News Day FR

Hydroxychloroquine, vaccins, homéopathie… Patrick Hetzel, un ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche aux positions scientifiques moins académiques

Le député LR du Bas-Rhin a pris ces dernières années des positions en marge du consensus scientifique, soutenant par exemple le recours aux traitements vantés par Didier Raoult lors de la crise du Covid-19 ou défendant l’homéopathie, alors que leur efficacité n’était pas prouvée.

Une nomination qui attire l’attention. L’arrivée de Patrick Hetzel au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le 21 septembre, a suscité une vague de désapprobation au sein de la communauté scientifique et dans le cercle politique. Le député LR du Bas-Rhin, qui connaît déjà bien ce ministère pour y avoir travaillé comme directeur général de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP) entre 2008 et 2012, s’est prononcé à plusieurs reprises contre le consensus scientifique ces dernières années. Notamment en défendant le recours à l’hydroxychloroquine pour soigner les patients atteints du Covid-19, ou en tentant de repousser le déremboursement de l’homéopathie.

Ses anciennes fonctions lui ont valu le soutien récent de figures de la désinformation, comme le chef d’entreprise Silvano Trotta ou Florian Philippot, leader des Patriotes, qui présente, sur le réseau social “ventilateur” par le professeur Didier Raoult, en énumérant ses différentes déclarations polémiques ou en rappelant son hostilité à la vaccination obligatoire pendant la pandémie.

« Nous ne supportons plus ces nominations de personnes dont le parcours va à l’encontre de ce que devrait être le rôle. On ne peut pas, quand on est ministre de la Recherche, avoir des positions à l’opposé de la science »s’indigne Jérôme Marty, président du syndicat Union française pour une médecine libre (UFML-S).

« Nous devons donner l’exemple. Et l’exemple est de respecter la science.

Jérôme Marty, président de l’UFML-Syndicat

sur franceinfo

“Quand on est professeur d’université, on est obligé de respecter une certaine forme de rationalité”ajoute Pierre Ouzoulias, archéologue, chercheur au CNRS et vice-président du Sénat, qui cible implicitement les positions prises par le nouveau ministre pendant la pandémie.

Dans une lettre adressée à Emmanuel Macron le 2 avril 2020 et publiée sur X, Patrick Hetzel a notamment plaidé pour une autorisation temporaire. “l’hydroxychloroquine (…) dans le traitement précoce du Covid, en attendant que les résultats des essais cliniques en cours soient connus”. De quoi laisser certains scientifiques perplexes : « La seule façon de minimiser les risques est de faire un essai clinique. Ceux qui disent le contraire ne veulent pas le bien des gens. »déclare Dominique Costagliola, épidémiologiste et directeur de recherche à l’Institut Pierre-Louis. “Nous avions déjà eu des essais de traitement à l’hydroxychloroquine sur des patients en avril 2020 et des critiques avaient été soulevées”rapporte de son côté Jean-Michel Constantin, président de la Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar).

Aucune étude scientifique sérieuse n’avait conclu, à l’époque, sur l’efficacité du médicament largement vanté par l’ancien directeur de l’IHU de Marseille Didier Raoult. A l’inverse, un mois après la demande de Patrick Hetzel auprès de l’Elysée, deux études concluaient à l’inefficacité de l’hydroxychloroquine contre le Covid-19.

Durant la pandémie, Patrick Hetzel s’est également opposé au port obligatoire du masque dès l’âge de 6 ans à l’école, soulignant« des effets négatifs sur le développement et l’apprentissage des enfants ainsi que des effets psychologiques graves »lors des questions au gouvernement. Cette mesure avait pourtant été recommandée par la Société française de pédiatrie et le Haut Conseil de la santé publique quelques mois plus tôt.

Le député alsacien s’est ensuite prononcé contre le pass sanitaire, interrogeant le ministre de la Santé de l’époque, Olivier Véran, en juillet 2021, sur le choix de le rendre obligatoire. Patrick Hetzel avait notamment évoqué des doutes et “un problème juridique” concernant les vaccins, alors en phase 3 de leur essai clinique. Un argument balayé par Dominique Costagliola. Selon elle, affirmant que les vaccins étaient alors “ples produits expérimentaux de l’été 2021 sont scientifiquement inexacts. (…) Les traitements antirétroviraux ont été autorisés avant la fin des essais cliniques, et ils ont sauvé des vies.» rappelle l’épidémiologiste.

