Reconnu coupable d’avoir bâti un système de prélèvements bancaires abusifs, le courtier d’assurance a également été condamné à une amende de 300 000 euros. Il devra également indemniser les victimes. Ses biens immobiliers ont été saisis.
Épilogue d’un procès extraordinaire. Le tribunal correctionnel de Paris a condamné Sadri Fegaier, l’ancien PDG drômois de SFAM-Indexia, à deux ans de prison – la peine maximale – dont 16 mois et 300 000 euros d’amende, ce mardi matin, pour pratiques commerciales trompeuses. L’exécution provisoire de la peine n’a pas été retenue, comme le demandait le parquet.
Sadri Fegaier devra également indemniser les victimes et rembourser le trésor public. Son luxueux haras des Ratières, ainsi que deux propriétés situées à Clérieux et Peyrins, dans la Drôme, ont été saisis par la justice. Six des sociétés de son groupe de courtage en assurances de Romans-sur-Isère – SARL SFK Group, SFAM Celside Insurance, Foriou, Cyrana, Hubside, Serena – devront payer des amendes allant de 150 000 à 1,5 million d’euros.
Au total, près de 2.000 parties civiles accusent Sadri Fegaier d’avoir, depuis près de 10 ans, bâti un système de prélèvements bancaires abusifs via des contrats d’assurance pour objets multimédias, utilisant notamment une procédure complexe pour décourager les licenciements. Certains ont été facturés plusieurs milliers d’euros. Lors de l’audience fin septembre, plusieurs victimes sont montées à la barre les unes après les autres pour raconter ces ponctions sauvages sur leurs comptes, pendant des années pour certaines, et parfois plusieurs fois dans le même mois. Angoissés, surendettés, ils s’étaient lancés dans une bataille épuisante pour mettre fin à leur contrat via les conseillers téléphoniques de Sadri Fegaier. En vain.
Ces dernières années, l’escroquerie a épuisé les victimes au point de prendre une tournure plus violente. En mars 2023, un client usurpé est filmé par un employé en train de saccager le magasin Hubside de Romans-sur-Isère. Et quelques mois plus tard, en novembre, un autre s’est présenté devant le siège social avec un bidon d’essence à la main, menaçant de s’immoler par le feu s’il n’était pas remboursé.
« Omniprésent » dans les décisions
«Sadri Fegaier n’avait rien d’un chef d’entreprise stratégique qui se trouvait au-dessus de la mêlée. Il a été alerté personnellement, très sérieusement, par différents canaux, dès 2016. Il n’a pris aucune mesure corrective. » de nombreuses réclamations, ont motivé le tribunal dans son jugement, dessinant les contours d’un dirigeant “omniprésent” à tous les niveaux décisionnels, même les plus juniors.
Après une première amende de 10 millions d’euros de la DGCCRF en 2019, « le groupe a poursuivi ses pratiques en les multipliant et en les diversifiant »a expliqué le tribunal. « Aucune remise en cause de cette trajectoire délinquante n’a jamais eu lieu. Il atteste d’un fonctionnement pathologique” entreprises, a-t-il expliqué, avant de souligner que les dommages dans cette affaire « dépassent largement les montants observés dans d’autres cas de pratiques commerciales trompeuses ».
Nous venons de poser la première pierre de l’édifice
Me Emma Leoty, avocate des 700 victimes de SFAM-Indexia
«C’est une décision exemplaire qui a été prise»accueilli Me Emma Leoty, entourée de quelques-uns de ses clients usurpés – l’avocat en défend près de 700. « Nous venons de poser la première pierre du bâtiment. Le chemin est encore long, Sadri Fegaier fera sûrement appel. Mais nous sommes face à une société (SFAM) qui est en liquidation, et un prévenu qui ne parle pas » elle a expliqué.
Ce mardi, une saisine sur les intérêts civils d’une partie des victimes a été décidée par le tribunal, et fixée au 10 avril, pour laisser à chacun le - d’apporter la preuve de son préjudice. Pour bénéficier d’une indemnisation, les victimes devront présenter la preuve d’une promesse de remboursement ou de résiliation donnée par l’entreprise qui les facturait abusivement.
« D’ici là, nous passerons chaque dossier au peigne fin. Rassemblez toutes les preuves dont vous disposez. Chaque document qui certifie que vous avez appelé la SFAM pour annuler »assuré Me Leoty à ses clients, rassemblés autour d’elle après deux heures de délibération. “Je te soutiendrai jusqu’au bout”elle a continué à applaudir, tandis que Sadri Fegaier, entouré de ses avocats, quittait précipitamment le tribunal.
Manque de repentir
En septembre dernier, le désarroi des victimes du SFAM n’avait suscité aucune émotion particulière chez le prévenu. Il s’est au contraire étonné que la justice lui fasse porter l’entière responsabilité des dysfonctionnements. « aux marges »dans ses mots. “Sadri Fegaier n’a jamais voulu rien admettre”constate le tribunal ce mardi. « Aucune remise en question, aucune culpabilité n’émanait de ses interventions, au cours desquelles il ne cessait de vanter son modèle économique »et a montré un « absence de tout repentir ».
Interrogé sur le nombre de plaintes restées sans réponse entre 2018 et 2021 – 2 515 -, Sadri Fegaier, toujours provocateur, a également justifié ces échecs par “forte croissance” du groupe, ce qui a entraîné des délais de réponse plus longs. “Cela nécessitait des correctifs de - en -”» a ajouté l’ancien plus jeune milliardaire de France, dont le succès fulgurant enchantait encore dix ans plus tôt.
En face, la procureure Anne Proust avait souligné tout le scepticisme et la colère suscités par l’attitude de Sadri Fegaier, demandant la peine maximale contre lui. Fait rare : à l’issue de ses réquisitions, le procureur de la République a reçu une standing ovation des parties civiles présentes dans la salle d’audience.
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