Cette étude détaille les premiers jours du Covid-19 sur le marché de Wuhan

Où exactement le premier humain a-t-il été infecté par le Covid-19 ? S’agit-il vraiment d’une infection liée à un animal ? Quand exactement l’épidémie a-t-elle débuté ? Une étude du CNRS publiée ce jeudi 19 septembre éclaire des mystères vieux de plus de quatre ans sur cette maladie mondiale.

C’est l’histoire d’une découverte scientifique majeure faite « par hasard » en mars 2023 et L’enquête rendue inaudible en France par le brouhaha autour de la réforme des retraites. L’un des mystères de l’origine du Covid-19 a été résolu par une Française. Ce jeudi 19 septembre, une équipe de recherche internationale, dirigée par Florence Débarre, chercheuse en biologie évolutive au CNRS, a publié les conclusions d’une étude inédite sur ce virus qui a confiné la planète.

Tout commence à Wuhan, en Chine, sur le marché de Huanan. C’est dans les rangs de ce marché grouillant des 12 millions d’habitants de la ville que le virus moderne le plus dévastateur aurait atteint pour la première fois l’homme. Là, parmi le millier de vendeurs de l’immense espace, certains proposent illégalement des animaux sauvages, dans des conditions d’hygiène douteuses.

« Le marché de Huanan était le lieu le plus fréquenté par les vendeurs d’animaux sauvages à Wuhan (…) Plusieurs d’entre eux ont été identifiés comme proposant illégalement des animaux vivants tels que des chiens viverrins, des civettes, des rats de bambou, des porcs-épics malais, des hérissons de l’Amour et des blaireaux asiatiques à la fin de l’automne 2019 », ont écrit les chercheurs dans la revue scientifique Cellule.

En plus des animaux exotiques, des invités plus petits et indésirables sont également présents sur les étagères : les virus. Hépatite C, kobuvirus, bêtacoronavirus… Et même une souche du grippe aviaireDes virus H9N2, transmissibles à l’homme, ont été identifiés par des chercheurs dans des échantillons prélevés sur place au début de la pandémie.

« Il y a des virus partout, tout le temps. Mais la plupart d’entre eux n’ont pas de conséquences néfastes », a expliqué Florence Débarre à BFMTV.com. « Cependant, certains d’entre eux ont un potentiel zoonotique, pouvant passer de l’animal à l’homme. »

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Allées fermées du marché de Huanan à Wuhan (Chine), le 11 janvier 2020, après le début de l’épidémie de Covid-19. © NOEL CELIS / AFP

Une date d’infection du patient zéro

Un virus passé de l’animal à l’humain ? Cette enquête suggère clairement que c’est dans l’enceinte de ce marché humide que le SARS-CoV-2 a franchi pour la première fois la barrière des espèces pour infecter l’humain. En étudiant la généalogie du virus, il est même possible de dater le patient zéro, « entre mi- et fin novembre » 2019.

« Grâce à cette étude, on se rapproche petit à petit de comprendre comment cela peut arriver et comment cela a pu arriver », commente le virologue Bruno Lina, membre du Covars, le nouveau conseil scientifique.

« On voit que la progression de ce virus a été progressive. Des animaux ont été infectés, puis quelques humains, probablement avec une transmission qui n’a pas été très rapide au début, dans les premiers jours de décembre », note-t-il, observant dans les données une « petite amplification » à la moitié du mois.

Pour rappel, ce n’est que le 5 janvier 2020, soit deux semaines plus tard, que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) évoquait pour la première fois une « pneumonie de cause inconnue » dans la ville.

L’étude permet également de comprendre le début de l’évolution du virus chez l’homme, avec sa séparation en deux lignées, A et B. La première s’est éteinte, la seconde a pris le monde d’assaut, avant de se subdiviser en de nombreux variants qui circulent encore partout aujourd’hui.

Connaître l’évolution du virus, et notamment l’ancêtre commun des deux lignées, permet d’affirmer qu’il n’existait pas avant novembre 2019, contrairement à certaines affirmations ou théories datées et déjà démenties.

Cet animal qui a transmis le virus à l’homme

Les scientifiques savent où et quand le contact a eu lieu. Mais ils peuvent aussi, avec une grande fiabilité, déterminer par qui. Au moins une liste de suspects potentiels. Les soupçons se portent sur la civette, le rat de bambou, le porc-épic et le chien viverrin.

C’est ce dernier, sorte d’adorable mélange entre un raton laveur, un chien et un renard, qui est désormais présenté comme le suspect numéro un. « Les chiens viverrins sont une espèce pour laquelle il a été démontré expérimentalement qu’ils peuvent non seulement être infectés et avoir leur version du Covid, mais aussi le transmettre. Cela en fait un suspect important », résume Florence Débarre.

« C’est une espèce qui était déjà impliquée dans l’épidémie de SRAS (un autre coronavirus, ndlr) entre 2002 et 2004 (…) On savait qu’elles représentaient un risque de transmission de coronavirus à l’homme », ajoute-t-elle.

