Les 32es de finale de Coupe de France ce week-end apporteront leur lot de confrontations entre des grands noms de la Ligue 1 et des équipes de niveau inférieur… de plus en plus professionnelles. De quoi mettre à mal le mythe des « petits clubs amateurs ».
Ce week-end, la Coupe de France battra son plein avec son lot d’oppositions, en 32es de finale, entre les professionnels et les « petits » – ces « amateurs » issus des divisions inférieures…. qui le sont moins en moins. Et pour cause. En National 2 (niveau 4) et même jusqu’en National 3 (niveau 5), tout devient professionnel.
Finis, ou presque, ces salariés lambda qui ne pouvaient s’entraîner que le soir après le travail. La plupart des équipes vivent sur un rythme « professionnel », à l’image de Bourgoin-Jallieu, équipe de National 3 qui affronte les professionnels de Martigues (L2) ce samedi à 15h15 au stade Pierre-Rajon.
Des joueurs souvent passés par des centres de formation
Ici, dans les froids matins de décembre, pas de séances à 20 heures après une journée de travail chez un boulanger, un électricien, une entreprise de construction, dans un bureau ou après avoir parcouru des kilomètres en tant que vendeur. C’est une rencontre… dès le début de la journée.
Freddy Morel, l’entraîneur de Bourgoin, détaille une démarche qu’il a peaufinée depuis son arrivée cet été mais mise en place il y a deux saisons par son prédécesseur, Éric Guichard. “Pour le staff, cela signifie arriver assez tôt le matin, pour les joueurs une heure avant la séance, donc vers 9h30 avec une partie prévention, puis une partie vidéo pour l’équipe ou pour un groupe de joueurs”, précise-t-il. listes. « Ensuite, on continue avec la séance sur le terrain avant une période de récupération et/ou de musculation. Tout cela nous amène vers 13h30-14h, le joueur a terminé son activité.
Du côté des joueurs, souvent d’anciens apprentis footballeurs ayant passé leur adolescence dans un centre de formation, c’est le prolongement d’un rythme de vie plutôt appréciable. « En tant que père de famille, c’est certainement agréable, note Nicolas Seguin, ancien pensionnaire du centre de formation de l’OL qui a notamment évolué à La Duchère. « Cela me permet de pouvoir m’occuper de mes enfants, tout simplement. Et puis, quelque part, je reste dans un rythme que j’ai connu toute ma vie. Mon parcours de jeunesse, c’était l’OL. J’ai toujours su que s’entraîner le matin, que ce soit pour les jeunes joueurs ou les joueurs plus âgés comme moi, ça me permet de faire autre chose après, pour moi, un peu ‘vieux’, ça me permet de me multiplier. traitement avec des physiothérapeutes. pouvoir vivre du football.
Un budget de 1,3 million d’euros
Avec une conséquence pour les managers, élaborer des budgets pour répondre à ces attentes. Car cette opération pour un groupe d’une vingtaine de joueurs induit une nécessité. « Nous ne pouvons pas exiger cinq entraînements le matin des joueurs et un match le samedi et ne rien donner en compensation aux joueurs. Cela n’existe pas, ce n’est pas possible”, constate Djemal Kolver, le président du club qui réfute pourtant l’idée de cette “professionnalisation”.
« Oui, nous sommes devenus semi-professionnels, on peut le dire. Mais nous sommes plus des semi-amateurs que des semi-professionnels », ajoute-t-il.
Quelle que soit la formulation, le cœur du problème reste « le budget, bien sûr », estime le dynamique président berjallien. « Quand on s’entraîne le matin et non plus le soir comme avant, forcément, on est obligé de compenser que ce soit des salariés, des apprentissages ou autre. Ils ont besoin de ça pour vivre car s’ils s’entraînent le matin, c’est « qu’ils ne peuvent pas travailler la journée ».
Alors combien ? « La section, l’équipe première et le staff, ça fait la moitié du budget », reconnaît le manager sans aller plus loin. « On ne va pas entrer dans les chiffres, c’est un match de Coupe de France, on va parler de passion. C’est assez important. La rumeur court que le budget du club, de ses 630 adhérents et 40 éducateurs s’élève à 1,3 million d’euros (dont 7% provenant de la billetterie). Et donc, près de 600 000 pour l’équipe « fanion », comme on dit dans les milieux amateurs. Pour cela, il faut disposer d’une équipe de managers bien construite autour d’un directeur général, d’un responsable marketing et d’un autre pour les ventes, sans oublier tous les bénévoles « dont le président », note Djemal Kolver.
Reste que le modèle est fragile avec pas d’entrée des droits TV, des aides minimes de la FFF (environ 45 000 euros pour les clubs de N2 et N3, qui payent… l’aller, mais pas le retour) et de - en - des indemnités de formation. pour les joueurs du club transférés d’un club professionnel français à l’étranger. Ce fut le cas de Georges Mikautadze, 140 000 euros pour St Priest (N2) lorsqu’il signait à l’Ajax ou encore pour Nabil Fekir et Vaulx-en-Velin au moment de son transfert à Séville. Mais pas Amine Gouiri, qui a fait ses premiers pas à Bourgoin et est ensuite resté « uniquement en France », de l’OL à Nice puis à Rennes.
Salaires entre 1800 et 2300 euros net mensuel
Rémunération des joueurs ? En moyenne entre 1800 et 2300 euros net par mois en région lyonnaise, sans forcément d’appartement ni de voiture de société. Autre centre de coûts important : les salaires du personnel, en grand nombre. L’autre conséquence de cette semi-professionnalisation.
