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Les femmes vivent-elles plus longtemps et en meilleure santé que les hommes, vraiment ?

Au cours des deux derniers siècles, la population mondiale dans son ensemble a connu une augmentation de sa durée de vie. Avec une constante : dans la plupart des pays, l’espérance de vie des femmes est plus longue que celle des hommes. Les chiffres de 2019, avant la pandémie de Covid-19, suggèrent que, dans les pays les plus développés, les femmes vivent en moyenne 5 à 7 ans de plus que les hommes. Cette différence est moins marquée dans les pays à faible revenu, mais elle existe toujours. Mais si l’on veut mieux comprendre les inégalités de sexe et de genre en matière de santé et de mortalité, il est important d’aller plus loin et de ne pas se concentrer uniquement sur les chiffres de l’espérance de vie. .

Quelles sont les raisons de cet écart entre hommes et femmes : sont-ils biologiques, sont-ils le résultat de différences comportementales ou sociétales ? Les hommes sont-ils prédisposés à certaines maladies et, à l’inverse, existe-t-il des maladies contre lesquelles être un homme serait « protecteur » ? Comment réduire les écarts de morbidité et de mortalité entre hommes et femmes ?

Répondre à ces questions est utile pour tenter d’évaluer la pertinence des mesures de santé publique visant à réduire les inégalités, mais aussi pour prédire les tendances futures de la mortalité et de l’espérance de vie. Cette nouvelle Chaîne Détox propose donc une réflexion plus approfondie sur ce sujet.

Un écart qui se réduit ?

Comme cela a été souligné, les femmes vivent généralement plus longtemps que les hommes. L’ampleur de cet écart a néanmoins évolué au fil du temps. Dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), elle a augmenté durant la période 1950-1970, puis elle a diminué dans les décennies suivantes. Des travaux avaient suggéré que cela pourrait s’expliquer par une baisse plus rapide de la mortalité due aux maladies cardiovasculaires chez les hommes que chez les femmes, notamment chez les personnes âgées de 70 à 74 ans, et par une consommation de tabac croissante chez les femmes, de plus en plus proche de celle des hommes.

Toutefois, l’écart entre hommes et femmes pourrait encore se creuser. Une étude récemment publiée dans la revue JAMA Médecine Interne a ainsi montré qu’aux États-Unis, l’écart entre les femmes et les hommes s’est encore creusé pour atteindre 5,8 ans, son plus haut niveau depuis 1996. Un effet de la pandémie de Covid-19, une maladie qui a souvent entraîné des complications plus graves chez les hommes et s’est souvent avérée plus mortel, a été suggéré.

Comprendre les différences entre les hommes et les femmes

Quelle que soit l’évolution de cet écart dans les années à venir, les scientifiques continuent de travailler pour mieux en comprendre les raisons.

Certains travaux se sont concentrés sur les différences biologiques, notamment au niveau génétique et hormonal, qui pourraient améliorer l’espérance de vie des femmes. Soulignons d’abord que cette différence ne se retrouve pas seulement au sein de l’espèce humaine mais également chez les autres mammifères. Une hypothèse avancée par certains chercheurs est que l’avantage sexuel des femmes pourrait être lié au double chromosome X (alors que les hommes possèdent un chromosome X et un chromosome Y). Des informations génétiques importantes sur le chromosome X sont donc dupliquées chez la femme et peuvent compenser d’éventuelles mutations génétiques nocives pour la santé sur l’autre chromosome X.

Cependant, plusieurs études ont plutôt attribué l’essentiel de l’écart entre hommes et femmes à des facteurs liés aux comportements, au mode de vie ou aux rôles sociaux attribués en fonction du sexe attribué à la naissance. Parmi les facteurs les plus souvent mis en avant pour expliquer pourquoi les hommes meurent plus jeunes : un tabagisme plus important et une consommation d’alcool généralement plus élevée chez les hommes (même si, comme évoqué, ces comportements sont de plus en plus observés chez les femmes), des risques professionnels spécifiques (les hommes sont en moyenne toujours plus représentés) lors de travaux sur des chantiers par exemple).

