La journée du lundi 16 décembre, en cette dernière semaine du procès Mazan, débute sous les applaudissements de la salle d’audience pour accueillir Gisèle Pelicot, accompagnée de l’un de ses avocats, Stéphane Babonneau. Elle prend sa place habituelle au cœur d’une salle comble. Tous les accusés sont présents ainsi que leurs familles. Le climat est mêlé de tension et d’émotion. Les avocats de la défense discutent entre eux, debout, et semblent calmes. Les accusés, mâchoires serrées, regards baissés, sont pour la plupart tendus. 32 apparaissent libres, les autres attendent dans la loge.
C’est le président du tribunal, Roger Arrata, qui ouvre cette audience et donne la parole aux accusés. Sans surprise, c’est Dominique Pelicot qui prend la parole en premier. Ses premiers mots sont pour son ex-femme dont il salue le courage. Le septuagénaire, vêtu de son habituelle veste de survêtement grise, présente ses excuses auprès de son épouse, mais aussi auprès du reste de sa famille et auprès de l’épouse de Jean-Pierre Maréchal, qu’il a également violée. Il remercie le tribunal, son avocat Me Béatrice Zavarro pour son humanité et les surveillants pénitentiaires pour leur bon traitement. On ressent une forte émotion en lui alors qu’il prononce ces derniers mots. “Je ne pourrai jamais payer ma dette envers ma famille”ajoute-t-il en annonçant qu’il continuera à écrire des textes et des poèmes en prison. Et pour conclure, en regardant ceux qui furent un jour les siens : «Je voudrais dire à toute ma famille que je les aime. »
Des excuses, des remords et un peu d’espoir
Le président appelle ensuite les accusés un à un. Ceux qui se présentent libres se relaient à la tribune, derrière le micro. Les autres parlent depuis la loge. La plupart remercient le président et le tribunal ainsi que l’huissier pour leur “humanité” et leur ” gentillesse “. Certains en disent plus que d’autres. C’est le cas de Jacques C., qui souligne le courage des avocats de la défense dans ce dossier.
“Je ne suis pas un violeur, merci”
Husametin D. vient à la barre et dit : “Je ne suis pas un violeur, merci”. Redouan E., lui, a levé la main en premier pour prendre la parole à l’ouverture de l’audience. Il est venu avec ses notes et a voulu donner des précisions sur Dominique Pelicot. Il dit avoir beaucoup travaillé sur le dossier et tente de présenter à la barre les éléments troublants qu’il dit avoir trouvé. Il évoque le changement de comportement de Pélicot depuis 2010 et ses problèmes de surendettement. Son avocat tente de l’interrompre, en vain. Roger Arata finit par lui couper la parole sèchement, mais l’homme n’abandonne pas et dit « vouloir se défendre dans un procès brûlant où 50 procès se déroulent en même - ». Il dénonce « la dictature de l’image comme moyen maître de manipulation ». L’homme fait ainsi référence aux vidéos diffusées lors du procès où, dit-il, on voit Gisèle Pelicot bouger au total sept fois. “Elle n’est pas dans le coma mais en état de légère sédation”» lâche-t-il, visiblement déterminé à aller jusqu’au bout. La partie civile s’agace. Il admet qu’elle est bien une victime, mais souligne son absence totale d’émotions face aux faits qu’elle a subis. “Nous voulions assommer les gens pour qu’ils ne réfléchissent plus”conclut-il, ému.
Jérôme V., qui s’est rendu six fois à Mazan, prend la parole à son tour. Il annonce qu’il ne fera pas appel de sa condamnation, par respect pour la victime. Ensuite, il prononce des mots à l’attention de la société : “Je comprends que vous soyez indignés mais cette vague de haine est difficile à comprendre”fait-il remarquer. Il décrit également son dégoût et sa pitié pour Dominique Pelicot et dénonce le manque de moyens financiers de la justice qui « gare les détenus sans les considérer ». Gisèle Pelicot écoute attentivement. Il dit qu’il ne veut pas s’excuser auprès d’elle parce que “ce dernier ne peut pas être entendu” et ajoute qu’il aurait «Je voulais faire une justice réparatrice avec elle». Elle ne réagit pas, mais on sent que ces mots résonnent en elle.
La suite après cette annonce
D’autres accusés se succèdent, niant les viols pour les uns, évoquant leurs projets de réinsertion pour les autres. Certains d’entre eux espèrent une réduction de peine. Cédric G. fait partie de la minorité d’accusés qui reconnaissent pleinement les faits de viol. S’il prend la parole, c’est surtout pour s’adresser à la victime et partager ses remords, sa culpabilité et sa honte. Elle le regarde dans les yeux, ce qu’elle ne fait pas pour la plupart des accusés. C’est l’un des - forts qui se termine ce matin.
1 heure 15 minutes ont suffi à tous les accusés pour prendre la parole. “Le débat est terminé”a alors annoncé le président, Roger Arata. Il précise également que le tribunal devra répondre aux questions de l’acte d’accusation, mais aussi à plusieurs questions complémentaires. Parmi elles, la question de l’altération du discernement, qui concerne plus d’une trentaine d’accusés. La question sera : « L’accusé souffrait-il au moment des faits d’un trouble psychologique ou neuropsychologique ayant altéré son discernement ? »explique le président. De nombreux avocats de la défense ont en effet choisi de poser cette question, car ils estiment que la manipulation de leurs clients par Dominique Pelicot aurait pu conduire à une altération de leur discernement.
Le tribunal va maintenant consulter « en silence et en méditation » et je m’interroge sur “son intime conviction”précise Roger Arata. Le verdict sera a priori rendu jeudi à 9 heures, mais ce délai ne sera confirmé aux parties prenantes que mercredi soir. Chaque accusé risque jusqu’à 20 ans de prison pénale dans cette affaire.
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