A l’approche de la fin de son mandat à la Culture, la ministre a annoncé un dispositif de lutte contre les atteintes à la liberté de création. Rien de révolutionnaire, mais des mesures bienvenues face à une pression croissante sur les artistes.
À propos de Sophie Rahal
Publié le 5 décembre 2024 à 13h14
M.Mercredi 4 décembre, midi : alors que le gouvernement de Michel Barnier vit ses derniers instants, une grande braderie débute rue de Valois, au ministère de la Culture. Rachida Dati, dont l’avenir en tant que ministre est désormais compté, a finalisé ses dossiers en toute hâte. Et pour montrer qu’à quelques heures d’un probable chaos politique ses équipes s’affairent, rien de tel qu’une pluie de communiqués annonçant, pêle-mêle, l’entrée d’un trésor national dans les collections du Louvre. La nomination d’un nouveau directeur à la tête de la scène des musiques contemporaines à Avignon. Détails des accords culturels signés lors de la visite d’Emmanuel Macron en Arabie Saoudite. L’inscription de la « culture foraine » sur la liste du patrimoine immatériel de l’UNESCO. Suivi, quelques minutes plus tard, de celui « du savoir-faire des couvreurs et zingueurs et ornemanistes parisiens ».
Au milieu de cette avalanche, une annonce tombe particulièrement à point. Celui d’un plan « en faveur de la liberté de création artistique ». Il devenait urgent pour le ministre d’agir sur ce dossier brûlant, alors que la montée des pressions, des menaces voire des cas de censure de concerts ou de spectacles, le plus souvent sous l’influence de petits groupes d’extrême droite, est progressivement devenue un sujet majeur – même mais la liberté de création et de diffusion est garantie depuis 2016 par la loi LCAP. Au point que les syndicats (le SMA pour les musiques contemporaines, le Syndeac pour les employeurs du théâtre aidé, les Ekhoscènes pour les entrepreneurs privés du spectacle vivant, etc.) et les associations comme l’Observatoire de la liberté de création s’en inquiètent régulièrement. , notamment dans une enquête récente publiée par Télérama.
A lire aussi :
Spectacles annulés, livres interdits… la censure exercée par l’extrême droite menace la création
Cet automne, la sénatrice socialiste Sylvie Robert, l’une des initiatrices de la loi LCAP (relative à la liberté de création, d’architecture et de patrimoine), a pour sa part mené une mission d’évaluation de cette loi huit ans après son adoption, en interrogeant plus d’une trentaine d’élus. responsables et professionnels du secteur. Ses conclusions valident ce que chacun ressent sur le terrain : « Les questions de liberté de création et de diffusion, de censure, d’autocensure voire de censure préventive sont aujourd’hui un véritable sujet. [de préoccupation]. »
Le plan annoncé par Rachida Dati n’a rien de révolutionnaire. Cela se résume à quelques décisions pragmatiques dont on peut néanmoins espérer qu’elles remettront le ministère en ordre de bataille sur un sujet franchement inquiétant. Premièrement, il prévoit trois mesures destinées à mieux identifier les atteintes à la liberté de création à partir de 2025. Parmi elles, la nomination d’un fonctionnaire attaché au ministère de la Culture « chargé d’accompagner les acteurs culturels en difficulté et de coordonner les actions politiques en faveur de la liberté de création et de diffusion ». Un médiateur capable de travailler avec la Drac (les services du ministère en région, bonne connaissance du terrain) ou les préfets, mais dont le communiqué ne précise pas par qui il sera nommé.
Formation, suivi et référents
La question est loin d’être neutre à l’aube d’une période politique incertaine qui pourrait voir un jour le Rassemblement national arriver au pouvoir. Autre mesure, la mise en place de référents dans la Drac capables d’agir face à des cas concrets. Une idée de bon sens tant les acteurs (artistes, mais aussi directeurs de lieux culturels) ne savent pas toujours vers qui se tourner alors qu’ils sont partout fragilisés, parfois empêchés de se produire, ou à la merci de décisions prises par des élus réticents. pour animer des émissions sur l’écologie, les migrants, la religion, le genre…
Si le plan ne comporte pas de volet dissuasif, il entend renforcer la « sensibilisation » et la « formation » de tous ceux qui, un jour, pourraient être concernés par la censure : artistes en premier lieu, directeurs de salles, élus. … Un guide juridique devrait être publié par le ministère au printemps prochain, qui viendra s’ajouter à celui de l’Observatoire des libertés de création et de diffusion, renforcé dans son rôle de « chien de garde ». Là « mise en place d’un suivi des cas d’atteinte à la liberté de création » est prévue, en concertation avec les associations d’élus et de collectivités territoriales. C’était indispensable, car il est difficile de documenter ces obstacles ou tentatives d’obstacles et, plus encore, d’objectiver le risque d’autocensure qui en résulte.
A lire aussi :
“Je vais m’énerver contre mon élu” : l’autocensure se déchaîne dans les salles
Dans une économie fragilisée, où les créateurs ont de moins en moins de moyens de s’opposer aux conditions de ceux qui les financent, le soutien clair du ministère était attendu, nécessaire et donc bienvenu. Car, en matière de liberté de création, personne ne peut prédire le sort que l’avenir réserve aux artistes.
Related News :