Que saviez-vous de Sarah Bernhardt avant de l’incarner ?
Sandrine Kiberlain: « J’avais en tête une femme caricaturale, une tragédienne qui déclame. J’ai découvert une femme en avance sur son -, courageuse, généreuse, politiquement, amoureuse et amicale. C’était une artiste touche-à-tout, elle sculptait, peignait. Et le film lui ressemble, c’est un tourbillon, une invention, un parfum d’elle. Je suis tombé amoureux de sa force de vie, de son caractère, de sa modernité. C’est elle qui détermine sa vie. Elle gère beaucoup de choses. Parfois, elle fatigue tout le monde. Sa déception amoureuse lui apporte une soudaine fragilité, qui contrebalance peut-être le fait qu’elle ait été dépassée par son succès disproportionné. »
On dit d’elle qu’elle était une sorte d’influenceuse de son époque ? D’ailleurs, Cocteau a inventé à son sujet l’expression de « monstre sacré »…
« Elle est la première grande star mondiale à faire de la publicité à son nom, à vendre du savon Sarah Bernhardt et des cigares Sarah Bernhardt. Elle était incroyable. Pour l’époque, c’était fou. Et Guillaume Nicloux a réussi le tour de force de nous emmener dans sa vie flamboyante, dans son époque, ses décors, ses costumes majestueux à cols montants qui lui donnent une allure de reine, qu’a créés Anaïs Romand. Sarah Bernhardt dépensait beaucoup, folle de la beauté des choses. »
«Nous ne pouvons pas contourner Sarah Bernhardt sur la pointe des pieds»
Comment capturer une personnalité aussi forte sans vaciller ?
« Je ne me suis jamais assis pendant le tournage, car le film s’est fait très rapidement. On ne peut pas jouer Sarah Bernhardt sur la pointe des pieds : il faut entrer dans son monde, ses amis, ses amants, ses animaux sauvages, ses cercueils dans lesquels elle répète. Il faut entrer dans sa folie. Et je suis entré sur le plateau comme une bague. Elle ne s’arrête jamais, vit nuit et jour. Elle dormait peu, elle vivait vite et durement, elle rattrapait une enfance trop dure, elle voulait être aimée de manière multipliée, extrême en tout. »
Le mouvement perpétuel de Sarah Bernhardt insuffle-t-il une énergie particulière ?
« C’est un rôle inspirant, qui nécessite d’aborder plusieurs registres. J’ai lâché les chevaux, j’étais chargé de plein de choses que j’avais lu, du texte que j’avais tant appris, pendant deux mois. On ne peut pas improviser des répliques aussi fulgurantes que celles de Sarah Bernhardt, il faut les connaître parfaitement, trouver sa vérité et lâcher prise dès l’instant où l’on dit « moteur, action ». En quittant ce rôle, je me suis senti soulagé de cette passion, de cette énergie qui m’a porté pendant plusieurs semaines. »
“Le rire est la liberté, nous ne pouvons pas le contrôler, comme les larmes, et elle, Sarah Bernhardt, n’a jamais eu le contrôle”
Était-ce une manière habituelle de travailler sur un texte ou ce projet avait-il des exigences particulières ?
« Il ne s’agissait pas seulement de jouer un rôle, mais de respecter des lignes qui appartiennent véritablement à Sarah Bernhardt, qu’il n’était pas question de trahir. Il y a aussi une forme à préserver, une cohérence qui englobe tout : les costumes, la coiffure, les décors, l’ambiance. Par exemple, il y a ces oiseaux qui volent pendant que je parle, ce qui ancre encore plus le personnage dans son univers, qui reflète sa personnalité. Cet environnement m’a beaucoup aidé à retrouver l’exubérance de cette femme. »
D’où vient le rire extraordinaire que vous avez trouvé en lui ?
« Un jour, ce rire est sorti. Je ne sais pas comment. Cela est venu comme le reste, l’approche, la voix, dans la justesse de ce que j’imaginais d’elle. Françoise Sagan a écrit une biographie sous forme de dialogues fictionnels avec Sarah Bernhard, intitulée Le rire incassable. Le rire est liberté, nous ne pouvons pas le contrôler, comme les larmes, et elle, Sarah Bernhardt, n’a jamais eu le contrôle. »
Sarah Bernhardt, la Divine de Guillaume Nicloux, en salles ce mercredi 18 décembre. Durée : 1 heure 38 minutes.
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