L’étude a toutefois ses limites. D’abord en raison de la méthode utilisée pour arriver à ces conclusions. Par exemple, les animaux présents il y a cinq ans sur ce marché n’ont jamais été testés directement, seulement leur environnement. « Avec les données dont nous disposons, il est impossible de démontrer la Source des virus qui sont retrouvés », qu’ils soient d’origine humaine ou animale, précise le chercheur.

class="lozad"> class="lozad">Des travailleurs portant un équipement de protection au marché de Huanan à Wuhan, en Chine, le 30 mars 2020, après le début de l'épidémie de Covid-19.>>

>>Des travailleurs portant un équipement de protection au marché de Huanan à Wuhan, en Chine, le 30 mars 2020, après le début de l'épidémie de Covid-19.>>
Des ouvriers portant des équipements de protection au marché de Huanan à Wuhan, en Chine, le 30 mars 2020, après le début de l’épidémie de Covid-19. © Hector RETAMAL / AFP

Mais l’analyse montre une correspondance entre les lieux où des traces de Covid-19 ont été trouvées et la localisation des personnes malades sur ce marché. Le taux apparaît ainsi beaucoup plus élevé là où des animaux sauvages ont été vendus, dans la zone sud-ouest, que dans le reste du marché.

Enfin, dernier bémol : le manque de données sur la capacité de certains animaux présents à transmettre le virus à l’homme. Ainsi, peut-être qu’un renard arctique ou un Muntjac de Reeves présents à Wuhan à l’époque pourraient également être des candidats sérieux.

Ces autres bêtes exotiques « ne sont pas exclues », mais « nous n’avons pas connaissance de leur capacité à infecter et à transmettre » en l’absence de données expérimentales – des analyses que les chercheurs recommandent de réaliser pour affiner leurs hypothèses.

Des éléments qui resteront mystérieux

Le chien viverrin, dont la « culpabilité » est mise en cause depuis le début de la pandémie, et dont la présence sur place a été identifiée par une première étude du chercheur publiée « en plein conflit sur la réforme des retraites », contraste avec certaines des premières options reprises au début de l’épidémie. Ainsi, ni les pangolins ni les chauves-souris n’étaient présents sur le marché au moment des faits. Sont-ils donc totalement étrangers à cette épidémie ? Pas nécessairement.

L’étude du CNRS s’intéresse à l’apparition du Covid-19 chez l’homme. Mais ces espèces pourraient avoir joué un rôle dans la longue histoire de cette zoonose, ayant probablement parcouru des centaines de kilomètres et plusieurs espèces avant d’atteindre l’homme en Chine.

« Les chauves-souris figurent toujours en tête de liste des sources potentielles du virus, car des virus similaires circulent entre elles », explique l’auteur. « Avec les données du marché de Huanan, nous ne pouvons pas décrire la longue chaîne d’événements qui a conduit des chauves-souris du Sud à la présence du virus sur le marché. »

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Épisode 6 : Les origines du COVID-19

Le pangolin n’est pas non plus épargné. Des virus similaires au SARS-CoV-2 ont été détectés à plusieurs reprises chez ce petit animal. Il est donc concevable qu’à un moment donné de la longue chaîne d’événements, il ait été un hôte. Mais comme la chauve-souris, il est peu probable qu’il ait directement infecté l’homme.

L’espoir d’une connaissance détaillée du parcours du virus depuis sa naissance jusqu’à aujourd’hui est plutôt mince. Voire inexistant. « Nous ne connaîtrons pas la liste précise des événements. En revanche, nous pourrons avoir de meilleures idées sur les espèces potentielles impliquées », ajoute le chercheur en biologie évolutive au CNRS.

L’hypothèse d’une fuite en laboratoire s’effondre

Dans ce cas, les scientifiques avancent lentement, et se gardent bien de tirer des conclusions définitives à partir de leurs données. Mais il est clair que la séquence d’éléments, si elle ne permet pas de confirmer à 100 % une hypothèse, a le mérite d’en échapper d’autres. Y compris celle qui a agité une partie du débat public, celle de la « fuite du laboratoire ».

À Wuhan, un laboratoire de virologie ultrasensible a en effet fait l’objet de toutes les attentions. Serait-ce là que serait née la pandémie ? Une hypothèse initialement « légitime » de l’aveu même des chercheurs. Mais face aux preuves étayant la piste de la zoonose, l’idée d’un accident scientifique se dégonfle.

De plus, il serait difficile de dire que cette hypothèse n’a pas été sérieusement étudiée. Sept agences de renseignement américaines ont mené l’enquête et, selon des documents déclassifiés en juin 2023, la grande majorité d’entre elles ont jugé l’hypothèse « zoonotique » « très probable ».

« Cela met clairement à mal certaines autres hypothèses », estime Bruno Lina. « On voit que nous avons tous les éléments qui soutiennent qu’il s’agit bien d’une apparition naturelle du virus » transmis de l’animal à l’homme sans intervention (in)volontaire. La seule erreur de notre espèce serait donc d’avoir empiété sur la nature.

 
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