Les patrons de Nissan, Honda et Mitsubishi Motors, lors d’une conférence de presse commune à Tokyo, le 23 décembre 2024 (AFP/Philip FONG)
Le géant automobile japonais Honda et son compatriote en difficulté Nissan ont décidé lundi d’ouvrir des négociations en vue d’une fusion qui donnerait naissance en 2026 au troisième constructeur mondial.
Leur objectif est d’unir leurs forces pour négocier le virage stratégique vers l’électrique, dominé par l’américain Tesla et les groupes chinois, BYD en tête.
A l’instar de l’allemand Volkswagen, les deux groupes japonais ont vu leurs ventes chuter en Chine, premier marché mondial dont ils sont très dépendants.
Honda et Nissan, deuxième et troisième constructeurs japonais derrière Toyota, souhaitent conclure “un accord définitif” d’ici juin 2025, selon le protocole signé lundi. Leur objectif : se regrouper sous une « holding unique », dont ils envisagent une introduction en bourse en août 2026, tout en conservant leurs marques actuelles.
Makoto Uchida, le patron de Nissan, lors d’une conférence de presse à Tokyo, le 23 décembre 2024, avec ses homologues de Honda et Mitsubishi Motors (AFP/Philip FONG)
Ce mariage permettrait de partager les coûts et les risques élevés du développement de modèles électriques, de logiciels et de batteries, de sécuriser les chaînes d’approvisionnement et de gagner en compétitivité grâce aux économies d’échelle.
Mitsubishi Motors, dont Nissan est le principal actionnaire, déterminera d’ici « fin janvier » s’il compte rejoindre cette alliance, où chacun pourrait assembler ses véhicules dans les usines des partenaires.
Les trois constructeurs réunis constitueraient le troisième groupe automobile mondial, avec quelque huit millions de véhicules vendus l’an dernier, derrière Toyota et Volkswagen.
-Nissan « en mode panique »-
Un rapprochement providentiel pour Nissan : très endetté, il a subi une perte inattendue au dernier trimestre et sa marge opérationnelle a presque totalement fondu.
Sur ses deux marchés clés, ses ventes ont plongé : aux Etats-Unis, faute de commercialisation d’hybrides rechargeables face à une forte demande, et en Chine, en raison de la domination des marques locales dans le tout électrique.
Takao Kato, le patron de Mitsubishi Motors, lors d’une conférence de presse à Tokyo, le 23 décembre 2024, avec ses homologues de Nissan et Honda (AFP/Philip FONG)
Début novembre, Nissan a annoncé qu’elle supprimerait 9 000 postes dans son effectif mondial et réduirait sa capacité. Signe de sa vulnérabilité : le géant taïwanais de l’assemblage électronique Foxconn (Hon Hai) l’a récemment approché pour acquérir une participation majoritaire selon la presse japonaise, précipitant l’ouverture des négociations avec Honda.
Miné par des « luttes de pouvoir » internes, Nissan « s’est marginalisé » et se retrouve « en mode panique, suppliant son éternel ennemi » Honda, a moqué lundi l’ancien patron du constructeur Carlos Ghosn depuis le Liban où il s’est enfui en 2019 alors qu’il était poursuivi au Japon. pour détournement financier.
Honda, de son côté, bénéficierait d’une entité élargie pour lancer effectivement des voitures 100 % électriques, après l’échec d’un projet commun avec l’américain General Motors.
Les groupes japonais se sont longtemps concentrés sur les hybrides (combinant motorisations thermiques et électriques), négligeant l’essor mondial du tout électrique. La Chine a dépassé le Japon en tant que premier pays exportateur de véhicules en 2023.
Alarmés, Nissan et Honda ont dévoilé en mars un « partenariat stratégique » dans les logiciels et équipements pour véhicules électriques. Initiative rejointe en août par Mitsubishi.
-« Préparer l’avenir »-
“Si la fusion vise à préparer l’avenir, à développer les composants des futures voitures électriques que nous produisons difficilement aujourd’hui, cela a du sens”, mais “une fusion opérationnelle ne résoudra pas les problèmes urgents de Nissan”, a déclaré une source proche du dossier. AFP.
Toshihiro Mibe, le patron de Honda, lors d’une conférence de presse à Tokyo, le 23 décembre 2024, avec ses homologues de Nissan et Mitsubishi Motors (AFP/Philip FONG)
“Il ne s’agit pas d’apporter une aide” à Nissan, a confirmé à la presse Toshihiro Mibe, patron de Honda, qui pose comme condition préalable la réalisation par Nissan de son plan de réduction de ses coûts et de relance de ses ventes.
Le PDG de Nissan, Makoto Uchida, reconnaît que son groupe a des « problèmes » à surmonter, mais mise sur des « synergies » avec Honda, dont il vante « l’agilité ».
Face aux mutations d’une industrie automobile où l’informatique et la technologie sont essentielles, “nous ne pourrons progresser qu’en ayant le courage de nous changer nous-mêmes”, a-t-il déclaré.
Reflet de situations inégales, alors que Honda est valorisée en bourse quatre fois plus que Nissan à volumes de ventes comparables, Honda pourra sélectionner les principaux dirigeants de la future holding.
L’ancien patron de Renault-Nissan Carlos Ghosn le 29 septembre 2020 à Jounieh, au Liban (AFP / ANWAR AMRO)
“Honda n’a pas d’expérience en matière d’alliances, de fusions, ça ne marchera pas” et “d’un point de vue industriel, il y a des doublons partout”, les deux constructeurs commercialisant des modèles voisins “avec les mêmes forces et faiblesses”, a fustigé M. .Ghosn.
Au risque d’une restructuration douloureuse donc. Une fusion générerait des bénéfices après 2030, a simplement assuré M. Mibe.
L’opération contribuerait à brouiller encore davantage l’alliance historique, nouée par Carlos Ghosn, de Nissan avec Renault : le Français réduit progressivement sa présence au capital du groupe japonais après des années de relations houleuses. Mais il contrôle toujours quelque 35%, garantissant une voix décisive, et devrait chercher à préserver les projets communs qu’il entretient avec Nissan.
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