« J’étais là par hasard, près de Notre-Dame, lorsque l’incendie s’est déclaré le 15 avril 2019. L’air était chargé d’émotion, avec tous ces gens figés, Parisiens, touristes, Français, étrangers, les yeux tournés vers l’incendie. cathédrale, certains pleuraient, c’était très impressionnant. Mais je ne pouvais pas m’arrêter là, j’étais curieux de savoir ce qui allait se passer au cœur de ce monument dévasté.
J’ai fait la demande au ministère de la Culture, qui a été acceptée. Très vite, j’ai compris l’aspect historique de la reconstruction. J’ai aussi réalisé la chance que j’avais de faire partie des rares photographes à pénétrer sur ce gigantesque chantier. Ce que je ne savais pas alors, c’est que je me lançais dans une aventure qui durerait plus de cinq ans.
J’ai aimé ce « projet humain ». Je ne suis pas un spécialiste du patrimoine, j’aime plutôt photographier les gens et c’était aussi, pour moi, une question de rencontres. Pour tous les métiers, des échafaudeurs aux tailleurs de pierre, des restaurateurs aux menuisiers, du personnel de sécurité aux cordistes, j’ai constaté cette même fierté d’être photographié et de faire partie de l’histoire. Pour moi, c’était autant une aventure humaine qu’une aventure photographique. »
Un ange au milieu des ruines
Un ange parmi les vestiges de Notre-Dame, à l’emplacement où se dressait la flèche de Notre-Dame, le 3 juillet 2019. / ©Patrick Zachmann/Magnum Photo
« C’est quand même une belle émotion, cette photo. A cette époque, les travaux de reconstruction n’avaient pas encore commencé. J’étais seul dans la cathédrale en ruine, avec ces trous béants et, au milieu, un ange. Je me souviens du silence impressionnant de ces moments. »
Mikado géant
Des cordistes démontent l’échafaudage incendié de Notre-Dame, le 8 juillet 2020. / ©Patrick Zachmann/Magnum Photo
« C’est incroyable de voir ces cordistes travailler dans cet enchevêtrement métallique. Il faut se rappeler qu’on ne savait pas si tout allait tenir ou s’effondrer, les gars travaillaient poutre après poutre avec leur petite meuleuse. Il y avait des sondes avec alarmes partout, mais cela ressemblait quand même à un jeu de Mikado géant. »
De jour comme de nuit
Vue depuis le sommet de la tour Nord du démontage de l’échafaudage Notre-Dame, de nuit, le 18 novembre 2020. / ©Patrick Zachmann/Magnum Photo
« J’étais au sommet de la Tour Nord. C’était une époque où le travail devait être réparti, pour des raisons de sécurité, entre le jour et la nuit. L’échafaudage fondu a été retiré. Au cœur de la nuit, on s’immerge dans la lumière de la cathédrale. »
Chaplin à Paris
Lors de travaux de sécurisation, démontage d’un « oculus » à travers lequel sera amenée une charpente pour renforcer les arches de la nef, 20 avril 2021. / ©Patrick Zachmann/Magnum Photo
« Sur cette image en contre-jour, où l’on aperçoit la coupole du Panthéon, les silhouettes des deux ouvriers se détachent dans une symétrie imparfaite. Leurs gestes m’ont tout de suite rappelé cette fameuse scène de les - modernes, par Chaplin. »
Inaccessible
Dans les entrailles de Notre-Dame lors de la reconstruction de la voûte, le 21 novembre 2022. / ©Patrick Zachmann/Magnum Photo
« Dragan, maçon d’origine croate, travaille ici à la reconstruction de la voûte du transept nord. On retrouve cette idée d’entrailles, dans ces lieux qui deviennent inaccessibles après les travaux. La photographie joue aussi ce rôle de figer des images de lieux qui ne seront plus jamais visibles. »
En apesanteur
Mathis et Arnaud, cordistes, renforcent les pierres des voûtes brisées avec un mélange de plâtre et de corde, 29 mars 2021. / ©Patrick Zachmann/Magnum Photo
