Près d’une semaine après sa nomination, au cours de laquelle il a fait de la lutte contre le trafic de drogue une priorité, le ministre de la Justice est en visite à Marseille ce jeudi. Les avocats et les agents pénitentiaires réclament des moyens et des annonces concrètes.
Gérald Darmanin connaît bien Marseille. Ministre de l’Intérieur depuis plus de quatre ans, il s’y est déjà rendu 34 fois, presque toujours pour évoquer le trafic de drogue qui sévit dans la ville. Ce jeudi, c’est avec une autre casquette, celle de garde des Sceaux, que l’ancien maire de Tourcoing s’y rend à nouveau. Ce déplacement intervient au terme d’une nouvelle année sanglante à Marseille. Certes, le nombre de règlements a diminué par rapport à l’année précédente. Selon les derniers chiffres de la préfecture de police, 24 homicides liés au trafic de drogue ont été enregistrés en 2024, contre plus du double l’année précédente (49). Mais la situation reste toujours tendue, l’année 2024 ayant été marquée par la montée en puissance du clan DZ Mafia, qui a quasiment éradiqué son grand rival, le gang Yoda.
Vague de baguette magique
A peine nommé, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, est venu à Marseille début novembre, accompagné de Didier Migaud (alors garde des Sceaux), pour un premier déplacement très attendu. Lors d’une conférence de presse solennelle commune, les deux ministres de l’éphémère gouvernement Barnier ont promis de faire de la lutte contre le trafic de drogue une cause nationale.
Quelques mois plus tard, un nouveau ministre de la Justice se rend au Vieux-Port. « A chaque fois qu’ils prennent leurs fonctions, les Ministres de la Justice viennent à Marseille, mais c’est toujours le bordel »s’impatiente Cyril Huet-Lambing, secrétaire général adjoint du syndicat des surveillants pénitentiaires de Provence-Alpes-Côte d’Azur. Alors que Gérald Darmanin affirmait parisien Le week-end dernier, on a voulu isoler en prison les 100 plus gros trafiquants de drogue du pays, ce voyage est très attendu.
« Nous avons un ministre qui connaît bien le sujet du banditisme de drogue, reconnaît Cyril Huet-Lambing. Il veut tout révolutionner. Il veut innover. Mais pendant longtemps on nous a dit qu’il n’y avait plus d’argent. Quelle baguette magique Gérald Darmanin va-t-il donner ? ? » Le syndicaliste déplore un grave manque de personnel au centre pénitentiaire des Baumettes ainsi qu’à la prison d’Aix-Luynes à Aix-en-Provence, deux établissements qui hébergent les principaux trafiquants de drogue marseillais.
Des prisons saturées
« Aujourd’hui, on ne peut pas surveiller les trafiquants de drogue, dit-il. Ils font ce qu’ils veulent. Nous ne pouvons pas faire notre travail de manière optimale lorsque nous ne disposons pas de suffisamment de ressources. La situation est plus que catastrophique. Nous n’avons plus de personnel et ce sont les détenus qui font la loi. » Début 2024, Aix-Luynes et Les Baumettes, les deux plus grandes prisons des Bouches-du-Rhône, parmi les plus grandes de France, étaient déjà au bord de l’implosion. Aux Baumettes, en avril dernier, le taux d’occupation des quartiers réservés aux hommes atteignait 189,23 %.
La saturation atteint également le court marseillais. « Nous sommes une juridiction en défaut, alerte le Bâtonnier du Barreau de Marseille, Me Marie-Dominique Poinso-Pourtal. Nous avons peu de ressources. Nos délais sont vertigineux. Pour un divorce, il nous reste désormais neuf mois à attendre. » En octobre dernier, lors de l’audience solennelle de présentation des nouveaux magistrats et greffiers, le président du tribunal judiciaire de Marseille avait publiquement exprimé son inquiétude face au trafic de drogue.
Les difficultés sont particulièrement criantes au service du juge des libertés et de la détention, « visiblement sous-dimensionné à Marseille avec cinq magistrats, là où il y en a sept à Lyon »selon Olivier Leurent, président du tribunal. Il a alors demandé « douze magistrats supplémentaires, siège et parquet confondus ». Un état « indispensable si l’on veut pouvoir absorber l’explosion du trafic de drogue et du crime organisé, et surtout juger ces affaires ». Lundi, Gérald Darmanin s’est entretenu avec le nouveau ministre chargé des Comptes publics dans l’espoir « augmenter le budget du ministère de la Justice ».
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