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13 ans de prison pour le père de la collégienne, 15 ans pour le prédicateur Sefrioui

Il est 19h55 ce vendredi 20 décembre. Les prévenus détenus sont amenés dans le box. La grande salle est silencieuse. A l’heure du verdict dans le procès de l’assassinat de Samuel Paty, la tension est palpable. Dans la loge, Azim Epsirkhanov a enfilé son costume bleu. Naïm Boudaoud, son pull blanc. Abdelhakim Sefrioui sourit à ses avocats. Brahim Chnina, dépassé, ne semble pas voir les signes que lui envoient son épouse et ses filles depuis les bancs publics. Yusuf Cinar a les joues en feu.

Aux premiers rangs, l’ex-compagne de Samuel Paty est là avec leur petit garçon Gabriel. Les parents de ce professeur de collège de Conflans-Sainte-Honorine tué le 16 octobre 2020 n’ont pas pu être présents mais Gaëlle Paty, leur fille qui venait chaque jour aux audiences pour les représenter, et Mickaëlle Paty, l’autre sœur de « Samu », prirent place.

20 heures précises. Partis délibérer jeudi vers midi, les cinq magistrats de la cour d’assises de Paris spécialement composée ont fait leur entrée. « L’audience pénale reprend. Accusez, levez-vous», ordonne le président Franck Zientara. « Voici les réponses aux questions posées… »

« Assistance active » à l’assassin

On le comprend immédiatement au constat de culpabilité : pour les quatre principaux accusés de ce procès, le tribunal a exclu toute requalification. Naïm Boudaoud, 22 ans, et Azim Epsirkhanov, 23 ans, ont été reconnus coupables de complicité d’assassinat terroriste et condamnés tous deux à 16 ans de réclusion criminelle, sans peine de sûreté, là où le parquet avait requis 14 et 16 ans avec deux sûretés. tiers pour association de malfaiteurs terroriste.

Le tribunal estime que leur complicité est « caractérisée » par une « assistance active » (apporté au terroriste Abdoullakh Anzorov18 ans, abattu par la police après son crime) en recherchant une arme de poing, en la transportant à proximité immédiate des faits.

Le tribunal estime que tous deux, poursuit le président, étaient « parfaitement conscients du radicalisme » d’Anzorov et qu’il envisageait « d’attaquer l’intégrité physique d’un tiers », même s’il n’a pas « démontré » qu’ils en étaient informés. de « son intention de tuer Samuel Paty ».

Quant au quantum, il a été pris en compte « leur jeune âge » (18 et 19 ans au moment de l’attentat), leur immaturité, l’absence de « tout radicalisme violent » et le fait qu’ils s’étaient présentés au tribunal. commissariat de police le soir même de l’attaque.

Le « rôle central » du duo derrière la « campagne de haine en ligne »

Le président revient sur le « duo » à l’origine de la « campagne de haine en ligne » contre Samuel Paty, dont il souligne « le rôle central dans la chaîne causale » qui a conduit à exposer l’enseignant à « une atteinte à son intégrité physique » même s’ils n’avaient « pas voulu une issue fatale ».

Brahim Chnina, le père de l’écolière qui a menti sur le cours du professeur d’histoire-géographie, et le militant prédicateur Abdelhakim Sefroui ont écopé respectivement de 13 ans et 15 ans de réclusion criminelle pour association de malfaiteurs terroriste (AMTC).

« Ils ont tous deux travaillé ensemble pour donner la plus large publicité à la prétendue discrimination dont auraient été victimes les (l’écolière) dans un contexte délétère lié à la réédition de caricatures (de Charlie Hebdo) », précise le magistrat.

“En désignant le professeur comme cible”, “en fournissant le nom de Samuel Paty et son lieu d’exercice professionnel”, ils ont “contribué à l’acte” d’Anzorov, devenant “son bras armé”. » C’est, pour le tribunal, « l’entente » qui caractérise l’AMTC.

Des cris et des sanglots

Sur les bancs, les cris et les sanglots de la famille de Chnina couvrent la voix du magistrat. Le président souligne par là « l’aveuglement de sa fille face au mensonge ».