«C’est une sortie de route»juge même Xavier Lescure, infectiologue à l’hôpital Bichat-Claude-Bernard, professeur d’infectiologie à l’université Paris-Cité. “C’est ennuyeux pour un ministre de la Recherche qui devrait incarner une démarche rationnelle et rigoureuse” il croit. En réalité, l’efficacité du vaccin contre le Covid-19 avait été démontrée dès mars 2021, notamment contre les formes graves de la maladie.

« Les sénateurs qui défendaient ce type de position sont ceux qui appartenaient à l’extrême droite, une position en rupture avec la rationalité scientifique et vaguement complotiste »note Pierre Ouzoulias, admettant également que « Les élus de gauche ont compromis” sous hydroxychloroquine.

« Pour Patrick Hetzel, il y a une accumulation [de positionnements antiscience] ce qui veut dire qu’il y a un soupçon de principe.

Pierre Ouzoulias, PCF senator from Hauts-de-Seine

sur franceinfo

Face au tollé suscité par sa nomination, l’entourage du nouveau ministre, qui n’a pas répondu à nos sollicitations, demande aujourd’hui à « ne le jugez pas pour sorcellerie, en prenant des lunettes de 2024 pour juger ce qui a été dit en 2020 »écrit Le Parisien. «Maintenant que les résultats des essais cliniques [sur l’hydroxychloroquine] sont connus, il n’aurait forcément plus la même appréciation du sujet »ajoute la même Source au quotidien. Mais les critiques ne se limitent pas au thème du Covid-19.

Sa position sur l’homéopathie est également dénoncée par la communauté scientifique. En octobre 2020, Patrick Hetzel a soutenu un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) visant à « créer un organisme spécifiquement dédié à l’évaluation des médecines complémentaires et alternatives dont l’homéopathie, ainsi qu’à la fixation d’un taux de remboursement ».

Un mois plus tard, il cosigne un projet de loi visant à instaurer un moratoire de deux ans sur le taux de remboursement (15 %) de l’homéopathie, plutôt que son déremboursement, afin de ne pas brusquer les industriels du secteur. Mais ces textes furent rejetés et l’homéopathie, dont l’efficacité fut jugée “insuffisant” par la Haute autorité de santé (HAS), n’est plus remboursé depuis janvier 2021. Pour donner son avis, l’autorité de santé a scruté plusieurs études portant sur près de 1 200 médicaments homéopathiques. « Il existe un consensus scientifique sur le fait que l’homéopathie ne doit pas être prescrite. Au mieux cela ne sert à rien, au pire cela détourne l’attention d’un traitement utile. »rappelle Jean-Michel Constantin, président de la Sfar.

Parallèlement, le député s’est également battu pour que la maladie de Lyme soit reconnue comme une maladie chronique à travers un projet de loi déposé en septembre 2023. Cependant, la chronicité de cette maladie reste controversée, basée sur une hypothèse. “non prouvé scientifiquement», dénonçait l’Académie de médecine en 2017.

Plus récemment, lors du débat sur le projet de loi contre les dérives sectaires, Patrick Hetzel s’est élevé contre un article visant à créer un délit de « provocation à l’abstention de soins » médical. Comme pour le pass sanitaire, il a d’abord évoqué un « raison juridique » avant de livrer une curieuse vision de la science. « Quand on regarde comment se font les avancées scientifiques, bien souvent, les ruptures de paradigme (…) sont l’œuvre de personnes qui sont minoritaires. Alors soyons extrêmement prudents, à vouloir aussi élaborer, en quelque sorte, un dogme, qui serait celui d’une science officielle. Je pense que c’est extrêmement dangereux. a-t-il prévenu devant l’Assemblée.

Une rhétorique antisystème qui n’est pas passée inaperçue. « Participer au débat sur l’article 4 du projet de loi sur les dérives sectaires [finalement adopté]sous-entendre que la science officielle est du totalitarisme, et laisser le choix des médecines alternatives à des patients qui n’ont aucun discernement, je trouve ça ennuyeux. Surtout pour un ministre qui a des recherches scientifiques dans son domaine d’expertisedéplore Pierre Ouzoulias.

« Je suis frappé de voir qu’à chaque fois qu’il monte au créneau, c’est avec un raisonnement complotiste. Cette accumulation dresse le portrait de quelqu’un qui ne comprend pas comment on développe les connaissances dans le monde scientifique. “

Dominique Costagliola, épidémiologiste et directrice de recherche à l’Institut Pierre-Louis

sur franceinfo

« Il y a une cohérence dans ses positions : on sent une ligne très conservatriceestime l’infectiologue Xavier Lescure.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

Related News :