Des travaux menés aux États-Unis mettent en évidence que les hommes sont également moins susceptibles d’être réguliers dans leur suivi médical et de se soumettre à des bilans de santé de routine à des fins de prévention. Cette différence disparaît lorsque l’on prend des patients souffrant d’une pathologie chronique diagnostiquée. Lorsqu’ils se trouvent dans cette situation, hommes et femmes suivent leurs traitements et consultent les professionnels de santé de la même manière.

Enfin, les hommes sont également plus à risque de vivre une situation d’isolement social. Cependant, pour des raisons qui ne sont pas tout à fait claires, les personnes ayant moins de liens sociaux ont tendance à avoir des taux de mortalité plus élevés à un âge plus jeune.

Une plus grande espérance de vie, une moins bonne santé ?

Si les femmes continuent donc de vivre en moyenne plus longtemps que les hommes, les recherches ont néanmoins mis en évidence un paradoxe : à tous les âges de la vie, les femmes semblent en moyenne être en moins bonne santé que les hommes.

Si l’on regarde en détail, à un âge donné, les hommes sont certainement plus susceptibles de souffrir de maladies chroniques potentiellement mortelles, notamment les maladies cardiovasculaires, certains cancers, la cirrhose du foie et les maladies rénales. Là encore, ces différences sont dues à des facteurs biologiques mais aussi environnementaux et comportementaux.

En revanche, les femmes sont globalement plus susceptibles de souffrir de maladies aiguës et de maladies chroniques ne mettant pas leur vie en danger, telles que l’arthrite, les troubles de la thyroïde, les troubles de la vésicule biliaire et les migraines. Ces troubles conduisent à une moins bonne évaluation de l’état de santé et à une moindre qualité de vie, mais contribuent peu au risque de décès. Vivant plus longtemps, les femmes arrivent également à un âge avancé avec un plus grand nombre de problèmes de santé non mortels mais invalidants, et elles sont plus nombreuses à souffrir de la maladie d’Alzheimer, dont le principal facteur de risque est l’âge. .

Tous ces différents éléments permettent d’appréhender, avec un peu plus de nuances, les différences observées entre hommes et femmes, que ce soit en termes d’espérance de vie ou plus généralement d’état de santé. De telles données permettent de réfléchir plus en détail aux mesures de santé publique qu’il pourrait être utile de mettre en place. Parmi les axes prioritaires : tenter d’agir sur les causes de décès « évitables » qui contribuent aujourd’hui largement aux inégalités entre les sexes, en développant des stratégies de prévention efficaces pour lutter contre certains déterminants environnementaux et comportementaux de la santé (alimentation, consommation de tabac et d’alcool, sédentarité, etc.) auprès de publics bien ciblés.

Espérance de vie en bonne santé

Au-delà de l’espérance de vie, d’autres indicateurs importants ont été conçus pour décrire l’état de santé d’une population et les inégalités qui peuvent exister.

L’espérance de vie en bonne santé en est un exemple. Cet indicateur mesure le nombre d’années qu’une personne peut espérer vivre sans souffrir d’invalidité ni de maladie dans les activités de la vie quotidienne. Même si l’espérance de vie en bonne santé reste en moyenne plus élevée pour les femmes que pour les hommes, l’écart est plus réduit.

Par exemple en , en 2020, une femme pourrait vivre jusqu’à 85,1 ans et un homme jusqu’à 79,1 ans (soit une différence de 6 ans). Mais si l’on regarde dans le détail et considère l’espérance de vie en bonne santé, une femme de 65 ans pourrait en 2020 espérer vivre 12,1 ans sans handicap et un homme, 10,6 ans (soit une différence de « seulement » 1,5 an). Les femmes vivent donc plus longtemps que les hommes, mais pas nécessairement en bonne santé. Passé un certain âge, nombre d’entre eux souffrent de maladies invalidantes, de pathologies neurodégénératives ou encore d’arthrose.

Texte rédigé avec le soutien de François Alla, professeur de santé publique à l’Université de Bordeaux et chercheur rattaché au laboratoire Bordeaux Santé des Populations (Inserm/Université de Bordeaux)

 
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