Pour Sefrioui, son « ascendant » sur Chnina, son « absence de désir d’apaisement » et un comportement inscrit « dans une série d’actions virulentes voire violentes ». »

Le tribunal, poursuit Franck Zientara, a tenu compte notamment de leur manque de radicalisme violent, mais aussi, pour Sefrioui, de son âge. Elle estime qu’il n’est « pas approprié » d’interdire Chnina du territoire français en raison de son installation en à l’âge de 11 ans et de sa vie de famille – là où le parquet l’avait demandé.

Des requalifications dans le volet « jihadosphère »

Le verdict permet en revanche des reclassements concernant deux des quatre accusés de la section « jihadosphère », dont trois paraissaient libres. Yusuf Cinar, détenu depuis quatre ans, a été condamné à un an de prison pour apologie d’actes de terrorisme avec trois ans de contrôle socio-judiciaire. Priscilla Mangel à trois ans de prison avec sursis total pour provocation directe à des actes de terrorisme.

VidéoAssassinat de Samuel Paty : 8 accusés devant la cour d’assises spéciale de Paris

La qualification d’association de malfaiteurs terroriste est retenue pour Louqmane Ingar et Ismail Gamaev, qui ont échangé avec Anzorov sur un groupe Snapchat à contenu jihadiste. Les peines les concernant sont respectivement de trois ans dont deux avec sursis, et de cinq ans dont 30 mois avec sursis.

« Vous ne retournez pas en détention », explique le président à ces deux jeunes qui, depuis leur libération, ont repris leurs études. L’un d’eux, Gamaev, a décrit lors du procès le processus de sa radicalisation expresse sur Internet et son parcours de déradicalisation depuis.

« Vous avez pris une décision politique ! »

A chacun des accusés, au fur et à mesure du prononcé du verdict, le président a demandé s’il « avait compris ». Brahim Chnina secoua la tête, hébété, et le magistrat dut lui répéter la sentence. « Vous avez pris une décision politique ! », s’est exclamé Abdelhakim Sefrioui avec colère. Dès sa libération, ses avocats ont immédiatement annoncé son intention de faire appel.

Découragé, Azim Epsirkhanov n’a pas répondu, baissant le micro d’un geste accablé. Naïm Boudaoud, non plus, livide, au regard hagard. Dans la pièce, sa mère s’est effondrée en pleurant.

Ce verdict sévère, qui va au-delà des réquisitions du parquet national antiterroriste, conserve la qualification terroriste pour l’ensemble des huit accusés – tous sont également condamnés à l’inscription au FIJAT (fichier des auteurs d’infractions terroristes).

“Gabriel a compris que justice avait été rendue à son père”

Parmi les éléments de sa motivation, le président a souligné ceci : « Le tribunal s’est attaché à prendre en compte la gravité exceptionnelle des faits concernant l’assassinat d’un enseignant à la sortie de l’école. (d’un) collège par décapitation à l’aide d’une arme blanche (…). Ces faits absolument barbares constituent une atteinte irrémédiable aux valeurs de la République et de la laïcité, au sanctuaire de l’école, provoquant des troubles considérables dans le pays et plus particulièrement au sein du corps enseignant et un traumatisme définitif et durable pour la famille de Samuel. Paty, et notamment pour son fils. »

A la sortie, Me Virginie Le Roy, qui a appelé les parents de Samuel Paty pour leur annoncer le verdict, a fait part de leur « soulagement », partagé par leur fille Gaëlle : « Ce soir, justice a été rendue », a-t-elle déclaré. a-t-elle déclaré devant les caméras. “Ce soir, c’est la République qui a gagné”, a déclaré Me Thibault de Montbrial, l’avocat de Mickaëlle Paty. «Gabriel a compris que justice avait été rendue à son père», a commenté Me Francis Szpiner.

A l’inverse, l’une des avocates de Brahim Chnina, Me Louise Tort, a exprimé l’immense désarroi de son client : « Il ne comprend pas ». Mais aussi le sien : « Je suis sans voix. Je ne comprends pas où en est la justice, ni dans le verdict, ni dans le déroulement de cette audience. Je ne comprends pas comment une telle catastrophe a pu arriver. »

Les condamnés ont dix jours pour faire appel.

 
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