Comment s’organisent les secours dans l’archipel de Mayotte dévasté par le cyclone Chido ? Entretien avec le colonel Alexandre Jouassad, porte-parole de la Sécurité civile en France et chef adjoint du Centre opérationnel interministériel de gestion des crises (Cogic).
Quelle est la situation actuellement à Mayotte ?
C’est une catastrophe de très grande ampleur, nos équipes sont confrontées à un spectacle de catastrophe, des images très difficiles à voir.
Nous avons entamé une première phase de reconnaissance qui a été rendue possible car nous avions anticipé le risque, 110 secouristes et pompiers ont vécu le passage du cyclone aux côtés de la population et ont donc pu intervenir très rapidement et nous donner de précieuses informations.
Nous engageons massivement des moyens supplémentaires, nous utilisons le pont aérien mis en place entre La Réunion et Mayotte pour arriver sur place. D’ici trois à quatre jours, 800 personnes seront sur place pour mener trois grandes missions. D’abord, aidez les gens. Il y a potentiellement encore des gens sous les décombres. Deuxièmement, transmettez de la nourriture et de l’eau.
Troisièmement, rassembler les blessés. C’est pourquoi nous avons envoyé depuis Nîmes l’hôpital Escrim (Élément Rapide de Sécurité Civile d’Intervention Médicale), avec du personnel aguerri, infirmiers, médecins, pompiers, secouristes, qui saura accueillir la population. Bon nombre d’équipes viennent de cette région, mais nous avons des renforts qui arrivent de partout.
Nous essayons aussi de recréer au plus vite une accessibilité maximale sur l’île, il y a des tas de débris partout, des arbres coupés, on ne peut pas faire 500 mètres sans avoir du mal à progresser. Nous avons envoyé des moyens spécialisés pour forer et découper les détritus et les structures qui jonchent les routes. Le port a été impacté mais reste fonctionnel, il pourra accueillir de gros bateaux.
L’aéroport a également été touché, notamment la tour de contrôle, mais nous avons pu l’utiliser très rapidement. Par ailleurs, le premier avion ayant pu atterrir à Mayotte était un dispositif de sécurité civile initialement présent à La Réunion pour éteindre les incendies de forêt. Il a été reconditionné pour transporter du personnel et du fret avant le cyclone. Nous espérons pouvoir utiliser l’aéroport de jour comme de nuit, pour l’instant c’est uniquement de jour, cela limite nos rotations.
Nous avons également envoyé du personnel pour aider les autorités à bien fonctionner et à se coordonner pendant cette période.
Votre première mission est d’essayer de retrouver des survivants, comment procédez-vous concrètement ?
La première chose est de reconnaître les zones les plus à risque. Nous nous appuyons sur des drones et des images satellite. Nous avons activé Copernicus, grâce au mécanisme européen de protection civile. C’est un satellite qui nous a permis de cartographier l’île avant et après la catastrophe.
C’est très précieux pour les équipes sur place, puisque cela leur permet de savoir où elles vont planifier, quel quartier n’a pas encore pu être visité, avant de passer au suivant.
C’est un vrai travail de minutie et c’est une course contre la montre, les premières heures sont précieuses, si des personnes sont gravement blessées, ou entre la vie et la mort et doivent être sauvées, c’est maintenant que ça se passe. passer. Nos équipes sont pleinement mobilisées sur cette mission.
Combien de - avez-vous l’espoir de retrouver des survivants ?
Plusieurs jours D’après les expériences que nous avons vécues, que ce soit en Haïti, ou lors d’autres catastrophes, les personnes piégées peuvent rester en vie plusieurs jours si elles ont de l’eau à proximité. Nous avons cet espoir.
Le taux de survie dépend aussi de l’organisation mise en place au moment, ou avant le passage du cyclone. Les gens se sont peut-être rassemblés dans des zones abritées mais sont incapables de communiquer. La configuration est très compliquée à Mayotte, contrairement à Saint-Martin lors du passage de l’ouragan Irma (en 2017), il y avait, cette fois, très peu de structures permanentes. Ces habitations légères de Mayotte étaient déjà à risque élevé avec des vents soufflant entre 130 et 140 km/h. Donc avec des vents de 220 km/h, ils n’ont pas tenu quelques minutes.
Aucun bilan n’est possible à ce stade, peut-on craindre des centaines, voire des milliers de morts, comme l’envisagent les autorités préfectorales ?
C’est trop compliqué pour nous de nous positionner sur le bilan. D’abord parce que l’on sait par expérience que les chiffres évoqués dans les premiers jours peuvent évoluer à la hausse, puis à la baisse. Nous préférons avoir des éléments clairs, sur lesquels nous avons des certitudes.
D’un autre côté, la majorité de la population de l’île est musulmane et a pour tradition d’enterrer les morts 24 heures après leur décès. Dans certains villages, des victimes ont déjà été enterrées sans que nous en ayons l’information. Et les forces sont actuellement totalement concentrées sur les espoirs de survie et le travail qui doit être fait pour préserver les vies humaines. Pour les évaluations, il faudra encore attendre quelques jours.
Comment la population de Mayotte vit-elle ce drame ?
La population est résiliente car le territoire de Mayotte a déjà été fortement impacté par d’autres catastrophes, notamment la crise de l’eau l’année dernière, lors de laquelle nous avons fait le nécessaire pour la distribuer à l’ensemble de la population. . Il y eut alors une épidémie de choléra sur l’île. C’est une population qui a malheureusement été marquée par plusieurs catastrophes ou plusieurs drames successifs et qui est habituée à voir des sauveteurs.
Il faut désormais reconstruire, avancer et nous avons des témoignages poignants d’habitants de Mayotte qui n’ont plus rien, mais qui veulent se tourner vers l’avenir. Mais pour certains c’est aussi un état de sidération, tout est dévasté, les maisons ont été emportées par le vent. Alors évidemment, on a une partie de la population qui, peut-être, n’est pas touchée dans sa chair, mais qui le est au niveau psychologique. Cela sera pris en compte dans les mois et années à venir.
Comment est pris en compte le risque sanitaire et épidémique ?
Il s’agit d’un risque qui existait avant le passage du cyclone et qui est aujourd’hui renforcé. La cellule de crise internationale a été activée à cet effet, tous les ministères et directions générales dialoguent et se coordonnent pour faire face aux nombreux défis soulevés par cette crise.
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