La mort du fondateur du Front national a déclenché des comparaisons incessantes avec le chef des insurgés, accusé d’être l’héritier de Jean-Marie Le Pen en matière d’antisémitisme. Malgré la dérive idéologique de Jean-Luc Mélenchon, l’attaque est fondamentalement inepte.
Sous la plume de Sophia Aram, du label Plantu ou dans la bouche des commentateurs de CNews, la mort de Jean-Marie Le Pen, ce mardi 7 janvier, a donné lieu à une curieuse affirmation : Jean-Luc Mélenchon serait son héritier. Tout le monde s’emploie à transmettre au fondateur de La France insoumise (LFI) le mistigri du statut de diable de la République, cherchant à faire de l’ancien socialiste le nouveau responsable de la République. Marianne critiqué, plus qu’à son tour, l’impasse clientéliste dans laquelle s’est engagée La France insoumise en faisant des « quartiers populaires » sa principale cible électorale, ainsi que les ambiguïtés de Jean-Luc Mélenchon sur l’antisémitisme. Or, placer « JLM » dans la lignée de Le Pen père est, disons-le sans ambages, une totale absurdité.
Sur L’antisémitisme reste résiduel en France », constat évidemment contredit par l’explosion du nombre d’actes antisémites depuis le 7 octobre) et la sortie révisionniste de Jean-Marie Le Pen sur les chambres à gaz, « détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale ».
Loin d’être isolé, ce parallèle est repris à l’unisson par les présentateurs, chroniqueurs et journalistes de CNews. ” Quand je vois les déclarations de Jean-Luc Mélenchon, je me dis que l’antisémitisme possible – en tout cas il n’était pas un philosémite – de M. Jean-Marie Le Pen n’est pas près d’un antisémitisme vivant, dangereux, purulent. , de M. Mélenchondéclare l’avocat Gilles-William Goldnadel. D’une certaine manière, l’antisémitisme de M. Le Pen était déjà celui d’hier, révolu, tandis que celui de M. Mélenchon est celui d’aujourd’hui. »
The Bolloré group in a loop on… Mélenchon
Sur la même chaîne, Sonia Mabrouk ajoute : « Cela va beaucoup choquer à gauche, mais le fait de dire que les héritiers de Jean-Marie Le Pen seraient plutôt à l’extrême gauche qu’à l’extrême droite est une réalité.affirme le journaliste star du groupe Bolloré. Qui ne dit pas clairement qu’il est Charlie aujourd’hui ? Qui ne peut énoncer clairement la lutte contre l’antisémitisme ? (…) Cela vient de la même méthode, Jean-Marie Le Pen a toujours cru à la bataille culturelle qu’il faut gagner, c’est la vision Gramscienne. C’est comme Jean-Luc Mélenchon aujourd’hui. »
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Un dernier pour la route ? Yoann Usaï, journaliste politique de CNews : « L’extrême droite, c’est être factieux, antisémite et antiparlementariste. Ce sont finalement ces caractéristiques que l’on retrouve à l’extrême gauche. Force est de constater qu’aujourd’hui, ces caractéristiques ne sont plus du côté du Rassemblement national. Il n’y a pas d’antiparlementarisme, il n’y a pas d’antisémitisme, il n’y a pas de faction non plus. Les factieux sont à l’extrême gauche. »
Absurdité, écrivions-nous, pour au moins trois raisons : d’abord et avant tout, Jean-Luc Mélenchon, certes abonné à la polémique, n’a jamais tenu de propos ouvertement antisémites, révisionnistes ou racistes. Mélenchon a ses ambiguïtés, Le Pen ses convictions judiciaires. Jean-Luc Mélenchon n’est pas un opposant déclaré à la République, Jean-Marie Le Pen l’était, puisque ses propos étaient en contradiction flagrante avec le principe d’égalité, sans distinction d’origine, de race ou de religion.
« Je crois aux inégalités raciales, c’est évident », déclarait Jean-Marie Le Pen en 1996. Jean-Luc Mélenchon, antiraciste autoproclamé (un point sur lequel il y a aussi matière à débat, bien sûr), n’a jamais fait la moindre déclaration équivalente. N’en déplaise à nos confrères de CNews, on ne trouve pas trace chez Jean-Luc Mélenchon d’une vision essentialiste fondée sur une prétendue hiérarchie entre les soi-disant races, vision au contraire privilégiée par l’extrême droite, dont Jean-Luc Mélenchon. Marie Le Pen est une véritable représentante.
Deux tribunes… et c’est tout
C’est la deuxième absurdité de ce rapprochement artificiel : il se concentre sur l’antisémitisme attribué à Jean-Luc Mélenchon et prouvé par Jean-Marie Le Pen (on épargnera au lecteur la litanie de ses bêtises). Qu’ont-ils en commun, à part ce supposé trait ? Un talent tribunitien ? C’est très mauvais pour établir une connexion. Jean-Marie Le Pen était violemment anticommuniste, opposé frontalement à l’immigration, partisan de l’ordre pour l’ordre, oscillant du poujadisme au libéralisme décomplexé sur le plan économique. Jean-Luc Mélenchon assume sa matrice marxiste, plaide en faveur d’une nouvelle France créolisée, affirme que « la police mardi » et compte parmi les opposants déclarés à la mondialisation néolibérale.
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Finalement, force est de constater que les véritables héritiers de Jean-Marie Le Pen et de son Front National sont bien le Rassemblement National et la Reconquête !. Malgré l’entreprise de diabolisation de Marine Le Pen, le fiasco des investitures aux législatives de 2024 a démontré que le RN n’en avait pas fini avec cela » un passé qui ne passe pas ».
Marianne a ensuite rappelé les cas de Jérôme Carbriand (Essonne) vantant le « génie du courage ” de la ” descendants des Aryens », de Laurent Gnaedig (Haut-Rhin) avouant son « des doutes » concernant les chambres à gaz, ou Grégory Renard (député de Katel Le Cuillier, dans le Morbihan), usant de l’insulte « tourbières » (inspiré du « bougnoule » insultant) sur les réseaux sociaux. Mentions curieusement oubliées du testament idéologique établi sur CNews.
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