Et si le cyclisme empruntait au football ses transferts spectaculaires et ses contrats en or ? Avec Alex Carera, agent sportif de stars comme Tadej Pogacar et Maxim Van Gils, le peloton est confronté à un changement de paradigme. Stratège des négociations, il redéfinit les relations entre coureurs, équipes et agents. Mais sa démarche, aussi visionnaire que controversée, ne fait pas l’unanimité.
Alex Carera, le maestro des agents sportifs
Né en Italie en 1976, Alex Carera a grandi dans une culture où le sport est un art. Passionné de tennis et de cyclisme, il s’impose rapidement comme une figure incontournable de la gestion de carrière. Avec son agence A&J Tous les sportscofondée avec son frère, elle représente une constellation de talents, parmi lesquels Tadej Pogacar, double vainqueur du Tour de France, et Cian Uijtdebroeks, l’étoile montante belge. Dans le passé, Nibali, Simoni et Cunego ont également été sous son aile. Fier de son travail, il affiche sur son site les 6 Giro ou encore 5 Tour de France que ses coureurs ont remportés.
Mais Carera n’est pas un agent comme les autres. Sa philosophie emprunte au football des pratiques qui révolutionnent le cyclisme. Négociations robustes, transferts spectaculaires et ruptures de contrats si nécessaire : il n’hésite pas à jouer dans les règles pour maximiser les opportunités de ses clients.
Alex Carera, un parcours atypique
Membre principal et actif d’une association de tennis amateur RADEAU visant à promouvoir ce sport, il s’implique dans plusieurs autres domaines. Son parcours a été semé d’embûches. Après avoir créé son agence en mars 1998, il a dû la fermer en juin 2016. S’il existe peu d’informations à son sujet, on peut supposer que le poste proposé en octobre 2016 par Bahrain Victorious en tant que directeur marketing et commercial lui a permis d’éviter d’être impliqué dans un conflit de intérêt. Juin 2019 sonne le glas de son intermède avec l’équipe cycliste du Golfe, et revisite l’émergence de son entreprise A&J Tous les sports. Cette entreprise peut se targuer d’accompagner au mieux ses coureurs en prenant soin d’eux. C’est d’ailleurs après cet épisode au sein d’une des plus grosses équipes du peloton pro que le nom de Carera est resté définitivement gravé dans la pierre. L’explosion de Tadej Pogacar lui permettant d’être mis encore plus en avant.
« Nous sommes des professionnels qui gérons avec passion les athlètes à 360°, en prenant soin de tous les aspects de la vie de nos champions ». Slogan de A&J Sports
Pour mémoire, Carera est une survivante. Il y a quelques années, il a survécu à un terrible accident de voiture. Admis à l’hôpital dans un état critique, il a subi une intervention chirurgicale délicate avant d’être intubé. Voyant l’état de la voiture, son frère a déclaré que c’était un miracle qu’il s’en soit sorti. Vous pouvez en savoir plus sur l’histoire de cet accident ici.
Dernier coup d’État en date, l’affaire Maxim Van Gils a placé Carera au centre des débats. Alors que nous venions d’apprendre la demande de résiliation de contrat, Barrage Laurens Ten n’avait aucun doute sur qui était derrière cette manœuvre : «Il a démarré la saison en force et a signé en mars une prolongation de contrat, qui lui rapporterait 500 000 euros par an. Cependant, étant parmi les 5 premiers coureurs du classement UCI fin avril, sa position a changé. Alex Carera l’a rendu fou en lui promettant qu’il pourrait gagner un ou deux millions d’euros cette saison« . Des chiffres fous qui font facilement tourner les têtes.
Le jeune coureur belge, sous contrat avec Lotto Dstny jusqu’en 2026, a donc décidé de quitter prématurément l’équipe. Carera a soutenu la décision, citant le droit du travail belge pour justifier une rupture unilatérale. Cette approche a suscité des réactions contrastées. Certains y voient un pas vers plus de justice pour les coureurs, souvent enfermés dans des contrats rigides. D’autres critiquent une stratégie opportuniste qui pourrait affaiblir les relations entre équipes et athlètes.
Carera a cependant fait preuve d’une transparence inhabituelle en acceptant pleinement ce choix. ” Il ne s’agit pas de rompre des contrats, mais de permettre aux coureurs d’évoluer dans les meilleures conditions possibles. », explique-t-il. Et le vrai et le faux ? S’il met en avant la flexibilité des contrats et l’avantage pour les coureurs, on peut néanmoins émettre l’hypothèse que cela permet à son entreprise de tourner. Plus de transferts, plus de bonus. Chacun aura sa propre opinion.
Un impact décisif sur l’avenir du cyclisme
La démarche d’Alex Carera bouscule les codes d’un sport encore marqué par ses traditions. En introduisant des pratiques plus agressives inspirées du football, il pousse le cyclisme vers une nouvelle ère de professionnalisation. Cela se traduit par des contrats mieux payés, une attention accrue de la part des sponsors et une mise en avant des jeunes talents. Mais ce vent de modernité pose question. Le cyclisme, sport d’effort et de solidarité, est-il prêt à intégrer des logiques souvent perçues comme individualistes ? Les critiques pointent le risque de voir les équipes perdre leur stabilité, alors que certains acteurs parlent déjà d’une « marchandisation » du peloton comme en témoigne l’affaire Van Gils.
Récemment, il s’est positionné contre l’UCI qui souhaite plafonner les budgets : “Beaucoup de gens m’ont demandé mon avis sur le plafond budgétaire/salaire – je pense que c’est une proposition dénuée de sens. Dans chaque sport, les meilleurs doivent gagner, donc si les meilleurs managers parviennent à trouver plus de ressources économiques, il est juste que leurs équipes soient plus performantes que les autres.» Une vision qui, comme on le comprend à la lecture de ces lignes, défend avant tout ses intérêts plutôt que ceux de l’équité sportive.
Qu’il soit admiré ou critiqué, Alex Carera reste une figure incontournable du cyclisme contemporain. Ses méthodes audacieuses inspirent autant qu’inquiètent, et son impact sur le sport est indéniable. Une chose est sûre : le peloton n’a pas fini de faire parler de lui.
Listes des coureurs représentés par Carera et A&J :
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Tadej Pogacar – EAU Team Emirates
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Vincenzo Nibali
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Cian Uijtdebroeks – Visma Louer un vélo
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Biniam Girmay – Intermarché Wanty
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Léo Bisiaux – Decathlon AG2R
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Pello Bilbao – Bahreïn Victorieux
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Giulio Ciccone – Trek LIDL
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Davide Formolo – Movistar
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Maxime Van Gils – RedBull ? Astana ?
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Lorenzo Milesi – Movistar
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