L’essor de l’intelligence artificielle (IA) révolutionne le septième art, ouvrant des perspectives fascinantes tout en soulevant d’importantes questions éthiques et techniques. Le cas controversé de la reconstitution de la voix d’Alain Dorval pour le film Armure (2024) illustre parfaitement ces enjeux. Cette tentative, bien qu’ambitieuse, met en évidence les défis liés à l’intégration de l’IA dans le processus de réalisation cinématographique.
Alain Dorval, figure légendaire du doublage français, a marqué des générations en prêtant sa voix à des icônes comme Rocky Balboa et John Rambo. Son décès en février 2024 a laissé un immense vide. Pour Armure (2025)produit par Lumière Ventures et interprété par Sylvester Stallone, la société ElevenLabs a entrepris de recréer numériquement sa voix. Malgré l’accord initial d’Aurore Bergé, la fille de l’acteur, pour des tests préliminaires, la diffusion d’une bande-annonce utilisant cette voix de synthèse a suscité une vive polémique sur la toile. Jugé artificiel et « robotique » par de nombreux spectateurs, le résultat remettait en question l’efficacité et la pertinence de cette technologie dans le domaine exigeant du doublage professionnel.
Cette controverse soulève des questions éthiques et artistiques cruciales. Si les possibilités techniques offertes par l’IA semblent illimitées, leur déploiement ne doit jamais se faire au détriment du respect des artistes et de leur patrimoine. Un dialogue transparent et constructif entre artistes, producteurs, ayants droit, législateurs et spectateurs reste essentiel. L’intégration de ces innovations technologiques doit avant tout reposer sur des piliers essentiels : le consentement éclairé, la transparence avec le spectateur et la recherche constante de l’excellence qualitative.
L’éthique doit impérativement guider cette révolution. Si l’IA s’affirme comme un outil créatif capable d’enrichir l’expression artistique, elle risque aussi d’en dénaturer l’essence si elle est utilisée de manière irresponsable. Et il est erroné de réduire ces débats à de simples questions techniques ou de workflow. Ils recouvrent de grandes questions artistiques et philosophiques, qui ne peuvent être écartées. Confier négligemment des tâches créatives à des algorithmes soulève des inquiétudes légitimes. C’est un fait. Et même la reproduction numérique la plus avancée d’une voix questionne profondément l’authenticité, l’identité artistique et le respect du travail humain.
L’expérience deArmure (2024) souligne une nouvelle fois la nécessité d’une réflexion approfondie et d’un environnement réglementaire adapté pour encadrer l’usage de l’IA dans le septième art. Et ces questions ne sont que le début d’un long débat qui ne fait que commencer. A noter que les premières publications d’Eleven Labs, dont la bande-annonce française, ont été supprimées suite à la polémique. L’adoption du doublage vocal IA pour la sortie du film reste à confirmer, compte tenu du tollé suscité. Le film est attendu sur Prime Video en mars prochain.
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