Le nom de François Bayrou était sur toutes les lèvres ce jeudi 5 décembre. De l’Assemblée aux sièges des partis, de l’Élysée aux salons béarnais où l’on attend depuis des années une grande aventure nationale pour le candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2007.
Après la censure du gouvernement Barnier, le maire de Pau depuis 2014 a rarement semblé aussi proche de l’une des deux positions les plus exposées de la vie politique française. Le mouton à cinq pattes capable de parler à droite comme à gauche, c’est peut-être lui, entend-on en Béarn comme à Paris.
Le président du Modem, né au centre droit, avait fait un pas vers la gauche au second tour de l’élection de 2007 (un geste que les proches de Nicolas Sarkozy ne lui ont pas tous pardonné, peut-être son handicap majeur aujourd’hui). Il est revenu à l’extrême centre de l’échiquier en épousant la cause d’Emmanuel Macron en 2017.
Relation complexe
Depuis la naissance du Modem en 2007, François Bayrou ne cesse de militer pour dépasser les clivages politiques. Il avait trouvé en Emmanuel Macron le modèle qu’il espérait depuis longtemps incarner. Son ralliement, en février 2017, faisait partie du second souffle du jeune candidat bientôt propulsé aux plus hautes fonctions.
Depuis, la relation entre les deux hommes est devenue plus complexe. Le plus jeune se méfie de plus en plus de son aîné, jugé trop iconoclaste dans les rangs d’En Marche devenu Ensemble. Mais le président de la République connaît les chiffres du Modem essentiels à sa majorité. Il a donc toujours pris soin de ne pas froisser son allié béarnais. François Bayrou hérite ainsi de la Commission du Plan et devrait prendre la tête de France Stratégie avant le big-bang de la censure.
En février 2024, Bayrou lui-même a été écarté du casting faute d’« accord profond sur la politique à suivre »
L’épisode judiciaire de l’affaire des assistants parlementaires européens du Modem avait éloigné François Bayrou de ses ambitions nationales, en juin 2017, à peine un mois après sa nomination à la Justice. Son acquittement en première instance, le 5 février 2024, avait ravivé les conjectures, mais François Bayrou lui-même avait été écarté du casting faute d’« accord profond sur la politique à suivre ». Le parquet a fait appel le lendemain, autre handicap pour son profil de premier ministre.
Il travaille dans les coulisses
Cependant, la situation a beaucoup changé au cours des dix derniers mois. Le gouvernement du jeune Gabriel Attal a été dévasté par la dissolution de juin et l’expérimenté Michel Barnier s’est cassé les dents sur la censure des extrêmes. Si le NFP réfute l’idée d’un Premier ministre qui ne serait pas issu de ses rangs, le RN a indiqué qu’il ne censurerait pas dans l’immédiat un gouvernement dirigé par le maire de Pau. Un homme qui partage sa volonté de proportionnalité et la douloureuse expérience judiciaire des assistants parlementaires européens.
François Bayrou a compris son opportunité et activé les grandes manœuvres après le vote de censure de mercredi. Il avait prévu de rencontrer Bernard Cazeneuve jeudi midi et a finalement avancé la réunion au matin pour pouvoir honorer une invitation à l’Élysée. Il a d’ailleurs rencontré Xavier Bertrand dans l’après-midi pour tenter de faire sourciller LR.
S’il se sait en équilibre avec le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, le maire LR de Troyes, François Baroin, ou encore l’ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve (que le RN promet de censurer), le centriste semble bien placé pour constituent le pont entre les deux rives d’un gouvernement d’unité nationale.
« La situation est imblocable »
Une équipe dont la ligne directrice serait un pacte temporaire de non-censure, au moins jusqu’en juin, date à laquelle le président serait libre de dissoudre à nouveau l’assemblée. Emmanuel Macron a même plaidé pour les « trente mois » qui séparent l’élection présidentielle de 2027 dans son allocution télévisée. Le locataire de l’Élysée évoquant une « nouvelle organisation politique » avec des « forces républicaines » réunies autour d’un « arc de gouvernement » et un « gouvernement resserré ».
C’est peu dire que François Bayrou se sent prêt pour cette mission commando. “Je pense que la situation peut être réglée”, expliquait François Bayrou, il y a quelques jours sur BFM TV avant le vote de la motion de censure. Seul un gouvernement large dans son inspiration peut le débloquer. […] La priorité absolue est de ne pas plonger le pays dans le chaos. »
Avec l’arrivée des délégations internationales et les célébrations autour de la réouverture de Notre-Dame de Paris samedi et dimanche, la fin du suspense ne devrait pas intervenir avant lundi.
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