Zorro est un personnage qui a captivé plusieurs générations depuis 1919. Le justicier masqué a-t-il une place à part dans votre vie ?
Absolument. C’est ma première relation avec un super-héros. Je suis tombé de - en - sur la série de Guy Williams à la télé et j’en garde un très bon souvenir. Je me souviens encore de cette incroyable cascade où Zorro a sauté par la fenêtre et a atterri – sans se blesser – sur son cheval qui l’attendait en contrebas. Cela m’a époustouflé.
Ce mois-ci, Zorro revient sur France 2 avec une série imaginée par Benjamin Charbit, et dans laquelle vous incarnez Gabriella de la Vega. En quoi cette production diffère-t-elle des autres ?
Cette série est résolument moderne. Il traite de sujets contemporains et le rapport au féminin est étonnant par rapport à cet univers. Gabriella a une place vraiment importante et je pense que c’est l’un des plus beaux rôles que j’ai jamais joué. Quand on pense à Zorroon pense aux gars du coin, et pas du tout aux femmes. Hormis Catherine Zeta-Jones [dans Le masque de Zorro en 1998, ndlr]ils n’existent pas. Cette nouvelle adaptation aborde également des thèmes pertinents, comme le masculin et la dualité.
Diriez-vous que cette version est plus engagée que les précédentes ?
Ce Zorro est féministe et engagée. La série raconte l’histoire telle qu’elle s’est réellement produite, c’est-à-dire que nous, les colons, avons pris les terres des gens qui y vivaient, les avons expulsés et les avons payés avec de l’alcool pour les asservir. C’est toute la vraie histoire. Il y a quelque chose de profondément engageant, sous couvert d’immense divertissement familial. Il y a une promesse de rire, de se détendre et, en même -, d’aller au fond de ces sujets importants qui comptent pour notre société d’aujourd’hui.
Peut-on dire que cette nouvelle adaptation prend aussi les traits d’une comédie romantique, avec un triangle amoureux qui n’en est pas vraiment un ?
Complètement, c’est le vaudeville de cette histoire ! On assiste à un triangle amoureux à deux (rires) ! La relation de Don Diego avec sa femme et la relation de sa femme avec Zorro sont au cœur de l’intrigue. Le cœur de Gabriella balance entre deux hommes qui sont en réalité la même personne… Si le couple est mis en avant, c’est aussi parce qu’il est l’un de nos principaux centres d’intérêt.
La série parle en effet de l’usure du couple, qui est finalement un sujet universel, auquel chacun peut s’identifier…
Le thème du - qui passe est clairement au centre de cette adaptation. Il y a la question du couple, mais aussi celle de l’homme. Vingt ans plus tard, Zorro reprend la cape et l’épée, mais il n’est plus aussi habile qu’avant. Il retrouvera sa verve et sa passion, mais on y voit un héros vieillissant qui vit avec le fantôme de son père.
On peut voir dans cette dernière une représentation du poids du patriarcat sur les épaules des hommes – car ce ne sont pas seulement les femmes qui en souffrent. Il a été brisé par son père qui n’a jamais cru en lui et ne l’a jamais soutenu. D’où la double personnalité. Derrière le masque, on retrouve effectivement un homme qui connaît des problèmes dans son couple, qui voit le - passer et qui s’interroge sur sa place dans le monde. Autant de thématiques résolument modernes qui nous interrogent tous.
J’ai été un peu inspiré par Scarlett O’Hara et cette époque deAutant en emporte le vent. Compte tenu de la maigre histoire des personnages féminins dans ZorroJe n’avais pas vraiment de références, alors je me suis plutôt tourné vers l’aristocratie – voire vers mes ancêtres – pour avoir cette tenue et cette façon de parler qui ne sont pas celles d’aujourd’hui.
J’ai aussi eu une énorme préparation physique, car la série a duré cinq mois à tourner. Il y avait des scènes de combat à l’épée et d’équitation, il fallait donc être fort, être à l’aise sur un cheval pendant le tournage, apprendre la chorégraphie et être solide. Je me suis préparé intensément avec un coach pour rester debout et en un seul morceau tout au long, et avoir l’endurance pour ces huit épisodes. (rires). C’était une grosse préparation !
Qu’avez-vous ressenti en incarnant cette héroïne complexe ?
C’était très agréable de jouer cette femme. La série se déroule à une époque où les figures féminines avaient encore moins de place qu’aujourd’hui dans la société. C’étaient « les épouses de » ou « les mères de ». C’est tout. Gabriella n’a pas réussi à avoir d’enfants avec son petit ami, donc elle n’est même pas mère, c’est une aristocrate, donc elle ne s’occupe pas de la maison… C’est vraiment une femme qui est coincée dans quelque chose qui ne lui convient pas. . Elle pense qu’elle veut des enfants, mais en réalité, elle a soif d’aventure.
