« Le succès c’est avoir les poches pleines »

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L’écrivaine, actrice et chanteuse argentine Camila Sosa Villada, à Paris, mai 2024. FRANCK FERVILLE/AGENCE VU

Elle nous accueille dans une robe fendue jusqu’en haut des cuisses, des tongs en plastique aux pieds. Dans cette alcôve d’hôtel de Saint-Germain-des-Prés, Camila Sosa Villada semble tout juste descendue de scène. La romancière argentine, qui a bouleversé le paysage littéraire latino-américain avec Les Vilaines (Métailié, 2021), premier roman en partie inspiré de sa vie, sur un groupe de prostituées travesties, est également une comédienne et chanteuse accomplie.

Née homme, sous le nom de Cristian, en 1982, et se qualifiant elle-même de « travestie » plutôt que de « trans », elle s’est fait connaître au théâtre et dans les cabarets, avant de jouer au cinéma et de tenir le rôle principal dans une série télévisée, Moi. Une expérience qui nourrit son nouveau roman, Histoire d’une domesticationoù une actrice star transsexuelle voit sa vie prendre un nouveau tournant le jour où elle accepte d’épouser un riche avocat gay. Et plus encore lorsque le couple décide d’adopter un enfant séropositif. Adieu liberté bien-aimée et bienvenue aux contraintes d’une vie de famille assez standard, qui devient vite sclérosée.

C’est dans un café, lors d’un petit déjeuner avec un ami, lui-même acteur et homosexuel, que l’idée de ce livre est venue à la romancière, raconte-t-elle : « Le propriétaire du bar est entré avec sa femme et son bébé, et ils nous ressemblaient beaucoup. À un moment donné, mon ami a commencé à jouer avec le bébé, et c’était comme si nous étions seuls, lui, le bébé et moi. Le propriétaire nous a demandé si nous voulions avoir des enfants. J’ai donc mis au point une partie de l’histoire. »

Bien que l’écrivaine rejette catégoriquement l’idée de devenir elle-même mère (elle est trop attachée à son indépendance), elle utilise cette scène pour écrire le synopsis d’un film explorant la relation entre ces deux parents et leur bébé. Très inspirée par le film Soirée d’ouverturede John Cassavetes (1977), elle en a également tiré un roman en 2019 pour une collection de littérature contemporaine du grand quotidien argentin Page/12. Le film, intitulé Histoire d’une domesticationComme le livre, le film sera réalisé quatre ans plus tard, sous la direction de Javier van de Couter. Elle y tient le rôle principal, mais sans son petit ami, avec qui elle s’est brouillée entre-temps.

En tournage, Camila Sosa Villada, perfectionniste, se rend compte de certaines faiblesses de son roman, qu’elle a écrit en six mois. Et décide, bien qu’il soit déjà publié, de le réécrire. « J’ai à peine quitté le plateau et je suis rentré chez moi pour y travailler.elle explique. « J’ai revisité les liens entre les personnages en mettant l’accent sur le côté tourmenté de la relation entre l’actrice et son réalisateur et en insistant sur son côté manipulateur et agressif. J’ai également exploré plus en profondeur la relation incestueuse entre l’actrice et son demi-frère. »

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