LLa place de la Clautre est pleine de monde ce samedi 14 décembre au soir. La cartographie projetée sur la cathédrale Saint-Front va débuter. Contrairement aux usages, ce n’est pas la maire de Périgueux (Dordogne) qui parle, mais son premier adjoint. « Profitez de vos proches et passez de bonnes vacances ! » », souhaite Émeric Lavitola.
L’absence de Delphine Labail n’est pas fortuite. La veille, « sous l’effet d’un épuisement professionnel important », la socialiste avait annoncé qu’elle se « retirait » de ses mandats : mairie, agglomération, conseil régional.
Depuis, majorité et opposition sont unanimes pour lui souhaiter un prompt rétablissement. Tous conscients du poids du fardeau, nombreux sont ceux qui invoquent d’autres raisons pour justifier ce bracketing.
La goutte d’eau
Delphine Labail n’est plus apparue en public depuis plusieurs jours. La dernière fois, c’était au conseil municipal du 4 décembre. Santa Barbara des pompiers, plantation de l’arbre de la laïcité, repas des personnes âgées : personne ne l’y a vue. Parallèlement, son agenda hebdomadaire n’était plus communiqué.
« On avait l’impression qu’il se passait quelque chose », analyse rétrospectivement l’ancien maire de droite et chef de l’opposition, Antoine Audi. D’autres parlent d’une « fragilité émotionnelle » remontant à « plusieurs mois ». La sédimentation des causes serait donc ancienne, mais l’épuisement est récent.
Beaucoup l’attribuent à un diagnostic examinant notamment la gouvernance de la mairie. Non rendues publiques, mais connues du maire et de ses proches, ses conclusions témoigneraient d’une ambiance délétère. Elles seraient « catastrophiques », a estimé cet élu. «Nous avons connu mieux», dit un autre.
Gouvernance
La maire serait spécifiquement visée pour sa gestion des ressources humaines, estiment plusieurs d’entre eux. Ce qui n’étonne pas l’ancien premier adjoint et conseiller départemental de droite, Laurent Mossion, qui a recensé « de nombreux départs de cadres historiques et des cadres recrutés qui ne restent pas ». « Le taux global d’absentéisme médical a presque doublé entre 2020 et 2022 », a relevé l’opposant Michel Cadet. « Cela démontre des risques psychosociaux importants », analyse Antoine Audi.
La critique de la gouvernance ultra-centralisée est ancienne. Dès 2022, François Carême, membre de la majorité, expliquait sa démission : « Le maire veut tout voir, tout contrôler, ne fait confiance à personne. » « Ce n’est pas tenable », regrette cet autre élu.
Plus prosaïque, l’opposition pointe du doigt les finances de la Ville qui « vont au mur », klaxonne Michel Cadet. Vice-président de la commission des finances, il a expliqué la situation dans une lettre envoyée à la Chambre régionale des comptes en septembre, accompagnée d’un rapport au parquet général ce mois-ci. «Le chantier du parc sportif est devenu incontrôlable», raconte Antoine Audi. De 8 millions d’euros au départ, on finira avec environ 18 millions. »
Les rumeurs
Depuis vendredi, les rumeurs vont bon train. “Elle voulait démissionner, mais ils l’en ont empêché avec ce retrait”, dit-on sous couvert d’anonymat. Qui est ce « nous » ? « Son entourage », murmurent-ils, visant « le cabinet » et « quelques amis proches ».
Dans sa première version, le communiqué du maire faisait état d’un retrait « pour plusieurs mois ». Témoignage de l’émoi régnant au sein de la majorité, vendredi soir, le délai a été rapidement réduit à « plusieurs semaines ». Tout aussi brouillonne a été la gestion de la communication de crise ce week-end des 14 et 15 décembre. Le premier adjoint, Émeric Lavitola faisant office de maire, a d’abord refusé de répondre à « Sud Ouest », puis a accepté, et enfin décliné dimanche. La communication du cabinet explique qu’il réserve ses déclarations au Conseil municipal prévu le mercredi 18 décembre.
Une situation qui a amusé cet observateur avisé de la vie politique municipale : « Émeric est le premier député fédéral du PS, un homme politique pur et dur. Il prendra goût au poste et n’y renoncera pas si facilement. »
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