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Au procès Samuel Paty, un verdict retentissant contre les principaux accusés

Le président Franck Zierentara est un magistrat d’une extrême ponctualité. Il l’a montré tout au long du procès et cela a été confirmé ce soir du verdict. Comme annoncé, c’est à 20 heures précises que les cinq magistrats de la cour d’assises spéciale de Paris sont entrés dans une salle d’audience pratiquement pleine. Et dans une atmosphère de tension et de fortes incertitudes sur les sentences qui, dans quelques minutes, seront prononcées. Au premier rang du public sont assises les sœurs de Samuel Paty mais aussi son fils de neuf ans et demi avec sa mère, ancienne compagne du professeur.

Très vite, on comprend que la cour d’assises a décidé de sévir contre le principal accusé, notamment lorsque le président Zientara annonce que le « complicité d’assassinat » terroriste sera retenu contre les deux amis d’Abdoullakh Anzorov, qui a décapité Samuel Paty le 16 octobre 2020 alors qu’il sortait de son collège. Sur les bancs où sont assis leurs proches, l’émotion se fait vite sentir. Une jeune femme fond en larmes et exprime clairement son désarroi. Des applaudissements ont ensuite éclaté du fond de la salle. “C’est totalement inacceptable”gronde le président qui poursuivra toute son intervention dans une ambiance très pesante. Avec des larmes et des cris plus ou moins étouffés parmi les familles des accusés.

Des sanctions plus lourdes que les réquisitions

La plus grande incertitude concernait les peines qui seraient prononcées contre le prédicateur islamiste Abdelhakim Sefrioui, 65 ans, et Brahim Chnina, 52 ans, le père de l’écolière qui a menti au début de l’affaire. Lundi, les procureurs généraux du parquet antiterroriste avaient requis des peines de 12 ans et 10 ans contre les deux hommes avec une peine de sûreté des deux tiers. Et, alors qu’on ne s’y attendait pas vraiment, le tribunal correctionnel est allé plus loin en condamnant Abdelhakim Sefrioui à 15 ans de prison et Brahim Chnina à 13 ans. Sans toutefois prononcer de peines de sûreté.

Les deux hommes ont été jugés notamment pour avoir diffusé sur les réseaux sociaux des vidéos dans lesquelles ils s’en prenaient avec virulence à Samuel Paty après son cours où il avait présenté des caricatures du prophète Mahomet. Ce faisant, l’accusé “préparé les conditions pour commettre un acte terroriste” disent les juges. Avec ces vidéos, ils ont fait de Samuel Paty une cible, sans avoir manifesté la moindre envie. “apaisement”. Avec cette campagne, ils l’ont exposé à des risques « atteinte à son intégrité physique » même s’il “Il n’est pas démontré qu’ils souhaitaient une issue fatale.” La Cour considère également que Brahim Chnina a fait preuve “cécité” face aux mensonges de sa fille.

« As-tu compris ta douleur ? « . A la question rituelle du président, Brahim Chnina ne répond rien, à la fois hébété et dépassé. “J’ai compris… Mais tu as fait de la politique”, » dit Abdelhakim Sefrioui, aussitôt interrompu fermement par Franck Zientara.

16 ans de prison pour des amis

C’est désormais au tour des deux amis du terroriste : Azim Epsirkhanov et Naïm Boudaoud, 23 et 22 ans. Le parquet avait requis des peines de 16 et 14 ans. Le tribunal les a tous deux condamnés à 16 ans d’emprisonnement, sans leur imposer les deux tiers des peines de sûreté comme le demandait l’accusation.

Le 15 octobre 2020, Azim Epsirkhanov a d’abord tenté, en vain, de se procurer une arme à feu à la demande d’Abdoullakh Anzorov. Puis ils l’accompagnèrent tous les deux à Rouen pour acheter un couteau. Le lendemain, jour de l’attentat, Naïm Boudaoud accompagnait cet ami gênant en région parisienne. Abdoullakh Anzorov y a acquis deux pistolets à balle puis a été déposé près du collège de Samuel Paty, trois heures avant de l’assassiner. “Nous ne savions pas ce qu’il préparait” ont assuré les deux accusés à l’audience. Sans convaincre le tribunal de se montrer sévère à leur encontre.

Elle estime que les deux hommes ne pouvaient dans un premier - ignorer la radicalisation de leur ami. Ils étaient conscients que l’aide qu’ils lui apportaient, “a dû permettre une atteinte à l’intégrité physique d’un tiers”. Le tribunal estime toutefois qu’il n’a pas été démontré qu’ils “ont été informés de son intention de tuer Samuel Paty”. Les mots sont juridiquement importants. Lundi, le parquet avait en effet demandé à la cour d’assises de ne pas maintenir la charge de « complicité d’assassinat » terroriste, passible de la réclusion à perpétuité. Selon les avocats généraux, il n’a pas été possible de préciser « pour démontrer qu’ils avaient connaissance de la nature précise de l’acte. Mais là encore, le tribunal a pris le contre-pied de l’accusation en estimant queUNZim Epsirkhanov, et Naïm Boudaoud, doivent en effet être juridiquement considérés comme “complices” du terroriste.

Reste le cas des quatre derniers accusés, ceux des « jihadosphère » qui a échangé divers messages avec le terroriste avant son acte. Le parquet avait requis à leur encontre des peines allant d’un an à cinq ans, dont 18 mois avec sursis. Finalement le tribunal a prononcé à leur encontre des peines de 5 ans d’emprisonnement à 3 ans avec sursis.

Des faits « absolument barbares »

Avant de conclure, le président dresse un bilan plus général des motivations de la Cour. “Elle s’est efforcée de prendre en compte la gravité exceptionnelle des faits relatifs à l’assassinat d’un enseignant à la sortie de l’école par décapitation à l’aide d’une arme blanche (…), ceux-ci d’une barbarie absolue constituent une atteinte irrémédiable aux valeurs de la république et de la laïcité”, sur le sanctuaire de l’école, provoquant des troubles considérables dans le pays et plus particulièrement au sein du corps enseignant et un traumatisme définitif et durable, notamment pour son fils de 5 ans »

Fin du verdict. Dans la salle, les filles de Brahim Chnina sont dévastées. On ressent de la colère chez certains, de l’incompréhension chez beaucoup. L’émotion est immense chez tous les proches qui agitent la main en direction du carton. A la sortie, c’est très vite le ballet des avocats devant les micros et les caméras. Alors qu’il avait dénoncé une mise en examen “scandaleux” Lundi, Me Francis Spizner, côté parties civiles, estime sur le fond que la République est sauvée. Les avocats de la défense, les yeux rougis, s’insurgeent pour dénoncer une décision prise “pour avis” et “contre la loi”. Ensuite, Gaëlle Paty prend la parole, « Je suis ému et soulagé. Entendre ces mots « coupable » était la chose la plus importante pour moi. Et pour mes parents »a déclaré la sœur de Samuel Paty, consciente qu’il y aura un deuxième procès, Abdelhakim Sefrioui, ayant annoncé à l’audience son intention de faire appel.

 
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