
En 2022, la vaccination contre le Covid en Afrique a considérablement augmenté et le nombre de cas a baissé. Mais selon les experts africains en santé publique, il faut désormais investir sur le long terme.
Fin janvier 2023, environ 20 000 nouveaux cas de Covid-19 ont été enregistrés sur l’ensemble du continent africain, soit une baisse de 97 % par rapport à janvier 2022, selon les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Cela s’explique notamment par une accélération de la vaccination au cours des douze derniers mois, rendue possible en partie grâce aux fonds du projet ECHO, un programme humanitaire de la Commission européenne.
Les fonds ont été distribués dans 16 pays et ont notamment été investis dans des campagnes de communication, la formation des soignants ou la distribution de vaccins.
Mais sur place, les différents responsables des directions régionales de l’OMS veulent aller plus loin. Car si les fonds européens ont permis d’accélérer la vaccination, le projet ECHO se termine en juin prochain et ne permettra donc pas forcément une pérennité à long terme.
Pour les 16 pays bénéficiaires régulièrement confrontés à des urgences humanitaires et avec des systèmes de santé faibles, « ce projet ressemble plus à un pansement »a déclaré Arsène Enyegue, chargé de projet à l’OMS AFRO, lors d’un symposium organisé par l’OMS à Dar Es Salam en Tanzanie les 16 et 17 mai.
L’OMS AFRO appelle d’une part à intégrer la vaccination Covid dans les soins de santé primaires, et d’autre part à renforcer les systèmes de santé publique pour les années à venir.
“La clé de la durabilité est l’intégration de la vaccination contre Covid avec d’autres soins de santé primaires”a déclaré Ian Van Engelgem, conseiller santé pour le projet ECHO, lors du symposium.
Pour preuve, à Madagascar l’intégration de la vaccination Covid dans les soins de proximité depuis un an a augmenté la demande, a confirmé le Dr Patricia Martin Rasoamihanta, chef du bureau de l’OMS à Madagascar.
Plus de la moitié des Africains souffrent d’un manque de soins
La faiblesse des systèmes de santé publique en Afrique ne date pas de la pandémie.
Selon les résultats d’un étude publié en 2020, soit avant le Covid, par l’institut de sondage Afrobaromètre, 53% des Africains déclaraient avoir fait face à un manque de soins nécessaires au moins une fois au cours de l’année précédente.
Depuis, la pandémie de Covid a encore fragilisé les systèmes de santé du continent. Notamment un manque d’infrastructures, de soignants, de budget, des problèmes d’accessibilité aux hôpitaux par manque de transport ou de soins à des prix parfois exorbitants.
« A Madagascar, le système de santé est précaire et les ressources humaines sont limitées »dit le Dr Rasoamihanta.
---Les gouvernements ont aussi leur part de responsabilité. Le sondage d’Afrobaromètre révèle que 46% des personnes interrogées pensent que leur gouvernement ne réussit pas à améliorer les services de santé de base.
Dans certains pays, le peu d’argent alloué à la santé publique est parfois mal utilisé.
Ce fut notamment le cas au Cameroun, où 180 milliards de francs CFA (environ 275 millions d’euros) destinés à la lutte contre le Covid-19 ont été détournés par le ministère de la Santé, selon un rapport publié en 2021 par la chambre des comptes de la Cour suprême. .
« Il y a une mauvaise gouvernance du budget de la santé. Certains gouvernements s’en emparent sans faire le travail »dit M. Enyegue.
Au-delà des scandales de corruption, les mauvaises conditions de travail des soignants sont régulièrement pointées du doigt.
En République démocratique du Congo (RDC), les soignants ont reçu une prime pour la vaccination contre le Covid, mais celle promise par le gouvernement lors de la dernière épidémie du virus Ebola en août dernier n’a toujours pas été distribuée.
“Il est indispensable d’augmenter les salaires des soignants”dit M. Enyegue.
Rôle politique de l’UE
La Commission européenne participe également au Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose, qui investit chaque année quatre milliards de dollars pour lutter contre ces maladies. Elle est la sixième plus grande donatrice du Fonds mondial.
Pour la période 2023-2025, sa promesse s’élève à 715 millions d’eurosce qui représente une augmentation de 30% par rapport à la période 2020-2022.
La plupart des pays de l’UE financent également le Fonds. Avec la Commission européenne, ils sont appelés « Team Europe » et représentent un tiers du financement total du Fonds.
La France et l’Allemagne sont les deux premiers donateurs européens avec à ce jour, des montants respectifs de 6,05 milliards et 4,6 milliards d’euros depuis la création du Fonds en 2002.
Au-delà de l’aide financière, l’UE pourrait avoir un rôle plus politique, selon M. Enyegue, qui a conclu que « l’UE pourrait faire pression pour que les États membres [africains] augmenter le budget de la santé ».
[Edité par Giedrė Peseckytė/Zoran Radosavljevic]