britannique Dominique White s’intitule Poids mort, faisant écho à l’expression « tonnage de port en lourd » (qui fait référence à la charge maximale qu’un navire peut transporter sans couler). C’est aussi un terme né du mouvement abolitionniste après le massacre de Zong-san, nom du navire négrier dont l’équipage, en 1781, jeta par-dessus bord plus d’une centaine d’esclaves africains, sous prétexte d’un manque d’eau potable.
Née en 1993 dans l’Essex, l’artiste plasticienne, qui a étudié à Londres au Goldsmiths College puis au Central Saint Martins College, vit aujourd’hui entre Marseille et sa région natale. Sa famille est issue de la « génération Windrush », des immigrés des Caraïbes britanniques venus travailler en Grande-Bretagne entre 1948 et 1971 et menacés d’expulsion.
Une résidence de six mois en Italie
En 2023, l’artiste remporte la neuvième édition du Max Mara Art Prize for Women. Un projet créé en 2005 par la maison de couture italienne la Whitechapel Gallery de Londres et la Collezione Maramotti (la collection privée d’art contemporain du fondateur de Max Mara, Achille Maramotti, décédé en 2005, aujourd’hui perpétuée par ses enfants et notamment son fils Luigi, à la tête de l’entreprise familiale), à Reggio Emilia. Ce prix vise à soutenir les femmes artistes britanniques dans leur création, et à leur donner un coup de projecteur.
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Dominique White a ainsi pu bénéficier d’une résidence de six mois en Italie, qui lui a permis de réaliser un vieux rêve : faire couler ses sculptures. Durant quatre mois, elles ont été immergées dans la Méditerranée. Un geste à la fois physique et poétique, pour explorer l’effet de la mer et du temps sur les objets. Elles ont ensuite été repêchées et transférées dans son atelier de Todi. Couvertes de rouille, elles puaient. Les métaux étaient oxydés, et des éléments comme le sisal, le raphia et le bois flotté se désintégraient.
Pour réaliser ses sculptures, Dominique White a entrepris un tour d’Italie, de Milan à Palerme en passant par Gênes et Agnone, visitant fonderies, chantiers navals et ateliers spécialisés. « Je suis vraiment intéressé par les méthodes artisanales de fabrication du métal, même si j’aime ensuite les détournerelle préciseJ’utilise des outils traditionnels, mais j’utilise aussi beaucoup mes mains. Ses œuvres sont le fruit d’un important travail de manipulation ; elle n’hésite pas, par exemple, à tremper des éléments dans de l’acide et à les transformer par le feu.
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