« Les tailleurs de pierre renforcent les voûtes avec un enduit approprié. Il y a toujours, dans l’exercice des cordistes, un côté spectaculaire. On a, ici, une sensation d’apesanteur, et puis j’aime ce geste de la main devant le masque, on ne sait pas s’il est fatigué, si son masque est sale. C’est un moment pour la photographie. »
Sous les étoiles
La restauration de la chapelle Saint-Marcel, sous la direction de Marie Parant, le 10 novembre 2022. / ©Patrick Zachmann/Magnum Photo
« J’aime l’élégance de la pose de ce restaurateur, parmi les stars de la chapelle Saint-Marcel. On dirait une danseuse… Cette photo date de 2022, en phase de restauration avancée. D’une manière générale, je reste impressionné de voir tous ces gens travailler dans des accès difficiles, sans recul, dans des postures souvent impossibles. »
Enquête médiévale
Ingénieure spécialisée dans les métaux, Delphine part, avec Santiago, cordiste passionné d’histoire de l’art, identifier les marques lapidaires médiévales des compagnons de la cathédrale. Ici, le 18 août 2022. / ©Patrick Zachmann/Magnum Photo
«C’est une histoire unique. Cette jeune femme suspendue devant les sculptures du tympan s’appelle Delphine, une brillante ingénieure spécialisée dans les métaux. Elle rencontre sur le chantier Santiago, un cordiste passionné d’histoire de l’art. Tous deux, accompagnés d’un vidéaste du CNRS, se sont mis à recenser toutes les marques lapidaires médiévales des compagnons de la cathédrale. Ils en ont identifié plusieurs centaines. »
Carnaval
A la clé de voûte du transept sud, on retrouve des visages carnavalesques inattendus. Ici lors de leur restauration, le 10 novembre 2022. / ©Patrick Zachmann/Magnum Photo
« Ici, on se retrouve très près des figures de la clé de voûte du transept sud. C’est assez inattendu de voir ces visages carnavalesques un peu grotesques, avec toujours en contrepoint la minutie des travaux de restauration. »
Une clairière
Depuis la grue à tour, vue sur la flèche Notre-Dame, traversée d’une lumière incroyable, le 6 décembre 2023. / ©Patrick Zachmann/Magnum Photo
«J’étais dans la grue à tour (l’appareil de levage utilisé dans la construction des bâtiments, ndlr)le - était maussade, il ne se passait pas grand chose. Le ciel s’est éclairci en fin de journée, avec cette incroyable lumière sur la flèche et son petit personnage au sommet. C’est un moment magique pour un photographe. »
Christ intemporel
Le 10 octobre 2023, les vitraux colorés de la cathédrale réalisés par l’atelier Vincent Petit seront réinstallés. / ©Patrick Zachmann/Magnum Photo
« Là, on remplace les vitraux. Ce qui fonctionne dans cette image, c’est le rapport entre l’ouvrier tatoué et la figure du Christ dans le vitrail : tout se joue dans la proximité et la distance entre les deux visages qui dialoguent, l’un bien dans son époque et l’autre plus intemporel. »
Chimère
Installation d’une chimère sur le pignon sud de Notre-Dame, le 6 mars 2024. / ©Patrick Zachmann/Magnum Photo
« Il y a aussi des moments qui se produisent presque naturellement, comme celui où les mains des artisans entourent le visage de cette chimère. Pas besoin d’en rajouter. »
La bénédiction du coq
Le nouveau coq de Notre-Dame, conçu par l’architecte en chef Philippe Villeneuve, a été béni par l’archevêque de Paris. Ici lors de son installation au sommet de la nouvelle flèche, le 16 décembre 2023. / ©Patrick Zachmann/Magnum Photo
« La bénédiction et l’installation du coq au sommet de la flèche est une étape importante, un moment fort et symbolique. Il y a cette belle lumière, la composition est parfaite, je me souviens encore du vent fort et du froid mordant de cette journée. »
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