Quand le covid s’installe et devient un covid long

Quand le covid s’installe et devient un covid long
Quand le covid s’installe et devient un covid long

Vous vous souvenez sans doute de la pandémie de covid-19 (épidémie mondiale), qui a débuté en 2020. Aujourd’hui, les gens souffrent de covid long. Comme si le covid ne les avait jamais quittés… Le docteur Jean-Baptiste Nicolas traite plus de 200 patients de ce type à l’hôpital Saint-Luc de Bouge (Namur). Il nous explique… Tandis qu’Isabelle, qui est malade, nous raconte.

Docteur Nicolas, c’est quoi le covid long ?

Chez certaines personnes, le virus s’installe après une infection aiguë au covid-19 et crée une neuroinflammation (inflammation du système nerveux). Les symptômes (signes de la maladie) vont ensuite persister au bout de trois mois. Il peut s’agir de 1, 10 ou 20 symptômes… Et la gravité varie beaucoup d’un patient à l’autre.

Quels sont ces symptômes ?

Nous en avons identifié 200 ! Fatigue, perte de mémoire… On peut avoir des dysfonctionnements du système nerveux autonome, qui régule des fonctions vitales comme le rythme cardiaque, la respiration, la circulation sanguine, la digestion, la sécrétion de salive… Typiquement, ces fonctions sont affectées lors d’un covid long. Ainsi, une personne qui ne peut plus se lever sans chute de tension (comme si elle allait s’évanouir) ou dont le cœur bat beaucoup trop vite en position assise ou allongée, peut être une personne atteinte de covid long. Quelqu’un qui a de la fièvre sans infection ou qui, au contraire, est extrêmement frileux. Ce sont des symptômes caractéristiques, qui nous mettent sur la bonne voie.

Comment se fait-il que le virus ne disparaisse pas avec le temps ?

On ne sait pas vraiment. On a trois hypothèses (explications possibles) : chez les personnes affaiblies, le système immunitaire fonctionne moins bien, répond de manière aberrante et continue à générer de l’inflammation même si le virus a disparu. Autre cas : on trouve parfois des particules virales qui persistent longtemps et contre lesquelles le système immunitaire continue à réagir. On peut aussi avoir une auto-immunité : les cellules du système immunitaire génèrent des anticorps contre les propres composants du corps (contre les muscles, les gaines nerveuses, les neurones, le cœur, les intestins, etc.). Le système immunitaire attaque donc le corps.

Sommes-nous guéris ?

En principe, le corps se répare et en moyenne, au bout de deux ans, le patient est guéri. Dans 70 % des cas, l’état de la personne s’améliore. Mais nous avons des patients de 2020-2021 qui sont toujours atteints, voire plus malades qu’avant.

Les enfants sont-ils concernés ?

Beaucoup moins que les adultes. Et plutôt les adolescents, après 12 ans. C’est rare chez les enfants. Chez les jeunes, on observe principalement quatre types de symptômes : la fatigue, les troubles de la mémoire, les troubles respiratoires et les troubles digestifs.

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Infirmière, Isabelle a été contaminée à l’hôpital, dans le cadre de son travail. J’ai eu le covid en novembre 2021. Je n’étais pas bien, douleurs thoraciques, fatigue importante, difficultés respiratoires, mais ce n’était pas un covid grave. Huit ou neuf mois plus tard, les symptômes ont persisté et des problèmes supplémentaires sont apparus. Mon médecin généraliste m’a alors envoyé chez le Dr Nicolas qui m’a confirmé qu’il s’agissait d’un covid long. »

Très fatigué, perte de mémoire…

Avec un médecin spécialiste, elle a fait un bilan pour mesurer ses problèmes de mémoire à court terme (ce qu’on vient de faire, de dire, de lire, etc.), ses difficultés de concentration, le fait de chercher ou d’inverser des mots, etc. Ensuite, le médecin lui a donné quelques astuces pour lui faciliter la vie au quotidien. Par exemple, mettre des Post-it pour se souvenir des choses. J’écris aussi dans un agenda toutes les activités que je fais dans la journée et je mets une couleur pour visualiser ce que cela me cause comme fatigue. Cela va du lever, à penser à préparer le dîner, faire les courses… Certains jours, rien qu’avec ça, ma journée est presque terminée. Cela me permet de voir ce qui me fatigue.

