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comment ce procès hors du commun a changé la société française

l’essentiel
Une victime, Gisèle Pelicot, devenue une icône féministe internationale, ses bourreaux, une cinquantaine de « gentlemen du quotidien », qui pourraient tous finir en prison, et un débat de société sur les relations entre hommes et femmes : le procès pour viol de Mazan, dont le verdict est attendu jeudi, est déjà entré dans l’histoire.

Seul un immense acte de courage pourrait répondre à l’horreur des crimes commis pendant une décennie ; seule une détermination farouche à faire changer de camp la honte pourrait ébranler la société française où persistait et persiste encore une insupportable culture du viol. Gisèle Pelicot a osé cet acte d’un courage incroyable, elle, la victime dont le mari Dominique l’a droguée pendant dix ans et l’a fait violer par des dizaines d’hommes dans leur maison de Mazan.

Dès le premier jour de ce procès extraordinaire au tribunal correctionnel du Vaucluse, à Avignon, le 2 septembre, devant lequel ont comparu 50 hommes et son mari Dominique, Gisèle Pelicot – une silhouette fine et digne, des lunettes de soleil et un carré auburn impeccable – a décidé de refuser le procès. séance à huis clos. Par ce geste éminemment politique que le parquet et plusieurs avocats de la défense lui ont déconseillé de poser, Gisèle Pelicot a marqué son empreinte et acquis le statut d’icône féministe en et dans le monde – son visage est devenu un symbole des luttes contre les inégalités de genre. et les violences sexuelles. Refuser le huis clos ? Pour que « la honte change de camp », « pour que toutes les femmes victimes de viol disent Madame Pelicot l’a fait, nous pouvons le faire », explique-t-elle.

Voir le viol en face

La publicité des débats et donc le visionnage des vidéos des viols, que Dominique Pelicot a minutieusement prises, ont semblé débloquer quelque chose. Voir face à face l’horreur du viol, si angoissantes soient les images – de nombreux journalistes en ont témoigné –, voir cette sorte de « banalité du mal » dont parlait la philosophe Hannah Arendt, car les bourreaux de Gisèle Pelicot, cagoulés et masqués leurs bancs étaient « tout le monde ».

Gisèle Pélicot.
AFP

L’absence de huis clos a évidemment fait basculer le procès dans une autre dimension. Il y a eu les audiences du tribunal, qui ont attiré chaque jour un public nombreux, des militants associatifs qui ont fait une haie d’honneur à Gisèle Pelicot lors de ses arrivées et départs, et des médias du monde entier – 166 accrédités, dont 76 étrangers.

Mais le procès s’est poursuivi en dehors de la salle d’audience, interrogeant l’ensemble de la société. Les réseaux sociaux se sont enthousiasmés par cette affaire. Des hommes politiques, des avocats et des intellectuels prennent position dans la presse et à la télévision. L’affaire Pélicot est ainsi devenue emblématique du fléau des violences sexuelles, de la soumission chimique encore trop méconnue, notamment au sein des couples, ou encore de la question du consentement, dont l’inscription dans le droit français fait débat.

Il y a eu des chroniqueurs enfermés dans un déni masculiniste d’un autre - et toujours prompts à trouver des excuses aux violeurs. Sur les réseaux sociaux, ceux-ci et d’autres ont tenté d’imposer l’idée que tous les hommes ne sont pas des violeurs (#Notallmen). Certes, mais tous les violeurs sont bien des hommes dans une société patriarcale et ces arguments nauséabonds ont été balayés par la prise de conscience très large d’une majorité d’hommes.

“On se souviendra de Madame Pélicot, pas de Monsieur”

Le refus du huis clos place Gisèle Pelicot au centre du procès, mais aussi ses trois enfants et ses sept petits-enfants qui renoncent alors officiellement à leur anonymat au nom d’une cause plus grande qu’eux-mêmes. « On se souviendra de Madame Pélicot, pas de monsieur. Je veux que mes petits-enfants n’aient pas honte de porter ce prénom», explique celle que beaucoup appellent Gisèle.

En toute retenue, la septuagénaire, qui se dresse à chaque audience devant l’accusé, assume peu à peu son nouveau statut d’égérie féministe. Mais si « la façade est solide, l’intérieur est un champ de ruines », confie-t-elle. “Héroïne des femmes du monde entier”, selon l’hebdomadaire allemand Le miroir« héroïne féministe » pour New York TimesGisèle Pelicot figure par la BBC dans son classement des 100 femmes les plus influentes au monde.

Gisèle Pélicot.
AFP

Au fil des audiences, d’une voix nonchalante et obséquieuse, Dominique Pelicot révèle sa vérité, accusant ses 50 coaccusés, âgés entre 27 et 74 ans : “tous savaient” que sa femme était sous sédatifs et que donc “il s’agissait de viol, » affirme-t-il, voulant ne pas tomber seul. Les coaccusés aux profils si divers, si banals, se perdent dans des explications confuses et un déni qui ne résiste pas aux vidéos et photos accablantes.

Un « testament pour les générations futures »

Après deux jours et demi de réquisitions fin novembre, les deux procureurs généraux ont exigé la condamnation des 51 accusés : entre 10 et 18 ans de prison pour 49 d’entre eux, la peine maximale possible de 20 ans pour Dominique Pelicot. Le futur verdict constituera “un message d’espoir aux victimes de violences sexuelles”, assure Laure Chabaud, mais aussi un guide “dans l’éducation de nos fils, car c’est par l’éducation que s’opérera le changement” pour “une politique collective, sociétale”. conscience”.

Pour l’accusation, ce “testament pour les générations futures” rendra “une part de son humanité volée à Gisèle Pélicot” et marchera sur les traces d’une autre Gisèle, M.e Halimi, l’avocat qui, lors du procès pour viol d’Aix-en-Provence en 1978, a permis que cette agression soit reconnue comme un crime. 46 ans après, Gisèle Pelicot mais aussi une majorité de femmes et d’hommes qui la soutiennent, attendent ce jeudi un verdict exemplaire, digne de ce procès historique qui a changé la France.

 
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