Car les joueurs s’entraînent (presque) dans des conditions professionnelles : avec des analystes vidéo (gilets GPS sur chaque joueur), un entraîneur adjoint, un pour les gardiens, deux préparateurs physiques (dont un pour gérer les retours de blessures), des heures de kiné et même la présence, lundi matin au club, d’un médecin pour gérer les bobos “au travail”.
Au total, neuf personnes travaillent la semaine, dont six en présentiel et au quotidien. Le travail de l’entraîneur change complètement, même à ce niveau (National 3). « Il faut en tout cas fonctionner comme un club professionnel, pour essayer d’optimiser tout ce qu’on peut faire à l’intérieur du club », note Freddy Morel, l’entraîneur. « Nous avons certaines limites, elles peuvent être structurelles, financières, aussi sur la disponibilité des personnes qui sont dans le projet. Mais l’idée, en tout cas, c’est d’optimiser tout ça et d’être en mouvement de manière permanente pour faire avancer le club. »
Bourgoin-Jallieu, l’année dernière en N2, est-il un cas isolé ? Dans la métropole lyonnaise, tout le monde tend à suivre ce schéma, avec des variations selon la puissance financière des partenaires locaux (Bourgoin en compte 250). Une tendance accentuée par la refonte des championnats, conséquence de la montée à 18 clubs dans les trois premiers échelons nationaux, qui s’est accompagnée d’une réduction drastique du nombre d’équipes en N2 et N3.
« Ce mouvement fait qu’il y a de plus en plus de joueurs qui ont évolué dans des clubs professionnels, ils ont donc les mêmes exigences de travail que le niveau qu’ils ont pu atteindre », note Freddy Morel. « Alors, pour attirer déjà des joueurs influents dans l’équipe, il faut proposer un cadre qui soit stimulant. Et le deuxième, avant tout, c’est l’exigence du niveau. Anciennement « CFA2, CFA », il y avait une diversité d’acteurs avec des formats de joueurs simplement engagés et généreux. Ils ont réussi à exister. Aujourd’hui, les facteurs de performance sont bien plus nombreux.
« Le joueur, pour performer dans la durée, doit s’entraîner comme un pro », dit-il.
Tous les joueurs ont un agent
Question alors, le monde amateur est-il en train de perdre son… âme d’amateur ? Car désormais à ce niveau, tous les joueurs ont un agent. « Le joueur a de plus en plus d’ambitions, tape Freddy Morel. Parfois, c’est au détriment de l’amour de son club ou du passage d’un club unique. Son président insiste. « Non, c’est justement ce que nous essayons de garder », explique Djemal Kolver. « Quand on a un mercato, on essaie de recruter des « régionaux » et je recrute d’abord des gens. Il y a certaines valeurs que nous recherchons. Si quand je parle avec le joueur, il évoque immédiatement l’argent, ça s’arrête. S’il me parle d’infrastructure, du projet, de qui va jouer avec lui, du coach, du projet de jeu, de nos valeurs, alors je commence à m’intéresser de plus en plus à lui.
Nicolas Seguin y voit un lien, un plaisir. « Quand j’entends « amateur », j’entends « plaisir ». Aujourd’hui, quand je viens à l’entraînement, c’est pour voir mes amis, c’est pour jouer au ballon. Je pense que nous nous levons tous encore avec le sourire aux lèvres quand nous savons que nous allons jouer au football. C’est avant tout notre passion. C’est vraiment le plaisir avant tout.
C’est aussi une question de génération, explique le technicien Freddy Morel, qui depuis 2010 et ses passages dans l’Ain, Aurillac et en Corse, a vu une évolution XXL dans son travail. “Nous sommes passés du ‘faire tout’ au ‘faire en sorte que tout soit fait’, c’est-à-dire du moment où j’ai commencé seul dans la région jusqu’à aujourd’hui avec des tâches réparties entre plusieurs adjoints.”
Une évolution sans retour
Pourrait-il travailler avec un seul adjoint aujourd’hui à ce niveau ? « Non, coupe-t-il. Notre posture a évolué tout comme l’aspect managérial. Tout est lié. La mission un peu directive du coach d’avant, qui contrôle tout, qui décide de tout, est terminée. Cela peut fonctionner ponctuellement, mais dans la durée, cela ne fonctionne plus. Il faut s’efforcer de prendre de la hauteur auprès des joueurs. Cela ne fonctionne plus. Aujourd’hui, il faut déléguer. des compétences qu’on ne maîtrise pas et faire confiance aux personnes qui veulent et peuvent rejoindre notre staff et je pense que la manière de déléguer, la manière de s’entourer se reflète aussi sur le groupe, et faire confiance vaut mieux que d’avoir peur. de tout le monde.
La machine ne reviendra pas en arrière, juge Freddy Morel. « C’est aussi une évolution qu’a apporté le football avec le développement des compétences, l’évolution des paramètres sur la vidéo, sur la préparation physique, sur la préparation mentale. Et finalement, c’est une dynamique qui s’installe. Ce n’est pas le cas, je n’y retournerai pas, je ne pense pas.
Est-ce que cela élève le niveau sportif ? « Je suis convaincu que ce rythme est quand même plus adapté que l’entraînement du soir à 20 heures après que chacun ait accompli sa journée de travail. Je pense que qualitativement, c’est quand même plus agréable. Et je pense que nous travaillons toujours mieux lorsque nous nous entraînons le matin. C’est toujours royal. On peut pousser plus loin dans notre préparation qu’avec un programme d’entraînement en soirée.
Reste à savoir si cette quasi-professionnalisation permettra aux amateurs de faire tomber les pros… L’année dernière, seules deux équipes avaient réussi cet exploit lors des 32es de finale de Coupe de France.
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