A la machine à café au travail, lors des repas de famille ou lors de soirées entre amis… Le combat judiciaire de Gisèle Pelicot a fait l’objet de nombreuses discussions depuis son ouverture début septembre, permettant aux femmes d’aborder avec leurs collègues le sujet des violences sexistes et sexuelles. les proches.
Depuis septembre, l’affaire du viol de Mazan envahit le domicile de Garance. Ces dernières semaines, ce procès est même devenu un sujet régulier de discorde entre cette Francilienne de 50 ans et son mari. Aux yeux de son compagnon Dominique Pelicot et des dizaines d’hommes qui ont violé Gisèle Pelicot chez elle pendant des années alors qu’elle était inconsciente et droguée ne sont autres que des « dérangés sexuels ». Des « monstres » qui seraient une exception.
“Il fuit la discussion, on dirait qu’il est dans une forme de déni”, fulmine sa femme, avec qui il est marié depuis plus de 20 ans.
Le sujet est « brûlant », au point d’ébranler les relations familiales. « Ma fille de 16 ans ne le laisse pas passer outre, donc un mauvais mot et ça se termine toujours par une dispute », dit-elle. » D’autant qu’il a tendance à renverser la situation et à trouver que ce n’est pas facile pour des hommes ‘biens’ comme lui, ce qui peut la mettre très, très en colère. Dans ces cas-là, elle l’appelle ‘ouin-ouin’ et quitte la table, bouleversée.
“Je sais qu’elle est déçue de ses réactions”, poursuit-elle. “De son recours à la formule ‘not all men’ (‘not all men’, en anglais) pour se dédouaner et s’exclure du problème, ce que nous trouvons un peu facile.”
Viols à Mazan : comment cacher l’horreur
Cependant, dans cette affaire pénale extraordinaire, l’enquête a révélé que la plupart des 51 accusés étaient des « hommes ordinaires ». Ouvrier, chômeur, retraité, pompier, gardien de prison, journaliste ou militaire… Des hommes de 20 à 68 ans, loin de l’image du pervers qui sévit dans une ruelle sombre. “Il n’y a pas de profil type parmi les violeurs”, explique à BFMTV.com la chercheuse Véronique Le Goaziou, auteure du livre Le viol. Sociologie d’un crime.
“C’est devenu un sujet de dispute à l’apéro”
Au-delà de fragiliser la relation entre sa fille et son père, l’affaire déstabilise aussi le couple de la quinquagénaire. « Ça me pose beaucoup de questions, j’ai l’impression que ça nuit à quelque chose », confie-t-elle. « J’ai l’impression qu’il ne s’intéresse pas et cela me fait m’interroger sur le manque de volonté des hommes de vraiment écouter et entendre notre réalité », explique Garance, pour qui la « prise de conscience » de son mari « n’est pas du tout à la hauteur. »
« L’affaire Mazan est devenue un sujet de polémique à l’apéritif », confirme Hélène Verzier, comédienne engagée et ancienne assistante parlementaire, qui s’est brouillée avec plusieurs amis et collègues ces dernières semaines.
S’il lui arrive d’en discuter avec des femmes de son entourage, Hélène Verzier est surtout agacée par ce fait divers, qui implique un large panel d’hommes « représentatifs de la société française » – selon les mots de la fille de la victime, Caroline Darian -, questionner « les gars sur leur propre attitude ».
« Quand j’en parle à des collègues, à des amis quadragénaires autour de moi, ils me disent qu’ils n’ont pas à se remettre en question puisqu’ils n’en seraient pas capables », assure-t-elle. . « A chaque fois, c’est la même injonction de ne pas les mettre tous dans le même panier. Ils prennent grand soin de présenter (les accusés) comme des monstres, ce qui leur permet de prendre leurs distances et de sortir du débat.»
Une façon de « faire le tri » dans vos relations
La quinquagénaire se dit fatiguée de devoir assumer le poste de « ‘brise-couilles’ », celle qui doit « éduquer le mari, les amis, les oncles, le père ».
« Quand on leur dit que ce type de violence est notre quotidien, ils n’écoutent pas et tout ce qu’ils peuvent dire, c’est combien ils sont merveilleux », déplore-t-elle.
Nathalie, directrice d’une agence immobilière à Béziers (Hérault), se réjouit néanmoins que cette affaire très médiatisée soit l’occasion “d’ouvrir des débats qu’on n’aurait peut-être pas ouverts en - normal”. « En tant que femme, je sais que cela me permet de mettre de l’ordre dans mes relations, selon le regard que les gens porteront sur cette question », explique cette femme de 50 ans.
Les échanges sont particulièrement difficiles avec les hommes des générations précédentes. « Que ce soit mon beau-père de 80 ans ou mon père, on a essayé de leur ouvrir les yeux en relativisant, en donnant l’exemple de l’abbé Pierre ou de Depardieu mais c’est très compliqué. .. Ils viennent d’une autre génération où on ne parlait pas du tout de ces choses-là», poursuit-elle avec lassitude.
Une libération de la parole
Mais dans son entourage, l’affaire Mazan a aussi permis de libérer la parole de plusieurs générations de femmes. Lors d’un repas de famille, certains convives ont commencé à remettre en question les propos de Gisèle Pélicot, qui lui ont donné la force de la défendre et de révéler à ses proches qu’elle avait également été victime d’une agression sexuelle lorsqu’elle avait 14 ans.
«Ça a fait exploser beaucoup de choses, et à ma plus grande surprise tout le monde s’est mis à parler», raconte cette mère de famille.
Sa fille de 20 ans a également confié avoir subi des agressions. Sa propre mère a déclaré plus tard qu’elle avait déjà été violée dans son sommeil par son ancien mari. « Les femmes se disent ‘si elle a réussi à parler, alors moi aussi’, et c’est aussi à cela que sert la médiatisation de ce procès, et c’est pourquoi on peut saluer le fait que Gisèle Pélicot ait choisi de se lancer dans ce combat, en refuser le huis clos », explique Amy Bah, militante et membre du collectif Nous tous à Lille.
“Il y a une prise de conscience collective des femmes qui commencent à se poser la question ‘comment puis-je encore faire confiance aux hommes qui m’entourent ?’, et à se rendre compte qu’en réalité, la probabilité d’être agressée par un homme que l’on connaît est bien réelle. », commente-t-elle. Et pour cause : l’Observatoire national des violences faites aux femmes du ministère de l’Intérieur rappelle que dans 90 % des cas de viol ou de tentative de viol, les victimes connaissent leur agresseur.
Jeanne Bulant Journaliste BFMTV
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