Ce qui était formidable, c’était de sortir de ce confinement pour aller vers le chemin de la liberté, de l’affirmation de soi, de la justice et de la folie qui dormait chez toutes les femmes de cette époque. Ce n’est pas parce qu’ils n’avaient pas d’espace pour s’exprimer que cela n’était pas quelque part en eux. Il était agréable de déployer ce feu d’artifice intérieur à une époque où les femmes n’avaient pas le droit de l’exprimer.
Vous reconnaissez-vous en elle ?
Beaucoup. Nous sommes tous les deux passionnés, nous aimons l’aventure, nous aimons les hommes… J’ai un sens de la justice très fort et je crois que c’est commun à Gabriella. Et surtout, je ne m’installe pas dans le quotidien.
Comme vous l’avez dit, la préparation de ce tournage a été intense. Quels sont les pires et les meilleurs souvenirs que vous gardez de cette expérience ?
Le pire c’est clairement les répétitions avec Jean [Dujardin, ndlr] dès que j’avais une épée dans les mains. Il paniquait, il paniquait, il paniquait ! Il a raison, un accident arrive très vite. Lorsque nous aurons devant nous un véritable épéiste ou cascadeur, il veillera à danser avec notre manque d’expérience pour porter les coups comme s’ils étaient les bons. C’est beaucoup plus facile de faire ces scènes avec eux, donc j’avais l’impression que je ne m’en sortais pas trop mal.
Mais quand j’étais avec Jean, je n’avais plus confiance en moi du tout. Il paniquait parce qu’il ne pouvait pas contrecarrer mes erreurs et moi les siennes. Mais quand votre partenaire a peur, vous vous dites que vous allez vous tromper. D’ailleurs, je lui ai donné un coup de coude pendant les répétitions, lors de mes premiers rôles. Il a eu un œuf dans la bouche pendant trois semaines, donc à chaque fois que je faisais cette cascade, je voyais dans ses yeux l’instinct de protection des animaux. (rires) ! C’était effrayant, alors à un moment donné, je lui ai dit : “Il faut me faire confiance, sinon je n’y arriverai pas.”
J’avais tellement envie d’être à l’aise pendant les scènes et j’avais tellement peur de lui faire du mal que j’ai répété toutes ces séquences dans ma tête. Finalement, j’ai appris cette information – qui est scientifiquement prouvée : le cerveau ne fait pas de différence entre ce que l’on imagine et ce que l’on fait « pour de vrai ».
Je pouvais donc répéter mon combat à l’épée dans ma tête pour m’entraîner. Grâce à la visualisation, j’ai fini par réussir ces chorégraphies difficiles. Quand tu as fini ta scène, tu n’as blessé personne et ton partenaire te le dit “C’était cool, Audrey, on l’a fait !”alors qu’en gros il se disait “J’aime l’actrice, mais je ne suis pas sûr pour la cascadeuse” c’est sympa.
Et le meilleur souvenir ?
En cinq mois de tournage, j’ai vécu tellement de moments joyeux… Il y a ceux des grandes scènes mélodramatiques où on finit par se dire que c’était cool, il y a ceux des grands moments de comédie, de toute cette partie de vaudeville qui C’était absolument délicieux à vivre, il y en a des épiques – on a eu une tempête de sable avec André Dussollier qui ne voulait pas qu’on coupe et qui a dit : « Wow, la magie du cinéma ! -, il y a aussi d’autres moments où il est censé pleuvoir, on se dit que ça va être une catastrophe, mais le ciel est bleu et tout va bien, et on se dit que l’univers est avec nous ; il y a des cascades qu’on arrive à réaliser et on est content du travail… Mais je pense que le plus grand souvenir c’est la fin.
Nous avons tourné le final au cours des deux derniers jours de tournage et l’enjeu était énorme, puisqu’il y avait un combat, une résolution et beaucoup de figurants. Si nous l’avons raté, nous avons tout raté. On a fini sur une scène essentielle et on a ressenti beaucoup de bonheur en se disant : “Ça y est, c’est fini et nous sommes tous en un seul morceau, personne n’a été blessé.” Nous avions une petite marge d’erreur, donc c’était un vrai soulagement d’arriver au bout.
Zorro était l’une des séries les plus attendues de 2024. Quelles sont les autres œuvres qui ont marqué votre année ?
J’ai été très très très surpris et confus par Mon petit renne. J’ai adoré cette série, son traitement du déni et de ce traumatisme qu’on garde au plus profond de nous, et qui revient nous mordre tant qu’on n’y fait pas face. Sous couvert d’une sorte de comédie délirante, déjantée, étonnante, atypique, avec des personnages passionnants, cette œuvre nous fait grandir. C’est une série de guérison. D’un autre côté, j’ai adoré Le chemin de l’olivierune production turque qui fait aussi partie de ces spectacles qui nous font grandir.
Nous ne sommes qu’à quelques jours de la nouvelle année. Que souhaitez-vous pour 2025 ?
Je souhaite m’épanouir et créer avec sens, que ce soit en tant qu’actrice, réalisatrice ou auteure. Et plantez des arbres.
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