Dorgeles, vous affronterez le PSG, l’Atlético de Madrid et le Real Madrid lors des trois prochaines journées de C1. Qu’est-ce que cela signifie pour votre voyage ?
Cela signifie beaucoup ! J’ai commencé dans le quartier, on ne s’attendait pas à jouer contre de grosses équipes. On y croyait, mais bon… Quand on est jeune, on joue surtout pour le plaisir. Mais en rencontrant ce genre d’équipe, on est plus que content.
Vous dites y croire : rêviez-vous de football à l’école quand vous étiez jeune ?
Avant, quand j’étais plus jeune, quand les gens me demandaient quel était le métier de mes rêves, je disais que je voulais être pilote d’avion.
Quels souvenirs gardez-vous de cette enfance ?
J’ai grandi en Côte d’Ivoire. J’y suis resté longtemps. J’avais l’école, mais dès qu’il y avait des vacances, ce n’était que du football. J’ai commencé à jouer au complexe sportif Jesse Jackson à Abidjan (plus précisément à Yopougon, NDLR). On jouait sans chaussures, avec des rêves, mais surtout avec cette passion du football. J’ai connu plusieurs équipes, avant de rester chez quelqu’un que je remercie encore : le coach Tyson, au club du Majestic. Il m’a pris sous son aile. C’est lui qui m’a ensuite envoyé au Mali. Il m’a beaucoup éduqué, il était là pour nous.
Que pensaient vos parents de vos rêves ?
Mon père était vraiment derrière moi. Il voulait que je joue. Ma mère n’a pas oublié l’école, donc je ne pouvais pas faire l’une sans l’autre. Mais le football est vite devenu important pour moi, bien avant mon entrée au centre de formation. On a joué de grands matches, des tournois dans le pays. Et c’est à l’académie que ça a pris une autre dimension.
On a tous des idoles quand on est petit : qui étais-tu ?
Kaka. J’avais son maillot avec le Brésil. Neymar, je l’aime beaucoup aussi.
A quel moment se dit-on qu’une carrière professionnelle va être possible ?
Au moment des sélections pour rejoindre les U17 du Mali. Et puis quand vous commencez à aller en Europe. Vous y croyez, vous commencez à vous positionner, à travailler encore plus dur pour atteindre ce niveau.
Comment avez-vous rejoint le Red Bull Salzbourg ?
J’y suis venu deux fois. D’abord avec l’académie Jean-Marc Guillou. Puis, après, j’ai complété leur équipe pour un tournoi en Suisse. J’ai terminé meilleur buteur, j’ai marqué en finale de la tête. Nous l’avons gagné. Et puis c’est arrivé. Je pense qu’ils me suivaient depuis plus longtemps, parce qu’ils étaient venus au Mali. Mais ils m’ont vu davantage pendant ce tournoi.
Vous souvenez-vous de votre état d’esprit lorsque Salzbourg et l’Europe se sont ouvertes à vous ?
J’étais très excité, même si quitter l’Afrique pour l’Europe n’était pas quelque chose de facile. Je voulais vraiment saisir cette chance. J’avais cette mentalité de me dire que c’est rare que les jeunes Africains aient cette opportunité. Et moi, coûte que coûte, je voulais m’en emparer, pour ne rien regretter. Ce n’était pas facile. Le froid, tu ne joues pas à ton poste, tu pars en prêt… Tu essaies de t’adapter…
Vous avez eu des doutes au point de vouloir tout abandonner ?
Jamais de la vie ! Je pourrais douter de moi, c’est clair. Je ne jouais pas, j’avais un entraîneur très strict et je ne le savais pas avant. Mais j’ai tenu bon. Cela m’a donné de l’expérience.
Il est clair. J’y ai fait une super saison. C’était une philosophie différente. J’adore le jeu et je m’y suis bien adapté. J’étais un peu libre sur le terrain, ça m’a beaucoup aidé.
Pour que Dorgeles soit heureux sur le terrain, a-t-il besoin d’un peu de liberté ?
Oui, être libre, pouvoir se détendre.
Sans surprise, le Mali a visiblement suivi vos avancées. Vous souvenez-vous de votre première sélection pour les A ?
Je pars en prêt à Ried. J’ai des échos que le coach (Mohamed Magassouba) veut m’appeler. Le match suivant, pour mon deuxième match avec Ried, j’ai marqué un doublé (3-2 contre Wattens). Juste après, ce sont les playoffs pour la qualification à la Coupe du Monde 2022. Je suis sélectionné et je suis le titulaire (contre la Tunisie, match aller, défaite 0-1. Le Mali ne se qualifiera pas pour le Qatar après le 0-0 retour). Je n’avais pas réalisé ce qui m’arrivait.
Pas de Coupe du Monde 2022, mais une Coupe d’Afrique des Nations 2024 pour le Mali et pour vous. La « CAN du siècle » en Côte d’Ivoire : évidemment particulière pour vous.
Très particulier, vous jouez devant plusieurs personnes qui vous connaissent, devant la famille qui y habite. Un moment exceptionnel.
Vous avez grandi avec le Mali : vous venez de réaliser un triplé en novembre contre Eswatini (6-0).
Il n’y a pas de petite équipe, nous avons fait le travail, il fallait le faire pour le public malien qui nous soutient beaucoup. C’est grâce à mes coéquipiers et au staff. J’étais dans une phase un peu difficile. Ce triplé m’a mis en confiance, j’étais vraiment content.
Vous en parliez juste avant : le peuple malien rêve tellement d’une première CAN, enfin…
Exactement. Ils attendent beaucoup de nous, et c’est normal pour un pays qui souffre. Nous sommes heureux de représenter le Mali. Si nous devons donner notre vie pour les rendre heureux, nous le ferons. Gagner la prochaine CAN au Maroc, ce serait vraiment très magnifique.
Vous aurez 22 ans dans quelques jours : un match comme celui de ce soir contre le PSG est-il l’occasion de vraiment montrer ce que vous valez ?
Oui, exactement. C’est comme un défi. J’essaie de briller individuellement et collectivement. On rêve tous de jouer ce genre de matches, on sait que ça apporte de la visibilité. Il faut au moins montrer ce que l’on vaut. Même si c’est un peu compliqué pour nous en Ligue des champions, c’est important de pouvoir faire un bon résultat. On sait que le PSG est une très grande équipe. On n’a rien à perdre, il faut essayer de lâcher prise et de jouer.
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