Isabelle souffre d’une fatigue anormale, d’un manque total d’énergie : « En fait, c’est comme si je me levais le matin avec une batterie chargée à 15%. Ou comme si j’avais une casserole avec trop peu de cuillères à café. Quelqu’un qui n’est pas malade a 50 cuillères à café pour passer la journée, moi je n’en ai que 5. Or se lever le matin et prendre une douche demande une cuillère à café. Vider le lave-vaisselle, une autre. Penser à ce que je vais manger pour le dîner, une autre… Du coup, j’en ai vite fini, et je ne sais plus rien faire !

Pour parvenir à organiser sa vie autour de cette immense fatigue, Isabelle a appris à se ménager : « Je fais des activités réduites, qui ne provoquent pas d’inconfort post-exercice. Mais c’est très compliqué de trouver l’équilibre car les dégâts peuvent survenir juste après l’effort, quelques heures après, mais aussi, parfois, trois jours après. En effet, les muscles sont touchés, il y a un manque d’oxygène, des petits caillots se forment… et parfois, tout cela a des répercussions deux ou trois jours après. Par exemple, je sais que je ne peux pas aller dans quatre magasins d’affilée, c’est trop. En fait, faire un effort demande de l’énergie musculaire. Chez les personnes atteintes de covid long, le muscle ne se régénère pas normalement. Il y a des cicatrices, à cause du manque d’oxygène. J’ai aussi un appareil qui me permet de respirer de l’oxygène, pour mieux réoxygéner mon corps. »

La vie complètement bouleversée

Isabelle était sportive. Elle travaillait. Elle était très active. Aujourd’hui, tout cela est terminé. Le matin, je me lève, je prends une douche, je prends mon petit déjeuner et je vais faire quelques petites courses pour le soir. Et puis je m’assois. Je dîne. Et l’après-midi, je me détends dans le fauteuil. Parfois, j’arrive à repasser un peu. Mais parfois, je m’oxygène, je regarde la télé, je ne fais rien. Même lire, parfois, me prend trop d’énergie.. »

Certains jours sont encore pires : « Hier a été une journée terrible. J’avais l’impression d’avoir trois tonnes sur le torse, j’étais essoufflée, je n’arrivais pas à me lever. Dès que je faisais un petit effort, comme vider le lave-vaisselle ou prendre une douche, je devais m’allonger ensuite. Je n’y arrivais pas. J’ai aussi des douleurs à la poitrine et des maux de tête quasi constants. Certaines personnes ont des douleurs articulaires ou musculaires ou des problèmes digestifs. Je n’ai pas ça. Et puis, au niveau cognitif, c’est perturbant. Des prénoms que j’utilise tout le temps, je les oublie. Parfois, l’après-midi, je ne sais plus ce que j’ai fait le matin. Je dois me concentrer et ça me fatigue. Je n’arrive pas à faire deux choses en même temps, ou j’oublie de finir une tâche. Un jour, en hiver, j’ai fait un feu et j’ai oublié de fermer la porte de l’insert. Ou j’ai pris une casserole et j’ai oublié d’éteindre le brûleur à gaz. Ou je remplis ma bouteille d’eau, je range la carafe, j’oublie ma bouteille d’eau dans l’évier et je m’en vais. Alors quand je raconte cette histoire, beaucoup de gens me disent : « Ça m’arrive aussi. Je perds la mémoire, j’oublie des choses. » Mais non, chez moi, c’est différent. Je dois rester concentrée sur ce que je fais et ne pas faire deux choses à la fois.. »

Les gens ne comprennent pas, et c’est très difficile aussi. Je souris. Ils me voient et n’imaginent pas mon état. Mon mari et mes enfants comprennent maintenant, j’ai de la chance. Mais c’était compliqué. Même pour moi, c’était compliqué à comprendre. J’ai envie de faire plein de choses mais mon corps ne suit pas. Je ne sais pas ce que l’avenir me réserve. À la maison, ça va de mal en pis depuis deux ans et demi. »

 
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